Le magazine de I'aeronautique militaire internationale N° 277 decembre 200 1 4 Patrouille de France 2002 par Bruno Jolivel Changement de leaderCl la P...
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Le
magazine
de
I'aeronautique
militaire
internationale
Sommaire Vingt-t roisie m e annee
decembre 200 1
Le magazine de I'aeronautique militaire internationale
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N° 277
8 14 20 30
Patrouille de France 2002 par Bruno Jolivel Changement de leader Cl la PAF ,' le capitaine Giraud succede au commandant Girard.
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Sous le signe du Taeguk par Frederic Lert La Korean Aerospace &Defence Exhibition.
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EC 2/5 « He de France » par Christi an Boisselon Soixantieme anniversaire du Free French Squadron 340.
Deux ans, deux palmes ! Pour un deuxieme classe ! par Jacques Dunot et Alain Crosnier Observateur sur T-6 en Algerie. Revue de presse par l'equipe de la red action Les nouveautes de ['edition. Analyse des nouveautes par l'equipe de la redaction Les dernieres maquettes sorties.
En eouverture : la Heyl Ha'Avir a recu quarante-huit F-15A/B Baz, trente et un F-15CjD Akefetvingt-einq F-151 Ra 'am. Ces appareils sont repartis au sein de quatre eseadrons : Tayeset 133 et 148 pour les Baz, Tayeset 106 pour les Akef. et Tayeset 69 pour les Ra'am. lei, le F-15D n° 979, equipe de ses reservoirs plaques et arborant trois marques de vieto ires remportees sur des MiG syriens lors des operations au Liban
Baz, Akef et Ra'am par Riccardo Niccoli Les F-15 de la Heyl Ha'Avir. Rara Avis Helveticum (tin) par R. Francillon et M. Gruenenfelder L'histoire du chasseur suisse C-36.
(Photo Riccardo Niccoli).
Directrice commerciale : Martine C"BIAC Gestion des abonnements:
a nos bureaux
Publicite : a nos bureaux (tel. : 01 42936724) Photogravure : PRESTI E GRAPHI UE Impression: HERISSEY, ZI n° 2, rue Lavoisier, 27000 Evreux Tel. : 02 32 28 29 30 Depot legal 4' trimestre 2001 All contents © AIR FAN 2001 Reproduction meme partielle interdite Numero de commission paritaire : 61086 Distribution par les NMPP
AIR FAN est membre de l'Office de justification de la diffusion
Rlidacteur en chef: Olivier CABIAC Correspondant de la redaction aux Etats-Unis: Rene J. FRANCILLON Principaux colla orateur Rene BAlL, Christi an BOISSELON, Alain BOSSER, Jean-Loup CARDEY, BenaTt COLlN, Phili ppe COLlN, Alain CROSNIER, Eric DESPLACES, Jean-Luc FOUQUET, Michel FOURNIER, Jean-Bernard FRAPPE, Christ GARCIA, Henri-Pierre GROLLEAU, Jean-Pierre HOEHN, Christian JACQUET, Stephane MEUNIER, Marc-Eric MINARD, Jaeques MOULIN, Stephane NleOLAOU, Alain PELLETIER, Jean-Jaeques PETIT, Mare ROSTAING, Jean-Pierre TEDESCO, Bernard THOUANEL, Patriek VINOT-PREFONTAINE Collaborateurs etrangers Denis J. CALVERT, Christophe DONNET, Jim DUNN, Giuseppe FASSARI, Paul JACKSON , Theo VAN GEFFEN, Robert E. KLING, Hans KONING, Peter B. LEWIS, Hugo MAMBOUR, Dave MENARD, Vineent PIRARD, Herman J. SiXMA, Peter STEINEMANN, Riehard L. WARD
60 ans pour I'EC 1/30 «Alsace »
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'escadron de chasse 1/30 " Alsace " a souffle ses soixante bougies le vendredi 28 septembre dernier sur la base aerienne 132 de Colmar, en presence de nombreuses personnalites civiles et militaires. Cree le 1er septembre 1941 a Rayak, au Liban, le groupe de chasse " Alsace " opere au Moyen-Orient avant de rejoindre l'Angleterre a partir d'octobre 1942. Apres avoir activement partici pe aux combats jusqu'a la victoire de 1945, il poursuit ses missions en Indochine, puis revient en Europe, en passant par Friedrichshafen. 11 s'etablit a Dijon ou il entame sa conversion sur reacteur. C'est I'epopee Vampire, Ouragan, Mystere IV, Mirage 111 ,
puis Mirage 2000 au sein de I'EC 3/2" Alsace ". Les traditions de I'escadron so nt ensuite reprises, le 1er aoOt 1993,
par I'EC 3/13 (anciennement " Auvergne ,,) stationne a Colmar et equipe de Mirage F1Cl C'est le 1er juillet 1995 qu'il est renumerote EC 1/30 dans le cadre de la reorganisation de la Force aerienne de combat.
Ce soixantieme anniversaire a donne lieu a une splendide decoration appliquee au Mirage F1CT n° 236 (code 30-SB), pour la plus grande joie des amateurs de beiles couleurs. ~ C. Boisse/on
Sur fond de competition industrielle acharnee pour la fourniture d'un avion de combat la RoKAF (Republic of Korea Air Force), le Salon de Seoul offrait quelques visions interessantes pour le visiteur occidental.
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a Coree du Sud a de grandes ambitions industrielles et ne se prive jamais de le faire savoir. Celles-ci, deja bien connues pour tout ce qui touche a I'electronique, la construction navale et I'automobile, atteignent desormais le domaine aerospatial, comme I'a prouve le Salon aeronautique de Seoul qui s'est tenu du 15 au 21 octobre derniers. « Nous avons /'ambition de faire partie des dix premiers constructeurs aerospatiaux d'ici 2015", ont declare sans detour les responsables de KAI (Korean Aerospace Industries) qui reunit aujourd'hui
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• Le Taeguk designe le cercle divise en deux parties egales que /'on retrouve sur la cocarde et le drapeau sud-coreens.
les secteurs d'activite aerospatiale des trois geants industriels coreens que so nt Daewoo, Hyundai et Samsung, autant de noms qui ne sont pas completement inconnus en France ...
Enormes enjeux
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Ci-dessus: Eric Gerard dans ses ceuvres. Disposant de moins de poussee que ses competiteurs, le Rafale tire neanmoins chaque fois son epingle du jeu dans les presentations en vol gräce I'extreme finesse de ses evolutions.
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Ci-contre : decollage
a I'arrache pour le Su-35. Arguant des progres realises sur les commandes de vol, le constructeur russe pro pose aujourd'hui la supermanceuvrabilite sans poussee vectorielle . La duree de vie des tuyeres y gagne sans doute enormement!
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L'ed ition 2001 du Salon de Seoul etait marquee par la competition nee du programme F-X qui vi se a equiper la RoKAF d'un chasseurbombardier moderne. Le F-X, pour lequelles Coreens requierent un apparei l bimoteur, remplacera a terme tous les F-5 ainsi que les F-4 les plus anciens. Si une quarantaine d'exemplaires seulement sont
concernes par le premier appel d'offres, les obseNateurs s'accord ent pour penser que la RoKAF pourrait, Ei terme, se doter d'une centaine d'avions neufs, un volume d'affaires qui aiguise bien des appetits et qui debouche sur une lutte au couteau entre le Rafale de Dassau lt, le F-15K de Boeing, le
Typhoon d'Eurofighter et le Su-35 de Soukho'i. Les enjeux financiers et industriels so nt enormes et les quatre competiteurs avance nt avec leurs forces et leurs faiblesses, chacun etant bien decide Ei tout faire pour emporter le morceau. Avec 37 000 militaires ameri cains pre-
sents en Coree et I'ensemble de la panoplie actuelle de la RoKAF (avions et armements) made in USA, sans oublier I'amicale pression de la Maison-Blanche, le F-15K (version du F-15E proposee a la Coree) partait favori dans la competition. " Le F-15E a largement fait ses preuves au combat et il peut atre livre avec des armements sans equivalents comme la bombe JOAM ou le missile SLAM-ER ", soulignait Boeing , qui a crucialement besoin du contrat coreen pour maintenir la cha'lne de fabrication du chasseurbombardier en activite . Mais I'argument du " teste au combat " est Ei double tranchant, car il rappelle incidemment que le F-15 n'est plus un perdreau de I'annee. Les Americains ne peuvent pas expliquer chez eux que le F-15 est un avion !ige - pour justifier le programme F-22 - et, dans le me me temps, vanter ses qualites a I'export. " Technologie ancienne, absence de commandes de vol electriques, trap eher a mettre en Cßuvre ", nous dit-on chez Dassault a propos du bireacteur USo C'est un trentenaire qui a deja connu son lot d'ameliorations techniques. Les Coreens cherchent un appareil neuf, dote d'un potentiel d'evolution intact et capable de servir pendant plusie urs decennies. En 2030, la conception du F-15 sera vieille d'une soixantaine d 'annees ... "
Le Rafale tient la corde Cet appareil moderne dont a besoin la RoKAF, il s'agit bien entend u du Rafale B En haut : le biplace B 302 de Da ssa ult ä la sauce coreenne, avec, sur la derive, la tran scription en langue locale du mot « Rafale ». Les efforts de promotion de I'appareil par les industriels fran ~a i s ä Seoul debordaient largement du seul champ technique pour s'a dresser directement au grand public coreen. Ci -c ontre : venu d'Elmendorf (Alaska), ce F-15E Strike Eagle rep resentait roffre de Boeing pour le programme F-X.
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Ci-contre : la Coree du Sud est encore un tres large utilisateur de F-4 Phantom, y compris des versions les plu s anciennes comme ce F-4D. Au milieu: evoluant avec six A-37, la patrouille coreenne des Black Eagles offre un programme un peu long et peu vigou reux. 11 n'en demeure pas moins que les formations serrees sont impeccables !
En bas : aux cates des F-4D, les F-5 seront les premiers appareils remplaces par le futur chasseur du programme F-X. selon I'avionneur de Saint-Cloud et, semblet-il , les pilotes coreens eux-memes. En effet, a en croire des fuites dans la presse, le Rafale aurait ete classe premier par I'equipe d'evaluation technique de la force aerienne coreenne . 11 serait suivi par le F-15, le Typhoon et le Su-35 , bon dernier. C'est un peu de baume au cceur pour Dassault qui tient la une chance reelle de briser le mur des exportations pour son dernier-ne. Dassault qui ne menage pas ses efforts de promotion en direction des decideurs coreens, mais egalement du grand public : c'est ainsi qu'un film publicitaire a la gloire de I'avion franyais etait diffuse sur quelques-uns des nombreux ecrans video geants qui tapissent les grandes arte res de Seoul. Au cours d'une conference de presse reunissant les groupes majeurs franyais impliqu es dans le programme Rafale, I'avionneur de Saint-Cloud apresente les grandes lignes de son projet de cooperation industrielle avec la Coree . On peut en rete-
nir que, si I'appareil etait choisi, les Coreens auraient la possibilite de fabriquer des elements de Falcon et de Rafale (y compris pour les exemplaires destines au marche
franyais), mais aussi de reacteurs M88. Ils seraient egalement associes a la production du radar RBE2, des contre-mesures Spectra et de I'OSF « Notre offre regroupe plus de cent projets technologiques avec un programme encore jeune " , resumait Charles Edelstenne. Sur la piste, le Rafale, pilote par I'ancien marin Eric Gerard , enthousiasma le public coreen qui , sans doute neophyte en matiere d'evolutions spectacul aires, ponctuait chaque figure par des oh ! et des ah ! touchants de sincerite. La demonstration durait jusqu'a la derniere seconde puisque, apres une simulation d'atterrissage suivie d'une remise de gaz et d'une approche tres serree digne d'un appontage, Eric Gerard se faisait chaque jour plaisir en arretant completement sa machine sur une distance etonnamment courte comparee a celle necessaire a ses concurrents.
Bois et titane ] Avec ses sept prototypes engages dans @ differents programmes d'essais, Eurofighter lOAIR FAN
~ Ci-contre: ce F-16B aux
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couleurs coreennes est I'un des cent vingt appareils construits par KAI. La fin prochaine de ce programme milite pour un choix rapide du futur F-X afin de maintenir le plan de charge de I'industrie nationale. Ci-dessous: plusieurs Ka-32 ont ete livres par la Russie la Coree du Sud pour eponger une partie des creances de I'ex-URSS. Quelques-uns ont ete maintenus en etat de vol, mais la rumeur dit que la plupart d'entre eux ne servent que de reservoirs de pie ces detachees ...
