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Dossier
M 1191 - 255 - 35,00 F W 255 - FEVRIER 2000 - 35 F
Sommaire Vingt-deu x ieme annee
\ Le magazine de I'aeronautique militaire internationale
N° 255 fevrier
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« Bright Star» 99 par Yves Debay Le plus grand exerciee de l'apres-guerre froide.
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Les Crusader de I' Aeronautique navale par Jean-Marie GaU, Alain Crosnier, Christian Boisselon, Philippe Roman et Eric Desplaces 1964 : I'Aeronautique navale entre dans l'ere supersonique. Le « Crouze » : un avion d'homme qui se pilotait aux {esses ! Les « Lasears » ont ouverlle {eu po ur la derniere {ois aHyeres. La derniere croisade des « Lasears ».
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Retours de manivelle Le courrier des leeteurs. Revue de presse par I'equipe de la red action Les nouveautes de I 'edition. Salon du jouet 2000 par Jean-Luc Fouquet Le ealendrier des nouveautes aurait-il sub i le bogue ? .. Analyse des nouveautes par I'equipe de la red action Les dernieres maquettes sorties.
En couverture : I'Aeronautique navale am is un point final la carriere de ses Crusader, au terme de presque trente-c inq annees de service au sein de la 14F et de la 12F, cette derniere flottille en restant la seule utilisatrice depuis 1979. Sur les quarante-deux F-BE(FN) achetes neufs Chance Vought en 1963, seuls cinq chasseurs, en version F-BP, restaient encore en etat de val la fin 1999
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1951-1959: I'USAFE et la detense aerienne de I'Europe (I" partie) par Jean-Pierre Hoehn Une mission, un appareil : le f.86D Sabre Dog.
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(Photo Benoit Co/in).
Directrice commerciale : Martine CABIAC
Redacteur en chef: Olivier CABIAC
Gestion des abonnements: EI nos bureaux
Corr~spondant
de la redaction aux Etats-Unis: Rene J. FRANCILLON
Publicite: EI nos bureaux (tel. : 01 42936724) Photogravure : PRESTIGE GRAPHIQUE Impression: HERISSEY, ZI n° 2, rue Lavoisier, 27000 Evreux Tel. :0232282930 Depot legal 1" trimestre 2000
All eontents © AIR FAN 2000 Reproduetion mElme partielle interdite Numero de commission paritaire : 61086 Distribution par les NMPP
AIR FAN est membre de I'Office de justification de la diffusion
Principaux collaborateurs Rene BAlL, Christian BOISSELON, Alain BOSSER, Jean-Loup CARDEY, Benolt COLlN, Phi lippe COLlN, Alain CROSNIER, Erie DESPLACES, Arno DILL, Jean-Luc FOUQUET, Michel FOURNIER, Christ GARCIA, Henri-Pierre GROLLEAU, Jean-Pierre HOEHN, Christian JACQUET, Stephane MEUNIER, Marc-Eric MlNARD, Jaeques MOULIN, Stephane NICOLAOU, Alain PELLETIER, Jean-Jacques PETIT, Mare ROSTAING, Jean-Pierre TEDESCO, Bernard THOUANEL, Patrick VINOT-PREFONTAINE Collaborateurs etrangers Joe CUPIDO, Peter DOLL, Christophe DONNET, Jim DUNN, Jaekson FLORES Jr, Peter FOSTER, Paul JACKSON, Theo VAN GEFFEN, Robert E. KLING, Hans KONING, Peter B. LEWIS, Wojeieeh LUCZAK, Salvador MAFE HUERTAS, Dave MENARD, Robbie SHAW, Herman J. SiXMA, Peter STEINEMANN, Claudio TOSELLi, Richard L. WARD