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En bas : satisfaisant dans un scenario d'engagement contre la Coree du Nord, le F-5 ne correspond plus aux ambitions de Seoul qui veut se poser en puissance regionale. Son remplacement devient donc necessaire.
n'avait pas juge bon d'envoyer un Typhoon a Seoul. Seule une maquette a I'echelle 1 attirait la foule prete a faire la queue pendant une bonne heure pour jeter un CBil dans le cockpit en bois, a I'interieur duquel quelques commutateurs montraient des signes evidents de fatigue. A noter que le consortium europeen est le seul a proposer une off re a base d'appareils mono pi aces (vingthuit) completes par des biplaces d'entrainement (douze), pour arriver a un total de quarante avions. Plus remuant etait le Soukho'i 35 dont la demonstration en vol, qui alliait puissance et supermanCBuvrabilite, remporta egalement un gros succes populaire. Le Flanker etait depourvu de tuyeres vectorielles « desormais rendues inutiles grace la presence de nouvelles commandes de vol ", precisaient les representants du bureau d'etudes, qui s'empressaient d'ajouter que cette agilite n'etait pas seulement une attraction de meeting aerien. « La supermanCBuvrabilite a son importance en combat aerien, car elle permet au pilote de pointer rapidement son avion dans une direction
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donnee pour accrocher une cible ", soulignait Alexander Klementiev, directeur adjoint de Soukho'i. Malgre leurs qualites de vol et leur autonomie phenomenale, malgre aussi une proposition commerciale qualifiee de « meilleure de toutes " par les Russes euxmemes, les Su-35 monopiaces et Su-35UB biplaces d'attaque n'ont pas la faveur des pronostics. Plusieurs raisons acela, dont, sans doute, I'insuffisance du niveau de technologie offert, la mauvaise reputation du suivi technique et commercial des productions russes, mais aussi - sur un plan plus
~ general - le positionnement mondial de
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I'avionneur, certainement trop faible pour AIR FAN 11
pouvoir interesser les Coreens sur le long terme. Aux prises, chez eux, avec de redoutables difficultes de plan de charge, les Russes ne semblent ainsi pas en mesure de proposer des compensations industrielles suffisamment attractives pour I'industrie coreenne , en qualite comme en quantite. Rosoboronexport, organisme etatique charge de la commercialisation des appareils, apportait toutefois dans la corbeille la mise en place d'une chaine de montage de Su-35 en Coree et I'industrialisation du bimoteur de transport regional Su-80. " Soukhoi" mai-
trise egalement la metallurgie du titane et les
logiciels des commandes de vol, des specialites que nous souhaitons partager avec les Coreens " , precisait encore Alexander Klementiev.
A la recherche d'un plan de charge Bien au-dela des simples performances techniques des uns ou des autres, les veritables enjeux du programme F-X sont aujourd 'hui industriels. A tel point que I'avion qui sera selectionne ne sera plus une fin en soi, mais simplement un moyen de hisser I'ensemble du pays vers le niveau technique recherche. " Nous voulons nous adosser
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un leader aerospatial afin d'acceder au "top 10" des constructeurs mondiaux ", reconnaissaient donc, sans ambages, les responsables de KAI a I'occasion du Salon de Seoul, tout en ne faisant pas non plus mystere de leur souci de faire monter les encheres le plus haut possible entre les quatre concurrents pour ramasser le plus gros volume possible de compensations industrielles. L'industrie coreenne, qui a jusqu'a present mene de front plusieurs programmes de construction sous licence, s'essaie aujourd'hui au developpement d'avions qualifi es " d'indigenes " , meme si ceux-ci pre-
'§ espe re pour juin 2002 , avec des livraisons @ attendues des 2005,
sentent des similitudes troublantes avec des materiels deja existants, C'est par exemple le cas du KT-1, monoturbopropulseur d'entrainement ressemblant furieusement au PC-9, qui a eltectue son roll-out en 1998, Vendu a sept exemplaires a l'lndonesie, sa commercialisation devrait se poursuivre activement en direction des pays du Tiers-
monde, Une variante armee dotee de quatre points d'emport est, par ailleurs, a I'etude, Autre programme majeur, I'avion d'entrainementT-50 Golden Eagle, extrapole du F-16 , devant remplacer a terme les T-37 et dont le developpement et la commercialisation sont realises en cooperation avec Lockheed Martin, Le premier vol de cet appareil est
Mais les Coreens doivent surtout faire face aujourd'hui a I'achevement de deux programmes importants, la construction de voilures de Boeing 717 et celle de chasseurs-bombardiers F-16 dont cent vingt exemplaires sont a present mis en ligne par la RoKAF Les douze premiers Fighting Falcon ont ete directement achetes aux Etats-Unis a partir de 1991. Les trente-six suivants ont ete assembles en Coree tandis que les soixante-douze derniers ont ete produits sous licence, le tout dernier ayant ete receptionne par la force aerienne en avril 2000, Afin de maintenir son plan de charge, KAI a ensuite obtenu une rallonge de vingt appareils supplementaires qui devront etre livres entre la mi-2003 et la mi-2004, apres quoi la releve devra etre imperativement prise par le programme F-X,
Ambitions techniques Les Coreens tablent egalement sur le developpement d'un chasseur leger de conception locale, capable de remplacer a terme le F-16, dont I'etude devrait commencer en 2003 pour deboucher sur une mise en service en 2015, A I'instar des autres competiteurs , Dassault s'est engage, dans son oltre de compensations industrielles, a aider KAI a mettre au point cet avion en proposant les services de son bureau d'etudes et de ses moyens d'essais, A condition , bien entendu, que le Rafale soit retenu dans le cadre du F-X, Une incertitude qui peut aujourd'hui se resumer en une interrogation simple : les Coreens, respectueux du protecteur americain mais peut-etre aussi fatigues de sa presence, voudront-ils et sauront-ils rompre avec I'histoire recente et ouvrir une large breche dans les liens qui les unissent a la superpuissance ? Repondre a cette question revient a donner le nom du vainqueur du programme F-X, 0 Frederic LERT En haut: les Black Eagles de la RoKAF dechainent les passions ä chacune de leurs apparitions, La patrouille evolue sur six avions dont la mise en route est elle-meme I'objet d'un ballet de mecaniciens soigneusement regle, Au milieu: loin d'etre favori sur le plan technique, Soukho'i ne se prive pas, en revanche, de presenter son offre pour le programme F-X comme etant la moins chine de toutes, Ci-contre : premier exemple de production indigene, I'avion d'entrainement KT-1 coreen vise clairement I'equipement des fore es armees du Tiers-monde et de l'Asie,
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60 anniversaire
(( ILE DE FRANCE )) du Free French Squadron 340 - - ----. 5 ~
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Ci-dessus : deux autres Free French Squadrons avaient ete invites i1la fete, I'EC 1/30 « Alsace », avec un Mirage F1 CT qui avait ete decore pour le soixantieme anniversaire du Squadron 341, et I'EC 3/33 « Lorraine » avec un Mirage F1 C revetu d'un camouflage sable. Ci-contre : pour marquer le 60' anniversaire de I'EC 2/5 « lIe de France », pas d'avion decore comme cela se fait parfois, mais application, iI gauche sur le nez de chaque appareil, d'une petite croix de Lorraine, clin d'oeil au temps des Spitfire en Angleterre.
'est le vendredi 19 octobre dernier, sur la base aerienne 115 d'Orange-Caritat ou il est installe depuis juin 1951, que I'EC 2/5 « Ile de France ", I'un des plus glorieux escadrons de I'armee de l'Air, cree en 1941 en Grande-Bretagne et aujourd'hui sur Mirage 2000, a souffle ses soixante bougies.
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Free French Squaclron 340 Constitue en Grande-Bretagne apres signature du decret de creation par le general De Gaulle le 20 octobre 1941 , I'« lIe de France " (Free French Squadron 340), premier groupe de chasse FAFL des Forces frangaises libres , voit le jour le 16 novembre 1941 aTurnhouse, en Ecosse. Rassemblant des personneis de la Marine et de I'aviation terrestre des FFL, et equipe de Spitfire VB, il est commande, pendant sa periode d'entraTnement, par le Squadron Leader 14AIR FAN
Keith Lofts, assiste du lieutenant de vaisseau De Scitivaux et du capitaine Duperrier respectivement la tete du A Flight (escadrille « Paris ,,) et du B Flight (escadrille « Versailies ,,). D'abord engage dans un role de protection cotiere, le Squadron 340 effectue, depuis le terrain de Westhampnett et au sein du Wing de Tangmere, sa premiere mission de chasse le 10 avril 1942 dans la region de Calais. Les premieres victoires interviennent des le 3 mai et, durant le mois d'aoOt, il remporte egalement quelques succes lors de I'operation combinee du debarquement Dieppe. De septembre 1942 fevrier 1943, le groupe est stationne Biggin Hili. A I'issue de ce premier tour d'operations, le bilan est eloquent: vingt-trois appareils ennemis detruits et trente endommages, au prix de huit pilotes abattus. Du 21 mars au 9 novembre 1943, I'« 11e de France " est mis en repos Drem et Turnhouse de maniere permettre l'entraT-
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nement des nouveaux pilotes affectes. 11 est alors integre au 13 Group de la RAF, constituant, avec le Squadron 341 « Alsace ", le 145 Wing de Perranporth. Des lors , le Squadron 340 va assurer des sweeps en France occupee, ainsi que des missions d'escorte de bombardiers et de couverture, avant d'etre reequipe de Spitfire Mk. IX en fevrier 1944. Rattache l'Allied Expeditionary Ai r Force, le 145 Wing quitte Perranporth pour Merston le 18 avril et participe aux operations de couverture du debarquement le 6 juin 1944. Le 13 juin, I'« Ile de France " est, avec I'« Alsace ", le premier groupe de chasse se poser en France liberee. Debute alors la poursuite des Allemands dans leur retraite (straffing et bombardements en pique) , puis les campagnes de Belgique et de Hollande. Le 20 novembre, I'escadron revient Biggin Hili pour y goOter un repos bien merite. Apres une courte periode consacree
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I'escorte des bombardiers , le groupe est engage dans la campagne d'Aliemagne et vient remplacer I'" Alsace " sur I'aerodrome de Schindel. Avec ses nouveaux Spitfire Mk. XVI , il se voit essentiellement charge de I'interdiction du trafic routier et ferroviaire. Le 3 mai 1945, il effectue sa derniere mission de guerre en secteur britannique . A son palmares, 7 500 sorties et soixante-quinze victoires , ainsi que plusieurs citations et I'attribution de la croix de la Liberation , distinction dont tres peu d'unites peuvent s'enorgueillir. Mais I'ombre des Mouchotte, Labouchere, Schloesing et de bien d'autres pilotes disparus ne sombrera pas dans I'oubli.
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Premiere periode d'apres-guerre
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Apres avoir rendu ses Spitfire la RAF, le groupe est dirige sur Friedrichshafen le 27 novembre 1945, ou il est redesigne GC IV/2. Jusqu'en mars 1946, son activite aerienne est reduite. Les pilotes ne manquent pas, mais ils volent sur les avions du 11/3 et les heu res de vol se font rares. Le 10 avril 1946, le capitaine Lansoy, patron du GC 1/9 " Limousin " , equipe de P-63C Kingcobra et station ne a La Regha'ia (Algerie), se rend a Friedrichshafen pour y recueillir, des mains du capitaine MarcheAu-dessus: Angleterre, 1942. Un groupe de Spitfire Mk. V du Squadron 340 s'apprete decoller pour une mission sur le nord de la France.
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Ci-contre : partir d'avril1946, le GC 1/9 ({ Limousin », dote de P-63 Kingcobra, heritait du nom et des traditions de I'({ Ile de France ». C'est ainsi que les Kingcobra du nouveau 2/5 seront identifies avec des codes 5-Lx issus de I'ancien ({ Limousin ».
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lidon, les traditions de I'" Ile de France ". Le GC 1/9 " Limousin " est debaptise et recupere ainsi I'heritage de I'" lIe de France ". Le 30 avril suivant, le capitaine Gouachon devient le commandant du GC IV/2 qui appartient desormais cl. la 5e escadre de chasse basee cl. La ReghaIa. S'enchainent alors des missions de sauvetage en mer et de securite du territoire en Afrique du nord. Le groupe, renumerote 11/5 le 1e, juillet 1947, prend souvent part cl. des missions d'appui en liaison avec les troupes de la garnison d'Alger. Des Tiger Moth sont utilises pour I'entrainement, notamment lorsque les Kingcobra se voient frappes par des restrictions de vol en 1947. Au mois de septembre, I'" Ile de France " fait mouvement sur SidiAhmed , en Tunisie, ou il retrouve le GC 1/5 " Travail " (rebaptise " Vendee " en 1949), puis retourne pendant quelque temps cl. Friedrichshafen pour une periode d'entrainement avant d'etre cl. nouveau deploye cl. Sidi-Ahmed. Debut avril 1949, de nombreux renforts arrivent en prevision d'un depart de la 5e escadre (GC 1/5 et GC 11/5) en ExtremeOrient.
1949-1950 : I'Indochine
En haut: en avri11949, le GC 2/5 est regroupe sur la base de Sidi-Ahmed, en Tunisie, prelude a son depart pour I'Extreme-Orient. Ci-dessus : en 1949 et 1950, 1'« lIe de France » est deploye en Indochine. 11 semble q4e le marquage des avions ait ete reduit a une seule lettre individuelle, comme en temoigne ce P-63 en vol dans le ciel indochinois. Ci-contre: Indochine, 1950. Ce pilote du 2/5 se prepare a s'installer dans le cockpit de son Kingcobra. On remarque la tenue de vollegere.
L'essentiel du materiel et les avions de I'escadre embarquent le 25 juin 1949 sur le Oixmude, tandis que le personnel fait de meme le 30 juin , mais sur le Champo/lion. L'" lIe de France " s'installe cl. Saigon-Tan Son Nhut le 23 juillet, en pleine saison des moussons, et son premier Kingcobra reprend I'air le 10 aoQt. Le groupe assure d'abord des missions en zone sud , puis est dirige en octobre sur Hanoi d'ou il participe aux operations " Triton " et " Anthracite " (straffing, protection de postes, etc.). L'annee 1950 debute par des missions de bombardement et d'appui (operation " Diabolo,,) au depart des terrains de Gia Lam et de Lang Son. L'unite fait encore mouvement sur Haiphong en novembre 1950, tandis qu'arrive la releve cl. la fin du mois de decembre. Au cours de son sejour en Indochine, le GC 11/5 accomplira 4 611 missions de guerre representant 6 100 h de vol.
1951 : debut de /'ere reacteur Le retour en metropole s'effectue en janvier 1951 et, apres deux mois de repos, le groupe, redesigne escadron de chasse 2/5, est transforme sur Vampire par le 1/5 cl. la suite d'un stage VSV cl. Avord. Affecte en juin suivant sur la BA 115 d'Orange-Caritat, il y => rec;;oit des Vampire Mk.5 et se consacre cl. ~ I'interception sur guidage radar (avec Nice.~ Giens), cl. I'assaut et cl. la couverture ae~ rienne. En avril 1954 interviennent les pre@ miers lachers Mistral, la version francisee du
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appareil que le 2/5 remporte la coupe " Comete " en juin 1959 et execute, en decembre suivant, ses premiers tirs air-sol a I7le du Levant. En juin 1960, I'escadron realise aussi sa premiere campagne de tir a Solenzara, laquelle fait suite aux precedentes qui se deroulaient a Oran et a Cazaux. En avril 1961, le 2/5 effectue sa conversion sur Super Mystere B2, un chasseur qu'il meltra en ceuvre pendant cinq ans. Puis, apres un detour en aoCit 1966 par I'academie du Mirage 111 a Dijon, il est declare operationnel sur IIIC a partir de novembre, passant de Mach 1 a Mach 2 sur celte nouvelle monture qu'il conservera pres de dix ans, en fait jusqu'a I'arrivee du premier Mirage F1 C a I'escadron , le 3 juillet 1975. Le dernier vol Mirage IIIC a lieu le 26 aoCit, apres plus de 32 000 heu res de vol sur le type, tandis que le 2/5 monte en puissance sur F1 . L'escadron rafle encore la coupe " Comete " en juin 1976 avant de toucher ses premiers Mirage F1-200 ravitaillables en vol I'annee suivante. Brillante unite de defense aerienne, le 2/5 est appele a intervenir en Afrique a partir de 1983 au sein des operations " Manta " et " Epervier ", participant a plusieurs detachements au Tchad entre 1983 et 1987.
1989 : /'arrivee du Mirage 2000
Vampire dotee d'un siege ejectable, d'entrees d'air ameliorees et d'un reacteur Nene. A partir de mars 1956, les evenements en AFN vont alors precipiter les choses , entralnant des detachements periodiques de pilotes, en parrainage sur T-6 puis T-28 , au sein des EALA en Aigerie, tandis que les premiers Mystere IIC arrivent au mois
d'aoCit. L'" lIe de France " est completement transforme sur cet appareil en janvier 1957, alors que les derniers Mistral sont convoyes dans les unites d'AFN. Les Mystere 11 ne laissent pas un bon souvenir et, apres avoir ete frappes d'interdicti on de vol , sont remplaces par des Mystere IVA des la fin de I'annee 1957. C'est sur cet
C'est au debut de I'annee 1989 que I'" Ile de France " demarre sa transformation sur Mirage 2000C. Ses avions sont tous au standard RDI , le premier appareil etant pris en compte le 18 avril. Toujours specialise dans la defense aerienne, il est engage en 1990 dans la guerre du Golfe. Partis au mois d'octobre, pilotes et avions etablissent leurs quartiers sur la base saoudienne d'AI Ahsa dans le cadre de I'operation " Daguet " , puis reintegrent la France en mai 1991. C'est a celte
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En haut: ä son retour d'lndochine, le 2/5 effectue sa conversion sur Vampire Mk. 5 et entre dans I'ere de la chasse ä reaction. Au milieu: c'est ä partir de 1954 que 1'(( lIe de France » passe sur Mistral, version francisee et amelioree du Vampire. Ci-contre : apres une rapide transition sur MystiIre 11, I'EC 2/5 est transforme sur Mystere IVA.
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Ci-dessus: ce pilote du 2/5 pose sur I'echelle d'acces de son 5MB2, nouvelle monture de I'escadron des le mois d'avril1961. A noter que les eclairs, peints sur les flancs de fuselage des avions, etaient bleus pour 1'« lIe de France ».
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Ci-contre : I'EC 2/5 passe sur Mirage IIIC partir de novembre 1966 (le chevron applique sur la derive etait rouge pour les appareils de 1'« lIe de France »). En bas: c'est en 1975 qu'arrivent les premiers Mirage FIC au 2/5. D'abord non ravitaillables en vol, ils seront remplaces par des modeles FI-200 avec perche nasale fixe. On se souvient de la belle decoration portee par ces avions, imaginee aI'epoque par Marc Rostaing.
occasion qu'un camouflage desertique experimental est applique sur le Mirage 2000C n° 74 (code 5-0P), camouflage finalement reserve aux Jaguar et aux Mirage F1 CR. Puis se succedent les operations " Alysse " (1992), " Balbuzard " et " Crecerelle " (1993) . A la suite de la dissolution de la 5e escadre de chasse, I'EC 2/5 devient autonome EI partir du 29 juin 1997 et s'enrichit d'une troisieme escadrille alors que disparait I'EC 3/5 " Comtat-Venaissin " . Le 1er juillet 1998, la mission de conversion sur Mirage 2000, jusqu'alors assuree 5 par I'EC 2/2 " Cote-d'or " , Ei Dijon , est ~ confiee au 2/5. Cette tache eng lobe 8gale- ~ u ment la qualification au ravitaillement en vol, @ 18AIR FAN
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Ci-contre: ä partir du milieu des annees 1980, les Mirage FIC reyurent des marquages beaucoup plus sobres. En dessous: le 2/5 troque ses Fl C contre des Mirage 2000 RDI en 1989.lci, le n° 56 porteur d'une decoration qui ne sera pas retenue par I'escadron. En bas : aujourd'hui, I'" lIe de France » compte une dotation theorique de huit 2000C RDI et de seize 20008 pour mener ä bien sa mission de transformation operationnelle sur Mirage 2000, mais aussi pour remplir son röle secondaire de detense aerienne.
de meme que la transformation operationnelle et la delivrance des cartes VSV pour les jeunes pilotes et les abonnes. Atout ce la s'ajoute un röle secondaire de defense aerienne et le soutien de I'equipe de presentation Alpha sur Mirage 2000. Actuellement compose des escadrilles « Paris ", « Versailles " et « Vincennes " , I'escadron dispose de seize Mirage 2000B et de huit Mirage 2000C RDI. Les nouveaux statuts du 2/5 n'ont pas empeche le lieutenant-colonel Deherre (son commandant) et son equipier de remporter, en mai dernier, le trophee air-air de la coupe « Comete " . L' « Ile de France » est une valeur sOre de la Force aerienne de combat, et les petits blasons Ei la croix de Lorraine, apposes sur le nez des Mirage 2000, ne manquent pas de rappeler, Ei qui I'aurait oublie, les origines de cette prestigieuse unite. 0 Christian BOISSELON
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Ci-contre : Ra 'am ä I'atterrissage, trains, volets et aerofrein sortis. t:appareil emporte six bombes d'exercice sous chacun de ses deux reservoirs plaques. A gauche, en bas : F-15B du Tayeset 148 « Hache d'abordage », en mission d'entrainement au-dessus de la reg ion de Tel Nov. On note que ce Baz biplace n'est pas equipe de ses reservoirs conformes Fast Pack plaques contre le fuselage. En bas : probablement le premier F-15 MiG killer, ce Baz (code 663) est credite d'un Fishbed syrien, abattu le 27 juin 1979.
a necessite pour la Heyl Ha'Avir (force aerienne israelienne) d'acquerir un nouveau chasseur de superiorite aerienne s' imposa des la fin de la guerre du Kippour, en octobre 1973, une decision renforcee, entre autres, par I'arrivee a I'aeroport de CaireOuest de quatre avions de reconnaissance MiG-25R Foxbat d'origine sovietique. Ces appareils commenyaient, en effet, a effectuer des missions au-dessus du territoire israelien, au nez et a la barbe des pilotes de F-4E hebreux incapables de les intercepter. En 1974, alors que le F-1 5 n'avait pas encore ete declare operationnel au sein de I'US Air Force, les Israeliens avaient deja eu la possibilite de reali ser une etude comparative entre le demonstrateur TF-15A (BuNo 71-0290) et le F-14 Tomcat de Grumman, ce dernier ayant ete rapidement ecarte. Et c'est tout naturel lement que, en 1975, I'administration Ford donna son ac cord pour la fourniture de quarante-huit F-1 5A a IsraeL Cependant, le montant eleve du contrat poussa le gouvern ement de Tel-Aviv a n'en acquerir que vingt-cinq, ce en depit du fait que ces bireacteurs etaient largement finances par I'aide americaine'. Designe « Peace Fox I ", ce programme debuta par la livrai.~ son en urgence de quatre monopiaces de .D preserie, portes au standard F-15A tout en !-_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _..I @ conservant le petit aerofrein dorsaL
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L'achat des Eagle provoqua plusieurs reactions virulentes en Israel, d'aucuns considerant que les conflits recents exigeaient que I'on commandat a la fois en qualite et en quantite. Vingt-cinq avions semblaient bien peu pour soutenir un nouvel effort de guerre, d'autant que l'Eagle etait un intercepteur pur'. Un chasseur multir61e de la classe du F-4 Phantom II aurait ete largement prefere par une partie importante de I'opposition. Ainsi , I'atterrissage des quatre appareils a Tel Nov le vendredi 10 decembre 1976 declencha une crise teile qu'elle provoqua la demission du Premier ministre Yitzhak Rabin et de son gouvernement, accuses de violer le sabbat en organisant la ceremonie de prise en compte le samedi! Les premiers F-15 furent affectes au Tayeset 133 « Double queue " , escadron commande par le colonel Eitan ben Eliyahou, ex-patron d'unite sur F-4. Rompu
1. Les quarante-huit F-15A1B etaient proposes dans le cadre du Foreign Military Sales Program, un programme d'aide financiere reserve aux pays a/Ms des Etats-Unis et cherchant a acquerir des armements. Sont notamment concernes Israel, la Colombie, les pays de /'Otan ou tout Etat n'etant pas en mesure de proteger les interets americains dans le monde . 2. « Pas un gramme pour /'attaque au sol » (Not aPound For Air 10 Ground), teile est la devise du F-15A.
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aux combats, cet officier avait effectue la meme annee, en compagnie de quatre autres pilotes, sa transformation aux EtatsUnis au sein du 58th TFTW de luke AFB, devenant de surcroit le premier instructeur israelien sur Eagle. II fallut plus d'un an pour voir arriver les vingt et une machines restantes, soit dix F-15A Block 17, neuf F-15A Block 18 et deux F-15B Block 16. Selon la tradition en vigueur dans la Heyl Ha'Avir, ou chaque type d'aeronef re~oit un nom hebreu, ils furent baptises Baz (faucon). les monopiaces furent numerotes en 600 et les biplaces en 700.