a revolution islamique en Iran, I'engagement sovietique en Afghanistan et les guerres peripheriques liees a I'affrontement Est-Ouest amenerent les Etats-Unis a creer un grand commandement militaire interarmes - similaire a l'Eucom (European Command) - destine a planifier et a gerer toutes les operations militaires americaines au Proche-Orient, dans le golfe Persique et dans la Corne de l'Afrique. Oenomme Centcom (Central Command), il fut organise de maniere a reagir extremement rapidement en cas de menaces sur le petroie du Moyen-Orient, en amenant a pied d'CBuvre plusieurs divisions ainsi que les elements aeriens necessaires a leur soutien. Afin que les troupes US susceptibles d'intervenir dans la region puissent suivre un entrainement operationnel adapte, il fallut ensuite trouver un pays decide ales accueillir. Israel (meilleur allie des Etats-Unis dans cette partie du monde) ne pouvant etre selectionne pour d'evidentes raisons diplomatiques, c'est l'Egypte, pro-occidentale, qui fut choisie. Les ac cords se concretiserent sur le terrain par I'exercice bisannuel « Bright Star» dont la premiere edition se deroula dans le desert egyptien en 1981. A I'epoque , ce n'etait qu'un exercice bilateral impliquant des effectifs reduits , mais, au fil des annees, la manCBuvre evolua en fonction de la situation toujours tres tendue au F.'roche-Orient.
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Realisant I'importance de ce type d'exercice, l'Egypte, qui reste la clef militaire et culturelle du monde arabe , accepta la participation en 1995 de ses meilleurs allies dans le Golfe ainsi que celle de la France et de la Grande-Bretagne.
Une importante armada aerienne Une nouvelle etape fut encore franchie I'an dernier puisque d'autres nations rejoignirent, dans les sables d'EI-Alamein et en Mediterranee orientale, soldats, marins et aviateurs americains et egyptiens. Avec I'arrivee de l'Allemagne, de la Grece, des PaysBas, de l'ltalie et de la Jordanie, « Bright Star » 99 rassembla 75 000 participants issus de onze pays , devenant ainsi I'une des plus importantes demonstrations de forces effectuees par l'Otan et ses allies arabes. L'exercice, qui debuta le 2 octobre 1999, illustra parfaitement le nouveau concept strategique elabore par l'Alliance en avril dernier, quelques jours apres le debut des frappes sur la Yougoslavie , autorisant les forces des pays membres a sortir de leur zone d'influence pour contrer toutes menaces non traditionnelles comme le terrorisme, la proliferation d'armes de destruc~ tion rT)assive ou le trafic de drogue. L'accent fut particulierement mis sur les ~ procedures de coordination et de familiari- ,@
Ci-dessus : I'armee de l'Air a participe ä « Bright Star » avec quatre Mirage 20000. Lors des recentes operations aeriennes dans les Balkans, les pilotes fran~ais ont eu I'occasion d'appliquer et d'affiner leur methode de travail avec les aviateurs allies. lei, un avion de I'EC 2)3 « Champagne ». Ci-contre : ce F-14B de la VF-l02 « Oiamondbacks » attend ä I'arriere du pont d'envol, sur le porte-avions Jahn F. Kennedy. On remarque le pod Lantirn embarque sous I'aile droite, qui fait du Tarncat un « Bombcat ». A gauche, en titre : une premiere pour Air Fan! Un AH-64 Apache egyptien surpris ä basse altitude lors d'une demonstration de tir. Seules les inscriptions en arabe le distinguent de son homologue americain. La machine est equipee ici de lanceroquettes de 68 mm.