Bapteme du leu les premieres missions operationnelles intervinrent des le mois de mars 1978, les Baz etant charges d'assurer la couverture aerienne des troupes de Tsahal occupant le Sud-Li ban dans le cadre de I'operation " Litani » . Quant aux premiers combats aeriens, ils eurent lieu en 1979, et plus precisement le 27 juin lorsque la Heyl Ha'Avir monta une embuscade contre des MiG-21 syriens. Attires dans une souriciere alors
qu'ils tentaient d'abattre des chasseursbombardiers israeliens en mission d'attaque contre les positions de l'OlP au Liban , les pilotes arabes se retrouverent coupes de leur centre de contröle apres avoir subi un brouillage de leurs frequences radio. les Baz surgirent alors sous eux en tirant leurs AIM-7 Sparrow, sans succes toutefois. Dans la melee qui suivit, les F-15 descendirent quatre Fishbed au moyen de leurs missiles a courte portee AIM-9 Sidewinder. Sept autres MiG-21 syriens firent a nouveau les frais de la superiorite des bireacteurs americains, quatre le 24 septembre 1979, un le 24 aoUt 1980 et deux le 31 decembre suivant. le 13 fevrier 1981 , une autre victoire significative fut enregistree en utilisant la meme tactique d'embuscade. Ce jour-la,
deux RF-4E Oref, en mission de reconnaissance a 12 000 m et a Mach 1 au-dessus du territoire libanais, furent reperes par les radars syriens qui donnerent I'alerte. Aussitöt, deux MiG-25 decollerent pour les intercepter. les apercevant, les Oref firent dem i-tour en lachant quantite de leurres pour leur echapper. Evoluant a 9 000 m d'altitude, les deux Foxbat se trouvaient encore a quelque 100 km de leurs cibles quand un Baz surgit du nuage de leurres, dans leur direction. A pres de 40 km, son pilote, le commandant du Tayeset 133, tira un AIM-7 qui fit mouche sur I'un d'entre eux, marquant la premiere victoire d'un appareil occidental sur un Foxbat et demythifiant ainsi ce formidable chasseur capable de voler a plus de Mach 3. Un autre MiG-25 fut abattu le 29 juillet
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Ci-dessus : victoire du lieutenant-colonel Eitan ben Eliyahou (ä bord du F-15A n° 689) remportee sur un MiG-21 syrien abattu au canon de 20 mm. Ci-dessus, ä droite : en 2000, le musee de la force aerienne a re~u son premier F-15A baptise « Ha'Kokhav » (I'Etoile). Code 695, ce Bazest credite de quatre MiG descendus entre 1979 et 1982. Ci-contre : au roulage ä Tel Nov, le F-15A n° 667 du Tayeset 148 rentrant d'une seance d'entraTnement. On distingue le reservoir ventral et les deux types de rails lance-missiles, ainsi que la marque de victoire sous la verriere.
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Ci-dessus : au decollage ä Tel Nov, le F-15C n° 541 du Tayeset 106. Les numeros attribues ä I'origine pour les codes (se ries 600 et 800 pour les monopiaces F-15A et C, series 700 et 900 pour les biplaces F-15B et D) ne sont plus suivis, indiquant d'eventuelles modifications et ameliorations apportees ä une partie de la flotte. En bas : gros plan sur les armements inertes embarques sous un Akef On distingue un missile air-air Python 3 ä courte portee, un AIM-7F/M Sparrowet six bombes Mk.82 de 250 kg sur le pylone central.
1981, mais, entre-temps, le 7 juin, les Baz s'etaient aussi distingues lors du raid contre le reacteur de la centrale nucleaire irakienne d'Osirak, en protegeant une formation de huit F-16 Netz charges de bombes.
Des busords en renfort l 'evidente superiorite de l'Eagle sur ses adversaires et I'apparition de la nouvelle version F-15C/D pousserent Israel a passer, en 1978, une commande additionnelle de quinze chasseurs americains (neuf F-15C Blocks 27/28/29 et six F-15D Blocks 27/28). Livres au Tayeset 133 a partir du 26 aoOt 1981 , au titre du « programme « Peace
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Fox 11 ", ces appareils furent baptises Akef (busard) au sein de la Heyl Ha'Avir, les monopiaces recevant un se rial en 800 et les biplaces un serial en 900. l ancee en juin 1982 pour pacifier le Liban, I'operation « Paix en Galilee "vit I'engagement massif des F-15 israeliens. les troupes de Tsahal penetrerent dans le pays le 6 juin, jour de la creation du Tayeset 106 « 2" escadron de Baz " sur la base de Tel Nov. Toutefois, en raison des missions de guerre en cours, Baz et Akeffurent tous places sous la responsabilite du Tayeset 133 charge plus particulierement de la couverture aerienne au-dessus de la zone des operations et de la protection de l'Etat
hebreu. Ce conflit fit des ravages dans la chasse syrienne qui, selon Israel, perdit quatre-vingt-cinq MiG-21 et -23 en quelques jours. Trente-six victoires et demie furent creditees au seul Tayeset 133, le reste etant attribue aux escadrons volant sur F-16NB. Ces combats furent egalement I'occasion de tester le missile a guidage infrarouge Python 3 fabrique par Rafael et considere comme plus performant que l'AIM-9l Sidewinder. Mais I'attaque israelienne provoqua la mise sous embargo - par I'administration Reagan - des trois derniers Eagle de « Peace Fox 11 ", lesquels furent finalement livres a la fin du mois d'aoOt 1982. Grace a son systeme d'armes plus moderne, l'Akef devint rapidement le fer de lance de la Heyl Ha'Avir. Ainsi, entre le 25 juin 1982 et le 19 novembre 1985, pas moins de quatre MiG-23 et un MiG-25 syriens en firent la douloureuse experience lors de trois engagements distincts. Une nouvelle commande (<< Peace Fox 111 ») fut alors passee, portant sur neuf F-15C Blocks 35/36 et deux F-15D Block 35. En 1985, les Eagle israeliens furent charges d'une delicate mission offensive. le 1er octobre, huit F-15D du Tayeset 106 decollerent pour frapper le QG de l'OlP' a Tunis, en represailles a une attaque terroriste (voir encadre). Tries sur le volet, les equipages etaient menes par le general Giora Rom, commandant la base de Tel Nov et as de la guerre des Six-Jours sur Mirage 111 Shahak. le raid fut un succes eclatant. 11 est interessant de constater que les F-15 biplaces de la Heyl Ha'Avir ne sont pas utilises ades fins d'entrainement, mais consideres comme des appareils de combat a 3. Organisation de liberation de la Palestine, dirigee par Yasser Arafat et installee dans la banlieue de Tunis apres le depart des Palestiniens de Beyrouth en 1982, EI la suite de /'operation" Paix en Galilee ".
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Ci-contre: le Baz n° 620 aux couleurs du Tayeset 133. Ainsi qu'en temoigne le petit aerofrein dorsal, cet appareil est I'un des quatre premiers exemplaires de preserie convertis au standard F-15A et livres 11 Israel en 1976.
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En bas : gros plan sur le cockpit du F-15D n° 979 equipe de reservoirs conformes Fast Pa ck et arborant trois victoires. Le pilote est coiffe du casque de visee Da sh (con~u par Elbit) qui lui offre un affichage complet des informations de recherche et de tir en provenance des sense urs du missile Python 4.
part entiere, le second pilote faisant office de navigateur, voire meme , lors de missions plus sensibles, de commandant de bord. Ils sont, de ce fait, regul ierement engages en tant qu'avions leaders pour diriger des formations de monopiaces.
Des pertes occidentelles Soucieuse de conserver ses appareils au top, pour continuer a jouir de sa superiorite aerienne, la Heyl Ha'Avir a, a I'instar de I'USAF, procede a la modernisation de ses F-15 en les portant au standard MSlp4. Ce retrofit pourrait avoir commence en 1988, annee au cours de laquelle fut egalement passee une nouvelle commande (<< Peace Fox IV ,,) de cinq F-15D Block 50 destines a compenser I'attrition . Livres en 1991, ces
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exemplaires ont vraisemblablement re9u des cellules de F-15E, seule version encore produite acette epoque . Bien qu'aucun F-15 ne soit tombe sous le feu de I'ennemi, la Heyl Ha'Avi r a quand meme enregistre quelques pertes au fil des ans. Les deux premiers incidents, sans consequences graves, concernerent un F-15A victime d'un feu moteur apres avoir ingere un oiseau au decollage (mars 1981) et un F-15D entre en collision avec un A-4 (mai 1983) LAhit s'ecrasa apres I'ejection de son pilote tandis que l'Akef parvint a se poser en urgence a pres de 500 km/h , sans son aile droite ! Dans les deux cas, les avions furent remis en service ! Ce n'est que le 2 avril1987 qu'un premier F-15, un modele C, fut definitivement raye des registres. Parti en vri lle a plat lors d'un
entrainement au combat aerien, le pilote fut malheureusement tue dans I'accident, son siege ejectable n'ayant pas fonctionne correctement. Puis , le 15 aoOt 1988, deux F-15A se heurterent en vol, provoquant la mort des deux pilotes, le lieutenant-colonel Ram Caller (commandant le Tayeset 133) et le major Ehoud Falk. Plus recemment, il semblerait que trois autres Eagle aient ete perdus : un F-15D le 10 aoOt 1995 au-dessus du Neguev (a la suite d'une collision avec un volatile), un second F-15D le 19 janvier 1997 et un F-15B le 1" mars 1998.
L'episode de 10 guerre du Golfe En 1991 , la guerre du Golfe mit les nerfs des Israeliens a rude epreuve. En effet, malgre le bombardement de leurs villes par des
senseurs du missile. Le Python 4 a ete developpe vers le milieu des annees 1980 pour contrer le tres efficace missi le russe R-73 (AA-11 Archer), egalement couple un casque de visee. II est aujourd'hui le seul missile occidental de quatrieme generation et probablement le meilleur courte portee. Par ailleurs, I'avionique des F-15 hebreux § est tres differente de celle des Eagle de z I'US Air Force . Le recepteur d'alerte radar s;;.._ _ _ _ _ ~ AN/ALO-128, notamment, a ete remplace par un systeme produit localement. lien va de meme pour I'ensemble des equipements missiles sol-sol Sc ud irakiens , Saddam de communication radio. Les avions peuHussein cherchant par tous les moyens vent egalement recevoir, au choix, le sysentraTner l'Etat hebreu dans le conflit pour rompre la coalition Alliee, ils parvinrent teme CME Elta EUL-8220 ou les nacelles de contre-mesures standards americaines de garder la tete froide tout en maintenant leur armee sur le qui-vive. Des I'invasion du type AN/ALO-119(V) ou AN/ALO-131 (V). Kowe'it le 2 aoOt 1990, la Heyl Ha'Avir avait ete placee en alerte H24, les Baz et les Akef Le Ra'am, le vrai F-15 multirole assurant en permanence la defense de I'espace aerien israelien. Le 12 fevrier 1991 , En dep it des modernisations successives et des relatives capacites multir61es des I'alerte fut levee, l'lrak ne presentant plus Akef, la Heyl Ha'Avir ne pouvait pas ne pas une menace tangible. En remerciements de s'interesser au Strike Eagle, le vrai F-15 poson attitude moderee, I'administration Bush 5 lyvalent. Introduit dans l'Air Force la fin de offrit Israel une quantite importante d 'armes dont dix-neuf F-15A et quatre 1988, ce dernier repondait idealement au cahier des charges de I'aviation israelienne. F-15B preleves sur les reserves de I'USAF. Apres la guerre du Golfe et ses ramifications Ces appareils furent livres entre octobre militaro-politiques, l'Etat hebreu entama 1991 et juin 1992 dans le cadre du prodonc de difficiles negociations en vue de se gramme" Peace Fox V". procurer ce qui allait devenir le F-151. Celte Au fil des ans, les Eagle israeliens ont ete progressivement remis niveau par I'industrie aerospatiale locale, princi palement sur 4. Multi-Stage Improvement Program, programme le plan de I'electronique, de I'avionique et de modernisation par palier comprenant, notamment, le remplacement du radar APG-63 par un APG-70, de I'armement. Le Python 3 (produit par f'amelioration de f'avionique et le remplacement des Rafael) , suivi du Python 4 plus moderne et reacteurs P&W FI00-PW-100 par des F100-PW-220 couple au casque de visee Dash (conc;u par plus liables et plus economiques (voir Air Fan Elbit) sont des exemples marquants du n° 270 de mai 2001). savoir-faire national. Ce casque offre au pi5. La premiere,. celle du pere de f'actuel George lote un affichage complet des informations W Bush, qui occupa la Maison-Blanche entre 1988 et 1992. de recherche et de tir en provenance des
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Ci-dessus : F-151 du Tayeset 69 {( Marteau » sur la base de Tel Nov. Lunite a re~u sa dotation complete dans le courant de I'annee 1999. Remarquez le camouflage trois tons typique applique par la Heyl Ha'Avir sur ses chasseurs-bombardiers. A gauche: utilise avec le casque de visee Dash, le Python 4 est le nouveau missile ä courte portee de la Heyl Ha'Avir et probablement le meilleur au monde dans sa categorie. 11 arrive en meme temps que les AIM-120 commandes pour les Ra'am. Ci-dessous: derives du F-151 n° 201, I'un des deux premiers Ra'am receptionnes par la force aerienne israelienne. 11 arbore ici I'insigne de I'escadron d'essais en vol, le Tayeset 601.
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Ci-contre : les deux premiers F-151 arriverent au Tayeset 69 « Marteau » le 19 janvier 1998. I..'appareil fit ses debuts en combat un an apres, lors d'une attaque contre des positions du Hezbollah au Sud-Li ban. En dessous: les Ra 'am representent aujourd'hui le fer de lance de la Heyl Ha'Avir.
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version est quasiment identique au F-15E I'exception du TEWS·, le cerveau de guerre electronique remplace par le systeme SPS-2100 developpe localement par Elisra et qui consiste en une suite integree de gestion des menaces et de contre-mesures electroniques. Baptise Ra'am (tonnerre), le F-151 fut definitivement selectionne le 27 janvier 1994, de preference aux F-16D et F/A-18D optimises pour I'attaque. Le 12 mai suivant, une premiere commande de vingt et un exemplaires fut passee (programme « Peace Fox VI ,,), avec une option portant sur quatre autres qui fut levee en novembre 1995. Le premier F-151 (FMS 94-0286) decolla de Saint Louis le 12 septembre 1997, avec aux commandes Joe Felock, pilote d'essai de Boeing , et Rick Junkin , major dans I'USAF. Le 6 novembre, il fut officiellement livre au ministre israelien de la Defense avant d'etre transfere Edwards AFB pour y subir une serie de tests. Les livraisons debuterent le 19 janvier 1998 avec I'arrivee de deux appareils sur la base de Tel Nov ou ils furent pris en compte par le Tayeset 69 « Marteau ", precMemment sur F-4E
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Kurnass. En mars 1998, alors que les premiers equipages achevaient leur formation aux Etats-Unis , les Ra 'am realiserent des essais de ravitaillement en vol avec les KC-707 (B707 modifies par Israel). Par ailleurs, entre le 2 et le 17 mars, trois exemplaires flambant neufs et equipes de leur avionique definitive prirent part I'exercice « Red Flag 99-1 " sur la base de Nellis (Nevada), leur vol
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6. Tactical Electronic Warfare System: systeme de guerre electronique tactique comprenant une suite integree de contre-mesures embarquees.
transatlantique de convoyage etant effectue en novembre suivant. Enfin , le 1er janvier 1999, le Tayeset 69 fut declare operationnel sur sa nouvelle monture. Mais les operations aeriennes de l'Otan sur le Kosovo, au cours du printemps, ralentirent toutefois considerablement le rythme des livraisons, le dernier Ra'am n'arrivant en Israel qu'en septembre 1999. Cet appareil (Ie FMS 94-0286) fut affecte I'escadron d'essais en vol de la Heyl Ha'Avir. Malgre vingt-cinq ans de service dans I'aviation israelienne, le F-15 a encore de beaux jours devant lui. Et I'avenir verra vraisemb lablement I'introduction du missi le AMRAAM AIM-120A moyenne portee sur tous les modeles, une arme commandee en meme temps que les Ra 'am. En outre, Rafael mettrait la touche finale une nouvelle version du Python, le Python 5 Derby dont les performances seraient teiles qu'il pour-
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rait bien remplacer I'AM RAAM. En attendant, Israel a entame il y a moins de deux ans un programme de modernisation de ses F-15A1B. Baptise « Improved Baz ", ce dernier consiste, entre autres, leur donner une veritable capacite air-sol permettant notamment I'utilisation de munitions guidees de precision. A beaucoup plus long terme, la Heyl Ha'Avir lorgne sur le F-22 Raptor, successeur naturel du F-15 . 11 est cependant trop t6t pour echafauder quoi que ce soit puisque cet appareil est actuellement toujours en developpement et que I'on ne sait pas s'i l sera disponible pour I'exportation. Et quand bien meme l'Etat hebreu serait-il autorise I'acheter, il lui faudra encore trouver les moyens de s'offri r ce chasseur exceptionnel. 0
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Riccardo NICCOU Traduction de Sam Pretat
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par Rene J. Francillon et Michael Gruenenfelder
L'interlude du C-3604 En juin 1941 , date de la commande de C-36 supplementaires, il avait ete prevu de construire les cinquante derniers au standard C-3604. Plus lourdement arme, ce modele etait dote d'un moteur Saurer YS-2 (une variante suisse de I'Hispano-Suiza 12 Y-52) developpant 1 245 ch au decollage et un maximum de 1 410 ch a 4 800 m. Porteur du code C-601 , le prototype effectua son premier vol a Emmen le 21 aoCit 1944. Malgre un surcro7t de poids de 23 % a vide et de 17 % a pleine charge par rapport au C-3603, ses performances etaient notablement ameliorees , sa vitesse atteignant 560 km/h , soit 18 % de plus. 11 n'empeche que le C-3604 rencontra quelques problemes de mise au point, dus notamment au moteur YS-2, peu fiable , et a son helice quadripale. Neanmoins, la constructi on de douze appareils serie 0 (C-602 a C-613) fut lancee et leur livraison aux Troupes d'aviation et de DCA s'etala de novembre 1947 ajuin 1951. Armes de deux canons d'aile supplementaires de 20 mm et de rails pour roquettes air-sol, ils ne connurent qu'une activite limitee au sein de la Fliegerstaffellli de l'Escadre de surveillance (Überwachunggeschwader) en raison de
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leurs performances inadaptees a I'ere des avions areaction. Ils seront retires du service en fevrier 1956. En 1948, le C-606 servit au remorquage d'une maquette inerte au 6/1 du chasseur areaction N-20 Aiguillon alors en developpement. Larguee a 7 000 m a la verticale d'Emmen, elle se comporta honorablement, mais le N-20 n'entra jamais en production.
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Le second souffle Deux C-3603-1 (Ies C-553 et C-554) furent construits en ta nt qu 'appareils de transformation et d'entra7nement avance. Designes C-3603-1 Tr et livres en octobre 1945, ils etaient equipes de doubles commandes integrales et conservaient le moteur-canon ainsi que les mitrailleuses d'aile de la version de combat. En revanche, I'affut mobile fut supprime, car le siege arriere de I'observateur-mitrailleur cedait la place a celui de I'instructeur, desormais oriente vers I'avant. Apres le retrait des C-3603 des unites de premiere ligne, en 1952, les deux appareils ~" furent desarmes et servirent alors a la for- .~ mation des pilotes d'avions remorqueurs de ~ cibles ainsi qu'a la realisation de divers tests :!1 avant d'etre definitivement retires du service en 1974.
Büra Avis Helvelicum En haut: photographie au debut de I'annee 1948, peu apres sa mise en service par la troisieme escadrille de I'escadre de surveillance (UeG St 110, ce C-3604 porte encore les marquages haute visibilite adoptes au cours de la derniere annee de la Deuxieme Guerre mondiale. Ci-contre : afin de pouvoir operer ä partir de petits terrains caches au fond des vallees, toutes les versions du C-36 furent equipees de volets d'intrados pouvant ihre baisses jusqu'ä 70°, comme nous le montre ce C-3604 de l'UeG St 111. A gauche : en service, le moteur Saurer 12 V-52 des C-3604 ne se revela pas d'une grande fiabilite.
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Ci-dessus, ä gauche: sur les C-3604, la detense en secteur arriere etait assuree par deux mitrailleuses de 7,5 mm jumelees. Ci-dessus : le tableau de bord du poste avant (pilote) d'un C-3604. Ci-contre : ce C-3604 porte I'insigne de I'UeG St 111 sur le cote gauche de son capot moteur. En bas: C-3603 en configuration d'entrainement. Cet appareil fut livre sans armement en octobre 1945.
Congus a partir de specifications perimees et affichant des performances bien modestes pour des avions de combat, les C-3603-1 n'en gagnerent pas moins une solide reputation au sein de I'aviation suisse. Les equipages appreciaient leur fiabilite, leur solidite structurelle et leurs qualites de vol. Pour preuve, ils continueront a etre utilises pendant encore 35 ans dans des r61es secondaires de soutien (remorquage de cibles et secours aux sinistres notamment). La premiere transformation d'un C-3603 en remorqueur de cibles (Schlepp) fut re.alisee en 1945 par la Direction des aerodromes militaires 6 . Cette annee-Ia, le C-501 regut un treuil dote d'une turbine a six ai lettes sur la partie inferieure droite du fuselage arriere, ainsi qu'un tambour de cable loge sous I'arriere du second siege, les cibles etant larguees ventralement. Mais ce dispositif, delicat a manier et propice aux incidents, fut modifie pour aboutir au systeme DPM avec ejection des cibles au-dessus du fuselage par une cheminee cylindrique, la commande d'urgence de coupure du cable pouvant etre actionnee aussi bien par I'operateur remorquage que par le 32AIR FAN
pilote. Par ailleurs, la turbine fut aussi decalee vers I'avant. Des 1946, la societe FarnerWerke, a Grenchen, fut chargee de modifier vingt C-3603-1 aux normes de ce Schlepp. L'un d'entre eux, le C-447, fut meme specialement amenage en 1950 pour les opera-
tions de nuit. Ce Schlepp-Leucht (remorqueur illumine) se distinguait par des reservoirs auxiliaires et par six tubes au neon montes sous les ailes revetues d'une peinture reflechissante. Entre 1953 et 1954, FFA (a Altenrhein) et Farner AG (a Grenchen) transformerent quarante C-3603-1 en version remorqueur amelioree (y compris ceux qui restaient du programme Schlepp original) en leur adap-
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Ci-contre : gros plan sur la cheminee du systeme DPM, par laquelle les C-3603-1 remorqueurs de cibles ejectaient les biroutes. Au milieu : la deuxieme version du C-3603-1 modifie pour le remorquage de cibles fut dotee du systeme SZW-52 avec turbine sur le cote droit du fuselage. En bas : ayant troque leur camouflage de guerre contre des marquages haute visibilite mieux adaptes ä leur nouvelle mission de remorquage de cibles, ces C-3603-1 sont equipes de reservoirs pendulaires, une modification augmentant leur autonomie. Ci-dessous : poste arriere d'un C-3603-1 « Schlepp» remorqueur de cibles.
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ta nt le nouveau systeme Jarey SZW-52 capable d'operer ades vitesses superieures. Par rapport au precedent, ce dernier presentait quelques differences notables: installation de la turbine encore plus a I'avant, repositionnement du tambour de cable entre le pilote et I'operateur, et retour a une ejection ventrale des cibles. Tous ces appareils emportaient des reservoirs auxiliaires identiques a ceux utilises par le SchleppLeuch!. Pour en terminer avec les remorqu eurs, citons la modification du C-489 qui servit de banc d'essai pour le systeme Firefly mis au point en Grande-Bretagne par M.L. Aviation Co Ud. Le treuil (et ses 2 067 m de cable) etait loge dans un carenage cylindrique coiffe d'une turbine a deux ailettes et accroche au lance-bombes de I'aile droite. Afin de contrebalancer les 272 kg de cet equipement, un reservoir exterieur rempli de 250 I d'eau etait monte sous I'aile gauche. Apres deux ans d'une experimentation qui 6. Equivalent du Genie de I'air, la Direetion des aerodromes militaires des Troupes d'aviation et de DCA maitrisait la eonstruetion, I'entretien et le maintien operationnel des aerodromes militaires.
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Ci-contre : le C-489 fut le seul C-3603-1 etre equipe du systeme ang lais de remorquage Firefly con~u par M.L. Aviation. Un reservoir rempli de 250 I d'eau etait monte sous I'aile gauche pour contrebalancer le conteneur de remorquage fixe sous I'aile droite. En dessous: la cinematique de retraction du train principal des C-36 est bien mise en evidence sur cette photo du prototype du C-3605. Les jambes du train remontent vers I'arriere tandis que les roues pivotent de 90° pour se loger a pi at dans leur puits, en avant des volets d'intrados.
s'acheva en 1955, I'avion retrouva sa configuration Schlepp d'origine. En 1953, Ei la suite du retrait des C-3603 des unites de combat, la Direction des aerodromes militaires convertit vingt machines en Lastenträger. Sur cette version, totalement depourvue d'armement, les pylones sous voilure furent modifies pour recevoir des conteneurs de premiers secours (medicaments , vivres, combustible, etc .), lesquels pouvaient iHre aussi bien parachutes que largues sur une couche neigeuse Ei proximite de victimes de catastrophes naturelles (avalanches notamment) ou de villageois totalement isoles (routes bloquees par les neiges). Ces avions prouverent leur utilite Ei maintes reprises, mais I'helicoptere les supplanta dans leur role humanitaire.
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En 1962, meme les derniers des C-3603 transformes en Schlepp commen<;:aient Ei
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Ci-dessus: le C-3605, un avion qui aurait pu inspirer ä Edmond Rostand sa celebre tirade du nez ... Ci-contre : quinze mois avant leur retrait du service, les C-3605 - derniers modeles de I'ultime evolution du C-36 - etaient encore fideles au poste, comme le prouve cet exemplaire photographie ä Emmen (canton de Lucerne) en septembre 1986.
rencontrer quelques problemes de mise en oeuvre. Oe plus, leurs moteurs accusaient vraiment le poids des ans, au point de devenir un vrai cauchemar pour les mecanos. En vue de les remplacer, la Suisse envisagea, au milieu des annees soixante, I'acquisition d'avions etrangers, turbopropulseur si possible, comme les Oornier Skyservant, Fairey Gannet, Mitsubishi MU-2, North American OV-10, North American T-280, SFERMA Marquis ou Short Skyvan. Acette liste de successeurs potentieis s'ajoutait le Pilatus PC-6B/B 1, appareil de construction nationale. En definitive, F+W7 fut charge d'etudier la remotorisation des C-3603 par un turboprop, operation moins onereuse prealablement suggeree par la Oirection des aerodromes militaires. Le moteur retenu etait le Lycoming T53-L-7A de 1115 eh, que I'on pouvait acquerir des prix competitifs aupres des surplus de I'US Army. Entreprise sous la direction de JeanPierre Weibel , cette etude concluait, d'une part, la longevite de la cellule des C-3603 et, d'autre part, la possibilite d'y adapter une turbine. Aussi rationnelle soit-elle, cette
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Principales caracteristiques et performances des versions du (-36
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7. Pendant fa guerre, f'Eidgenössiches Ffugzeugwerke (F+W) rut chargee de superviser fes chaines de production de K+W
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Ci-contre : la fin d'une longue histoire ! Les vingt-deux derniers C-3605 furent vendus aux encheres ä Lodrino (canton du Tessin) en decembre 1987. Quatre d'entre eux avaient dejä perdu leur moteur. Ci-dessous: le C-509 en evolutions au-dessus d'un paysage typiquement suisse. Livre au standard C-3603-1 en decembre 1943 et modifie en C-3605 en 1971-1972, cet appareil faisait partie du dernier lot de C-3605 vendu en decembre 1987. En bas : vingt-quatre C-3603 furent transformes en C-3605 (un prototype et vingt-trois appareils de serie). Les turbines T53 L-7A furent acquises ä bon prix sur le marche de I'occasion, apres que I'US Army eut decide de remotoriser ses Grumman OV-l B et C avec des T53-L-701 plus puissantes (standard OV-l D).
coup plus en avant (d'ou un allongement du fu selage de 2,70 m !) et en ajoutant une derive centrale sur I'empennage. Neanmoins, le projet fut approuve en septembre 1967 et le prototype (Ie C-502 modifi el effectua son premier vol moins d'un an plus tard , le 19 aoOt 1968. Les essais se revelant tres concluants, il fut receptionne par les Troupes d'aviation et de DCA au mois de decembre suivant. Vingt-trois autres C-3603 furent convertis en C-3605 8 . Operant principalement a partir d'Emmen, d'Ems, de Lodri no, de Samedan et de Sion, ils servirent entrainer les servants des batteries antiaeriennes jusqu'au milieu des annees quatre-vingt. Apres quoi, leurs turbines de seconde main devenant de plus en plus difficiles entretenir, les vingt-deux C-36059 furent mis en vente a Lodrino en decembre 1987. Des encheres publiques qui mettaient un terme a 45 ans de service d'un avion , certes peu esthetique et encore moins prestigieux, mais qui constitua cependant un excel lent investissement. 0
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conversion imp liquait davantage qu'une simple substitution de propulseur. En effet, du fait de I'absence de systeme de refroidissement liquide (Iourd et encombrant), le
T53 pesait moins de la moitie du moteur classique (245 kg contre 542 kg), ce qui entrainait des problemes de centrage qu 'il fal lait corriger en montant la turbine beau-
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Rene J. FRANCIUON et Michael GRUENENFEWER
Traduit de /'americain par Jean-Pierre Gil/et
tin Les auteurs tiennent a exprimer leur reconnaissance a Andrea Loreida, du Museum der schweizerischen Luftwaffe aDübendorf, pour ses precieuses informations. De meme, ils remercient chaleureusement leur confrere Christophe Donnet pour son concours photographique.
8. Les codes militaires suisses des vingt-trois C-3605 de serie etaient : C-464, C-483, C-493 a C-495, C-497
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a C-499, C-501, C-509, C-523, C-529, C-533, C-535, C-539, C-541, C-547, C-550a C-552, C-555, C-557
etC-558.
9. Le prototype C-502 fut ferraille en juin 1972 et, sur les vingt-deux exemplaires restants, quatre avaient ete arretes de val.
Adaptation et realisation: Alain Crosnier eclare « bon pour le service arme» en 1951 par le conseil de revision de Metz, mais jusqu'alors sursitaire, je decide de participer activement aux operations de pacification et de maintien de I'ordre en Aigerie. En cette annee 1956, je me rends donc au centre de recrutement de Strasbourg pour y resilier mon sursis et, poursuivant mes reves de gosse, j'indique ma preference pour I'armee de l'Air. Debut novembre, je me retrouve sur la BA 112 de Reims pour y suivre deux mois d'instruction a I'issue desquels, avant mon depart imminent pour l'Afrique du nord, une perm iss ion m'est accordee pour passer Noel en familie. Le 30 decembre au soir, en compagnie de quelque deux cent cinquante camarades, j'embarque dans un train special station ne sur I'embranchement SNCF de la base, direction Marseille. Seize heures de voyage nous attendent, sous la surveillance de policiers casques et armes, avec de frequents arrets en rase campagne. Mais, interdiction formelle de descendre sur le ballast.. . certains rappeies s'etant montres reticents, voire agressifs, pour ce qui allait constituer leur second sejour en Aigerie. Nous traversons la Mediterranee a bord de I'Athos 11 , passant la Saint-Sylvestre en mer, puis debarquons aAlger qui nous accueille avec ses militaires en tenue de combat et ses 12,7 pointant au-dessus de sacs de sable. Transit par le camp de Hussein Dey et, en ces premiers jours de janvier 1957, arrivee a OranLa Senia. Le service d'orientation de la base de Reims nous avait attribue des indices en fonction de notre niveau ou de notre specialite.
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Diplome d'etudes superieures de commerce , je suis catalogue 83-22, soit secretaire-commandement, tout comme mes camarades Badetz, juge d'instruction, et Bessieres, professeur agrege de sciences naturelles. Nous sommes designes pour nous presenter au PC .~"--------------"
du GALA 2, le groupement d'aviation legere d'appui situe sur le terrain meme. La, le choix nous est donne entre un emploi dans le grand bureau de I'unite ou une affectation dans le bled. Nous optons pour la decouverte du bled, d'autant plus que, secretement, nous ne pensons pas y demeurer tres longtemps. En effet, ]l nous attendons les resultats - imminents - du 2: ci concours des EOR. ;3 Apres confirmation de notre affectation a @ I'EALA 3/70 (pour mes deux camarades) et a I'EALA 2/71 (pour moi-meme), deux escadrilles stationnees sur la base marocaine d'Oujda-Les Angades, un DCA assurant une liaison technique nous depose sur ce terrain situe pres de la frontiere algerienne et a une cinquantaine de kilometres de la cote mediterraneenne.
L'fALA 2/71 Parrainee par la 1'· escadre de chasse de Saint-Dizier, qui vole alors sur F-84F Thunderstreak, I'escadrille d'aviation legere Ci-contre : d'avril ä decembre 1956, I'EALA 2/71 est equipee de Sipa 111A, des avions-ecoles transformes hätivement en chasseurs ... L:escadrille est alors deployee sur la BA 153 d'Oujda, au Maroc, DU ses appareils voisinent avec de vieux LeO 45 ferrailles. 38 AIR FAN
Pour un uxieme classe
Dans un ouvrage de plus de 400 pages, agremente de plus de 350 photos, tire en edition privee a seulement trente exemplaires numerotes et dont le n° 1 a ete depose aux archives du Shaa.a Vincennes, un appele du contingent, Jacques Duflot, conte la vie de son unite, une escadrille de T-6 chargee de la surveillance de la frontiere algero-marocaine Oll, soldat de 2e classe, iI a ete affecte durant deux ans. Avec son autorisation, nous vous livrons de larges extraits adaptes de son livre dans lequel il relate, notamment, son experience ... et ses nombreuses tribulations !
nelles de reconnaissance, de protection, d'appui feu et de bombardement. En ce mois de janvier 1957, I'escadrille occupe trois hangars sur la face est de la base, a proximite de vieilles carcasses de LeO 45. Quatre chars d'assaut sont en faction alentour, mais aucune barriere ni aucuns barbeles de protection ne marquent les limites du camp. Au loin, toujours a I'est, s'elevent les premiers monts de l'Atlas tel lien en Algerie. Je me presente au commandant d'escadrille, le lieutenant Roland Mentre, 25 ans environ , viril, mince, visage carre. Affecte au secretariat, j'apprends quelques jours plus tard que t5 je n'ai pas reussi le concours des EOR ... pour :3 dix malheureux petits points. Un peu abattu ~ par mon echec, je me rends campte que je ne peux plus pretendre a la fonction de navigant d'appui 2/71 avait ete creee le 15 avril 1956 en qualite d'observateur. sur la BA 153 d'Oujda et equipee de Si pa Au bureau de I'escadrille, je suis sous les 111A. Fin octobre, quatre pilotes et huit mecaordres d'un sergent, avec un appele de niciens etaient partis en stage de transforma1" classe qui doit etre libere a paques. Juste tion T-6 a Marrakech et, debut novembre, un apres le depart de ce dernier, le sous-officier second detachement avait effectue sa transirejoint Saint-Dizier et je me retrouve seul. La tion sur le nouvel appareil. Le 22 decembre, charge de travail est relativement lourde, mais dix T-6G etaient pris en compte et, a la mi-janel le me laisse neanmoins du temps libre. vier, les derniers Sipa etaient convoyes sur la A Reims, a I'issue des classes, je figurais Tunisie avant de rejoindre la France. Bien que parmi les premiers, ma note de 14,68 devant stationne sur le territoire d'Air Maroc, qui I'utilime permettre d'acceder rapidement au grade sait partiellement, la 2/71 etait subordonnee de caporal, puis de caporal-chef. Confiant, je territorialement a Air Algerie et relevait du sollicite une nomination a ce grade aupres du GATAC 2 d'Oran pour les missions operationlieutenant Paul Resseguier, le nouveau com-
mandant de I'escadrille arrive debut fevrier. Le GALA 2, qui gere mon dossier matricule ainsi que celui de mes camarades, nous informe qu'aucune inscription de notes du CI n'y est portee! Nous devons donc nous presenter aussitöt a Oujda pour un nouvel examen de peloton sous-officiers Oll, avec mon copain Bessieres, j'obtiens d'excellentes notes. Mon homologue de la 3/70 sera tres vite nomme au grade de caporal-chef, puis de sergent avec tous les avantages que cela comporte en campagne.
Une premiere demande pour voler Poursuivant mon reve de voler, je depose une demande d'engagement pour cinq ans en vue de devenir pi lote de chasse . Sans autre forme de proces, mon commandant d'escadrille barre la mention cinq ans et celle de pilote de chasse qu'il remplace par PER (pilote elementaire de reserve). Un dossier complet est neanmoins transmis a Oran ... qui, le 13 mai, le retourne avec le tampon " Refuse » et une explication d'Air Algerie m'informant que " conformement Ei /'instruction ministerielle n° 6420/SPAA/4, les demandes ne sont retenues que pour les jeunes venant d'etre incorpores ... " Toujours homme de troupe, je m'installe dans une routine journaliere, mais, discipline et ordonne, je continue d'assurer consciencieuCi-contre : le parking des HG de I'EALA 2/71 ä Oujda, au debut de 1957. Le s bandes rouges sont distinctives de cette esca drille. L:insigne qui ornait les Si pa, une guepe chevauchant une dague sur fond de fleche noire evoquant I'escadre marraine, ne sera reprise que plus tard ä Zenata, sur les T-6G.
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Ci-contre : le terrain de Zenata, au nord de Tlemc en, en Oranie, encore en pha se d'installation. Arrives d'Oujda, au Maroc, les T-6G de I'EALA 20/72 Y c6toient les Piper du peloton Alat de la 12' 01.
sement mon service de secretariat tout en esperant voir mon nom apparaitre prochainement sur le tableau d'avancement du GALA 2. La reponse d'Air Aigerie m'afflige. Aussi , le 29 juin, m'affranchissant cette lois de tout respect de la voie hierarchique, mais qu'avais-je vraiment a perdre dans ma situation, je me decide a adresser un courrier au general commandant le SPAA, le service du personnel de I'armee de l'Air, boulevard Victor, a Paris, lui demandant " de me donner une chance de faire quelque chose d'utile pendant mon temps de service, c'est-B-dire qu'il me soit accorde la possibilite d'etre observateur. Voire "observateur faisant fonction " puisque, tres souvent, les pilotes partent seuls en mission en raison du manque de personnel apte B cette specialite. Je ne veux plus etre un planque et brOle de me rendre utile, meme au pMI de ma vie. " Pour essayer une nouvelle lois de me laire entendre, je brave ainsi la discipline imposee a tout soldat.
La 2/71 devient la 20/72 Le 1"' juillet 1957, alors qu'elle est toujours stationnee a Oujda, la 2/71 devient la 20/72, suivant la nouvelle numerotation appliquee aux autres escadrilles de T-6 engagees en AFN. Le 16 aoOt, la reponse a ma lettre au SPAA est portee a ma connaissance. On y lelicite mon ardeur a combattre et a m'engager dans I'action tout en precisant qu'aucun texte officiel ne permet pour le moment de donner suite a cet acte de volontariat. Par la suite, le chel du SPAA y remediera en creant la specialite de
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mitrailleur; des hommes de troupe pourront alors pretendre a la lonction d'observateur jusque-Ia reservee ades officiers de reserve detaches pour les besoins. Apres m'avoir lait part du contenu de cette reponse, mon commandant d'escadrille me promet les loudres de I'enler en cas de nouvel ecart de discipline caracterise. Ce jour-la, tout espoir d'inscription au tableau d'avancement s'envole.
Recidive... un grand bonheur Oebut septembre, je recidive avec un nouveau courrier adresse au patron du SPAA, lui ecrivant que si les textes ne permettaient pas d'acceder a ma demande, une simple autorisation de vol suffirait a decharger les observateurs d'une tache souvent trop lourde. Sur ce , je pars en permission, rejoignant Istres en OC-4, puis Nancy par chemin de ler. A mon retour, alors que je prends mes ordres de route au PC du GALA 2, a Oran, j'apprends que I'escadril le a lait mouvement sur l'Algerie et qu'elle est maintenant deployee sur
le terrain de Zenata, au nord de Tlemcen. Le lendemain de mon arrivee sur cette base de campagne, ou la 20/72 ne dispose ni de hangars ni de bureaux, je me presente a mon commandant loge dans I'une des trois baraques en t61e Sarrade & Galtier hativement montees. Accueil tres lroid, car j'ai plus de dix jours de retard. Oe surcroit, j'ai une nouvelle lois abuse de sa conliance en m'adressant directement a I'un des services de I'etat-major. Non sans me menacer d'une mutation dans une compagnie de delense, il me sort un bordereau d'envoi en m'ordonnant de le lire. Oouze jours apres I'envoi de mon courrier, le general Vallois m'accordait I'autorisation de voler en qualite d'observateur.
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Ci-dessous : bord du T-6G n° 49-3497 de la 20/72 lors d'une des sorties operationnelles du 2' classe Ouflot. t:appareil porte encore les bandeaux rouges adoptes par I'escad rill e sous son ancienne design ation de 2/71. Peu peu, ces marques seront abandonnees et I'insigne la guepe, disparu depuis le retrait des Si pa, refe ra son apparition.
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Le service technique de I'escadrille, qui n'a aucun equipement de prevu pour moi, me fournit neanmoins une combinaison brune, vieille et usee, a fermeture eclair allant du talon droit a I'epaule gauche; pas de casque ni d'arme, seulement des ecouteurs et un laryngophone. Le 15 octobre, le commandant d'escadrille designe un pilote, chef de patrouille chevronne, pour une seance de voltige destinee, je I'apprendrai plus tard, a me faire passer le goOt du vol. .. Pendant trente minutes, a la verticale du terrain , je subis cet exercice non repertorie au cahier d'ordres. Je redescends enfin du T-6, I'estomac au bout des levres, le sourire crispe, mais ne souffle mot. Ma premiere mission a lieu le 30 octobre. C'est une RAV (reconnaissance a vue) a deux appareils dans les territoires du sud, designee sous le nom de code de « Titan vert ". Le 20 novembre, alors que j'ai deja une vingtaine de missions a mon actif et que j'exerce toujours I'emploi de secretaire, le capitaine Michel Ladouce, nouveau commandant de I'escadrille, me fait equiper. Outre un blouson, des bottes de vol et une valise PN, la dotation des ecoles de pilotage, je peryois, comme tous les autres navigants, une combinaison de vol kaki, une planchette a rouleau pour les notes, un pistolet Mac 50 et ses chargeurs , ainsi qu'un sauf-conduit barre bleu-blancrouge. On me donne aussi une paire de Pataugas, les memes que ce lies utilisees par les
fantassins et les fellaghas. Mon capitaine m'institue gardien de la salle des operations, m'installant dans un gourbi derriere les armoires a parachutes ! En decembre, j'effectue trois missions (des reconnaissances a vue entre Sebdou et Lamoriciere) avec mon commandant, dans un secteur que je connais bien et Oll je peux le diriger afin de surprendre des suspects en zone interdite et lui permettre ses premiers straffings. Au debut de I'annee 1958, les franchissements de frontiere se font de plus en plus nombreux et, de ce fait, les recherches so nt de plus en plus ciblees.
Bapfeme du feu Alors que, dans ma Lorraine natale, le printemps est souvent encore bien froid, le mois de mars est tres agreable en Oranie, avec des temperatures qui remontent rapidement. Voila maintenant cinq mois que je participe activement aux operations de maintien de I'ordre. J'ai acquis une experience certaine de la reconnaissance aerienne et, en secteurs connus, je sais reperer les traces de passage des rebelles et determiner si certaines grottes ou anfractuosites rocheuses ont ete frequentees depuis ma derniere visite. Je suis capable d'identifier les habitants des mechtas, les bergers et leurs troupeaux. Aussi le patron de
mon EALA m'inscrit-il regulierement pour la mission quotidienne « Therese marron " dont l'itineraire est tenu secret. Au sud de Tlemcen, passe la barriere des hauts plateaux, ces sorties consistent a surveiller regulierement une zone de djebels dont le plus haut culmine a quelque 1 700 m. Particularite de cette region , localisee au nordnord-est de Sebdou et baptisee la « zone des douze ap6tres ", car les falaises sont au nombre de treize et coupees par onze cluses ou cols , un surplomb s'etendant sur 20 km et perce de val lees s'enfonyant selon un axe nord-ouest. Sur les conseils du commandant d'escadrille, nous avons mis au point une methode d'approche des cretes avec I'aide de photos aeriennes et de la carte au 1/50000' . A altitude moyenne, nous arrivons perpendiculairement sur I'une des nombreuses cluses etroites et encaissees. Une fois a sa hauteur, et apres un brusque virage a 90°, a la limite du decrochage , nous fonyons moteur presque coupe dans la vallee arriere, de maniere a surprendre des eventuels rebelies en mouvement. Ce fut le cas le 22 mars 1958.
« Therese manon » Ayant deja effectue douze missions dans le secteur de la longue val lee qui va de Sebdou a Lamoriciere, bordee par les djebels dar Ci-contre : du secteur d'Oujda (Maroc) celui de Tlemcen-Zenata,l'escadrilie 2/71, devenue 20/72, surveille les djebels et les plaines d'alfa . Ses T-6G interviennent avec leurs armes de bord, larguent des bombes, tirent des roquettes et guident la chasse lourde.
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Cheikr et Assas , je suis en mesure de faire un ex pose detaille au pilote designe pour la mission " Therese marron ". En ce jour du 22 mars, il s'agit du lieutenant Jean Vuillemot, un jeu ne officier de 23 ans, virtuose du vol a basse altitude. L'OLAT, I'officier de liaison de I'armee de Terre, qui desire completer les renseignements sur une region de passage en vue de monter une operation d'envergure avec la dem i-brigade de fusiliers marins (DBFM) et les helicopteres HSS-1 de la 31 F, nous a designe par ailleurs un objectif bien precis. Nous decolIons a 17 h 00 de Zenata, cap au sud-est. Apres un survol de la bourgade de Lamoriciere, nous abordons les pourtours du djebel Ouargla oriente sensiblement nord-sud et culminant a 1 700 m. Nous virons cap a I'ouest pour deboucher ensuite sur les plaines d'alfa et les oueds asseches du secteur d'EI Gor. Franchissant le massif du Lato, nous arrivons au-dessus de Sebdou, puis faisons demitour vers Lamoriciere. Nous volons depuis 1 h 45 mn, a I'altitude raisonnable d'une mission de routine. A 18 h 45, etant parvenus a I'extremite du djebel Hammar el Djemel , nous revenons sur nos pas. Collant aux parois rocheuses du djebel dar Cheikr, le lieutenant Vuillemot grimpe jusqu'au sommet du djebel EI Balla, a 1 410 m, puis vire soudain a 90° a droite pour effectuer une arrivee surprise dans le col signale par I'OLAT comme etant tres frequente. 11 est 19 h 00 et le soleil darde encore de brillants rayons rougeatres. Dans I'echancrure du col, j'apergois deux individus, sac au dos, qui se jette nt a plat ventre sur le chemin de crete. Je signale immediatement ma decouverte au pilote qui revient alors sur les lieux ; les deux hommes se sont separes. Sur SCR 300, le poste radio de campagne des troupes au sol, le LI Vuillemot contacte le commandant de la batterie de la maison forestiere de Merbah, situee en contrebas, et, apres lui avoir fourni des coordonnees precises a partir de ma carte au 1/50 000', lui demande I'autorisation d'ouvrir le feu. Revenus vers la crete pour la passe de tir, je distingue un homme debout, pointant son arme sur nous - probablement une redoutable mitrailleuse MG 42 allemande. Impacts! L'aile gauche du T-6G est touchee et des eclats viennent dechirer I'extrados. Nous executons malgre tout plusieurs autres passes, lachant de courtes rafales a 300 m de distance pour une efficacite maximum. Trois rebelles reste nt etendus, apparemment touches. Sur la VHF, nous informons le Poste de commandement air de Tlemcen (PCA 19/540, indiCi-contre : un reve de gosse realise : etre aviateur, le nez dans les etoiles. Le 2" classe Jacques Duflot, secretaire-observateur ä la 20/72, e.quipe de pied en cap au depart d'une mission en novembre 1958. Sur le casque, un insigne similaire ä celui des scouts-raiders, la croix scoute ayant ete volontairement omise pour ne pas meier le scoutisme au conflit.
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catif " Carnot ,,) qui ne repond pas; c'est sCirement I'heure de la sou pe la-bas ... " Caffut " (Ie PCA d'Oran) reagit, mais n'est pas en mesure de faire intervenir des chasseurs lourds. Malgre I'heure tardive, I'ordre est don ne a la 20/72 de faire decoller sur le champ une patrouille armee de roquettes. Notre tireur est toujours debout, des corps etendus a ses pieds. Dans les ombres du soir qui tombe, les lumieres fugaces des balles tragantes montent vers I'avion et nous entourent. Nous n'avons plus qu 'une seule mitrailleuse sur quatre qui fonctionne et decidons de prendre de I'altitude. Nous demandons au poste de Merbah d'arroser la zone en attendant I'arrivee de notre renfort. Les six premiers coups de 155 mm manquant de precision, nous faisons rectifier le tir. La demi-douzaine d'obus suivants est efficace. A 19 h 50, " Caban azur" (Ie capitaine Ladouce) et son equipier "Caban 33 " (Ie sergent Jourdain) arrivent sur place. Notre circuit electrique est HS et nous ne pouvons allumer les feux de position. La nuit est presque tom-
bee et je ne distingue plus le profil du col. Le LI Vuillemot balise I'objectif en tirant des balles tragantes et les deux T-6G larguent alors, un peu a I'aveuglette, leurs roquettes qui atteignent toutefois leur cible. Mon pilote redoute les degats causes a notre appareil et me signale que nous allons peut-etre devoir I'abandonner. Sur T-6, le saut en parachute est tres aleatoire, car I'on doit passer entre I'aile et le plan fixe de I'empennage ! L'intervention se termine et " Caban azur " donne I'ordre du retour. Nous sommes sou lages lorsque nous apercevons les lumieres de Tlemcen , qui scintillent dans la nuit, puis la piste de notre base largement eclairee par un reseau de puissants projecteurs. Des notre arrivee au-dessus du seuil de piste, je remarque les camions de pompiers qui demarrent en trombe de chaque cote , accelerant afin de nous porter secours rapidement en cas de probleme grave. Sitot le toucher des roues, essence et contact coupes, le T-6G s'affaisse et embarque a droite, terminant sa course dans la terre meuble, sans incident. Pompiers
et personneis de I'escadrille s'empressent autour de I'appareil sur lequel ils releven!, apres examen, quatre impacts au niveau de la cocarde et du bord de fuite de I'aile gauche, du plan fixe arriere gauche et de la roue droite. Le pneu est creve, la conduite hydraulique de frein est dechiquetee et le contact d'armement de I'aile droite est detruit. En ce 22 mars 1958, cinq mois apres le debut de mes activites aeriennes au sein de I'EALA 20/72, je viens de recevoir mon bapteme du feu sur le T-6G n° 51-14504 ... D'autres missions operationnelles s'enchainent et, apres une autre permission en France, je suis de retour a Zenata debut mai pour reprendre mes fonctions de secretaire et d'observateur. Sous les drapeaux depuis novembre 1956, je suis maintenant ADL et, comme tous les autres appeles, maintenu apres la duree legale du temps de service de dix-huit mois. A partir du 17 mai 1958, de nouvelles RAV sont organisees dans le but d'approfondir la connaissance d'un secteur repute pour abriter la base arriere d'une katiba de la willaya 5. Situee tres au sud, cette base sert de trait d'union entre les camps d'entrainement des rebelies au Maroc et I'ouest oranais, sitot le barrage frontalier traverse. Avec I'aide des commandants de postes aux alentours, un itineraire particulier est donc trace. On y note les points remarquables devant etre controles lors de ces missions qui durent entre deux et trois heures : points d'eau non repertories, zones d'activite pastorale, limites de zones interdites. Ces " RAV speciales " seront ulterieurement baptisees " Jacqueline ", lorsque
les missions assurees par notre escadrille recevront le prenom de certaines dames d'Oran ... en remplacement des noms de code commenc;:ant par la lettre T (" Titan ", " Therese " ... ) assortis d'une couleur. Le 22 mai, je participe a un vol tout a fait inattendu. Les radars frontaliers ayant signale la presence d'un avion non identifie au-dessus des sommets enneiges, nous decollons et, exceptionnellement, montons vers 6 000 ft. Les contacts radio so nt difficiles, mais nous localisons la zone suspecte sur laquelle nous descendons par paliers arrondis jusqu'au moment ou nous apercevons enfin I'intrus, un petit Jodel prive. Nous fonc;:ons sur lui et, arrives a sa hauteur, lui faisons signe de degager I'espace aerien. II obtempere immediatement, puis nous le suivons jusqu'a la frontiere avec le Maroc tout en relevant son immatriculation. L'avion de tourisme s'averera appartenir a un ingenieur des mines franc;:ais travaillant non loin du secteur. En survolant cette region, il aurait tres bien pu se faire descendre par les fe llaghas sans doute retranches dans les grottes environnantes ...
Mon premier PGA Le 8 juin 1958, sur decision emanant du GATAC 2 d'Oran, le PCA de Tlemcen requiert une mission PGA (Poste de guidage avance) pour un bombardement sur les pentes du djebel Assas ou deux katibas au minimum seraient en transit. Rattache a la 12' division d'infanterie, le 2' peloton avions (I'unite Alat deployee sur la base de Zenata avec ses Piper L-1 8C et L-21B) est designe pour conduire
Ci-dessus: le HG n° 51-14504 de I'EALA 20/72, appareil sur lequelle 2' classe Jacques Duflot a connu son bapteme du feu.
I'operation. Connaissant parfaitement les environs de l'Assas pour les avoir regulierement survoles lors de " RAV speciales ", je dois servir d'indicateur de cible et de coordinateur. Voici le deroulement de cette mission qui demarre a 11 h 00 lorsque tombe I'ordre pour un rendez-vous sur zone a 12 h 00 : - 11 h 10. Decollage du Pi per " Fox Echo " dans lequel j'ai pris place. Je suis " Piper Fox Echo Autorite " et c'est a moi de denicher le secteur exact ou doivent se trouver les hors-Ialoi (HLL) a traiter ; - 11 h 30. Atterrissage a Sebdou pour prendre les ordres du commandant du 8' hussards, demandeur ; - 11 h 51. Environ 70 km plus loin, nous sommes a la verticale de I'objectif tel que defini globalement, la pente nord-sud-est du djebel Assas, soit un carre verdoyant d'environ 100 hectares de bouquets d'arbres et de buissons d'essences diverses. 11 dissimule un puits que I'on dit etre toujours plein, seul point d'eau ades kilometres a la ronde. N'ayant pas d'autres informations, je demande a " Caffut " la composition des intervenants, les armements et les attaques prevus. Les forces qu'il m'est possible d'engager sont composees de deux Mistral, deux B-26 Invader et deux P-47D, plus quatre T-6G de mon escadrille. L'approche s'effectue a 6 500 ft au-dessus du niveau de la mer, soit 2 000 ft (600 m) au dessus du djebel culminant a 1 573 m. Oe legeres AIR FAN 43
volutes de fumee bleue s'elevent du massif, signalant Ei coup sOr la presence d'un feu ; elles s'evanouissent tres vite. - 11 h 53. Contact est pris avec " Caffut ", lequel annonce le decollage en cours des Mistral, Invader et P-47D. Je confirme la presen ce possible de fellaghas dans la zone ciblee et demande que les Mistral interviennent en premier, d'abord avec leurs bombes, puis immediatement apres avec leurs roquettes et armes de bord pour " strafer " la limite sud du carre en remontant vers la crete de la montagne. Les P-47D interviendront ensuite pour executer la meme operation en deux phases. Je demande que les B-26 soient tenus en reserve plus au sud-est, caches derriere le djebel Ouargla. - 12 h 15. Beaucoup de monde sur la VHF : liaisons entre avions en vol et avec les PCA d'Oran et de Tlemcen. Au nord-ouest, les quatre T-6G s'impatientent Ei la verticale de Terni ... Je dois faire face et donner les dernieres instructions aux Mistral; - 12 h 20. Les chasseurs Ei reaction deboulent et larguent leurs bombes les uns apres les autres, puis se presentent Ei nouveau face Ei la cible. Norias effectuees, ils battent des ailes et prennent le cap de La Senia ; - 12 h 35. Les P-47D so nt sur zone. Ils ont entendu mes instructions et observe la premiere attaque. Apres un OK rapide de ma part, ils operent de fac;:on identique, Ei une vitesse moins elevee, degageant une force impressionnante. La pente est maintenant couverte de fumees blanches, grises et noires. Seules rougeoient les lueurs provoquees par I'eclateme nt des bombes et des roquettes. Je demande Ei mon pilote de descendre un peu pour y voir plus clair, tandis que les Thunderbolt repartent Ei leur tour. - 13 h 15. J'appelle les B-26, leur donnant des coordonnees modifiees en fonction du terrain restant Ei traiter. Les navigateurs corrigent leur cap d'attaque et, en vol bien horizontal, les bombardiers larguent leurs munitions, atteignant I'objectif designe. Il s effectuent un deuxieme passage pour " strafer " aux roquettes et aux armes de bord avec de longues rafales de 12,7 mm. - 13 h 28. Les Invader viennent de quitter les lieux. Les deux patrouilles de T-6G de la 20/72 so nt toujours en stand-by. Les liaisons VHF etant maintenant plus claires, je leur demande de patienter encore un peu, le temps pour moi d'essayer d'apprecier la situation au sol. Le sommet se degage un peu et notre Piper descend plus bas. Rien de suspect. Que de la terre remuee, des arbres retournes, des branchages noircis et fumants. - 13 h 40. Je donne le feu vert Ei cette derniere vague pour attaquer selon de nouvelles et ultimes coordonnees que les pilotes me confirment avant de pion ger Ei leur tour; - 13 h 45. Mon pilote m'annonce avoir bientöt atteint son carburant limite. Nous laissons la noria de T-6 et rentrons sur Tlemcen avec un 44AIR FAN
arret, moteur tournant, a Sebdou pour faire un rapport succinct au commandant du 8' hussards venu en bout de piste. - 14 h 20. Atterrissage sans encombre a Zenata apres 3 h 05 mn de vol. Le commandant du PCA de Tlemcen , le lieutenant-colonel de Villepin, etait a bord de I'un des B-26 et, a son retour, adressa un mot de felicitations a mon commandant d'escadrille pour lui dire combien il avait apprecie I'organisation de I'attaque ainsi que la Glarte des ordres donnes en vol par " Piper Fox Echo Autorite " ... alors qu'il me semblait avoir balbutie et que, habitue au laryngophone, ce n'est qu'apres quelques minutes seulement que j'avais tourne le micro manuel dans le bon sens! Le 28 juin, un nouveau bombing en leadership est realise dans des conditions moins bien preparees. Lors d'une " RAV speciale ", nous sommes appeles en appui feu par des troupes au sol prises dans une importante embuscade. En plusieurs passes, mon pilote lache ses quatorze roquettes SNEB de 68 mm, ses quatre T. 10 de 89 mm et tire deux cents cartouches. Connaissant bien le secteur, je dois demeurer sur place pour diriger I'assaut des appareils venus d'Oran en renfort, a savoir un B-26 et six Mistral armes respectivement de bombes de 250 kg et de roquettes T. 10. Du fait de la proximite immediate des troupes amies au sol, le guidage se revele tres delicat, les B-26 operant en altitude et les Mistral attaquant Ei vitesse tres elevee.
Jamais deux sans Irois ... Un troisieme PGA est monte fortuitement le 3 juillet au cours d'une autre " RAV speciale " effectuee en suivant l'itineraire habituel, mais a contresens cette fois pour surprendre I'ennemi. Je repere une bande rebelle au repos qui semble compter plusieurs dizaines d'hommes. Faisant mine de n'avoir rien vu , nous poursuivons notre route assez loin. Apres avoir obtenu la certitude, par le poste au solle plus proche,
Ci -dess us : deux T-6G de la 20/72 en val de patrouille au-dessus des etendues racheuses des mants de Tlemc en.
qu 'il ne s'agissait pas d'unites amies en operations, mon pilote contacte les PCA de Tlemcen et d'Oran pour suggerer un appui aerien serieux. Endossant le röle de PGA, je dois alors coordonner I'intervention, dans la demiheure qui suit, de quatre Mistral, deux B-26 ainsi que de deux T-6G de mon escadri lle. Notre propre avion est amene Ei tirer six roquettes T. 10 et 910 cartouches de 7,5 mm. Durant les mois suivants, j'ai I'occasion de realiser de tres nombreuses reconnaissances Ei vue. Et, le 1" janvier 1959, deux ans jour pour jour apres mon debarquement de l'Athos 11 a Aiger, je decolle une derniere fois pour une mission " Jacqueline " qui se deroule sans anicroche. Je suis rendu Ei la vie civile, apres remise d'un certificat de bonne conduite et de mon livret militaire Oll ni mon autorisation de vol en qualite d'observateur ni I'obtention (sur examens) des premier et deuxieme degres d'anglais ne sont portes ; mais Oll figure, en revanche, ma nomination au grade de caporal par le capitaine Jean Aucher (mon dernier commandant d'escadrille) en date du 15 novembre 1958, soit plus de deux ans apres mon incorporation ! Je quitte l'Algerie toujours deuxieme classe et sans porter les galons de mon grade. En ce premier jour de I'annee 1959, j'ignorais que venait d'etre publiee, dans le Bulletin officiel des medailles et recompenses, ma premiere citation avec attribution de la Croix de la valeur militaire a I'ordre de I'armee aerienne (palme), transmise par le general commandant la 5' RA. Quant Ei la seconde citation, avec palme egalement, elle ne me sera notifiee qu'ulterieuremenL en 1960. Qu'importe, fort de plus de trois cents missions et de presque 700 heures de vol , j'etais parvenu a concretiser, non sans peine, mon reve de gosse. 0