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sation entre pays arabes et de l'Otan. 11 est bien evident que la culture militaire egyptienne dittere de celle des Occidentaux. C'est pour cette raison que I'exercice etait dirige, aux echelons superieurs d'un etatmajor combine, par le general egyptien habituellement responsable de I'entrainement operationnel des forces armees de son pays et le commandant en chef du Centcom. Le gigantisme de « Bright Star " 99 s'afficha evidemment par le nombre d'aeronefs engages , soit pas moins de 543 appareils (pratiquement I'equivalent des moyens de I'armee de l'Air) dont 135 embarques et 408 deployes sur les bases egyptiennes . L'exercice se deroula en trois grandes phases quasi simultanees. Primo : operations aeronavales ; secundo : debarquement amphibie; tertio : manc:euvres aeroterrestres en milieu desertique. Toutes ces operations impliquerent des tirs reels, y compris de missiles mer-mer Harpoon et
tant guere de distinguer I'arriere-plan ... A I'epoque des satellites d'observation, il est terriblement frustrant de se voir interdire de photographier un Phantom ou un E-2C Hawkeye egyptiens - alors qu 'il est au point fixe, sous une bonne lumiere et quelques metres de vous - par des officiers subalternes qui ne badinent pas avec le ' secret defense. La Force aerienne egyptienne (AI Quwwat al-Jawwiya al Misriya) etait pourtant bien presente avec 365 avions, soit I'essentiel de sa force de combat. Mais c'est loin dans le ciel que I'on vit passer ses F-16, F-4, Mirage 5 et 2000, MiG-21 et Alpha Jet. Cependant, lors d'une demonstration de tir, les tout nouveaux AH-64 Apache croiserent brievement I'objectif de notre appareil photo. Mais, chut ! Autres helicopteres intensivement utilises depuis des annees, les Mi-8/17 qui daignerent montrer un bout de leur rotor tandis que les Chinook et Sea
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Des Egyptiens tres discrets Etant don ne I'ampleur de la manc:euvre, qui de surcroit avait lieu sur un immense territoire, il nous a bien sOr ete impossible de decrire en detail toutes les unites qui y participerent et de relater les differents evenements aeriens qui la marquerent. II a egalement fallu tenir compte de la discretion maladive des Egyptiens en matiere de securite militaire et du desir de leurs h6tes de la lettre cet etat d'esprit. Ainsi respecter leurs avions seront-ils absents de ce reportage. Oe meme, un grand nombre de photos realisees Cairo West ont ete prises contre-jour ou sous des angles ne permet-
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Au-dessus : un S-3 Viking de la VS-32 « Maulers » se presente ä I'appontage, encore arme d'un missile Maverick. Ce chasseur de sous-marins effectue egalement des missions de ravitaillement en vol et de lutte antisurface. Deux semaines apres « Bright Star », un Viking du JFK s'abimait en mer Rouge. Ci-contre : le Mi-8 est I'un des principaux helicopteres d'assaut et de transport de I'armee egyptienne. Cet exemplaire est une version VIp, comme en temoignent les jolis petits rideaux roses aux hublots.
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King se firent plus discrets, tout comme' les petites Gazelle qui, apparemment, servent de poissons pilotes aux Apache et que l'Egypte construit sous licence Heliopolis, dans la ban lieue du Caire. Tout aussi « invisibles " , quatre F-16 jordaniens et une poignee de Gazelle kowe'ities et emiraties participaient egalement I'exercice.
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Les Allies aCairo West C'est sur cette grande base, amenagee en fait au nord du Caire, que fut deploye I'essentiel des appareils occidentaux. Seuls l'ltalie, la France et les USA avaient envoye des avions de combat, la RAF ayant au dernier moment annule I'engagement de ses Tornado, mais maintenu I'envoi d'un VC-10, d'un Nimrod, de deux C-130 (qui larguerent des paras egyptiens equipes du nouveau parachute Irving) et deux CH-47 Chinook.
Ci-dessus: I'avion le plus impressionnant engage dans « Bright Star» fut incontestablement le B-l B. Quatre appareils du 37th Bomb Squadron etaient bases ä Cairo West pendant toute la duree de I' exercice. Ci-contre : revetue d'un camouflage sable, cette Gazelle egyptienne survole le desert au-dessus de Katarra. La machine est de type AlK, reconnaissable aux pylönes porte-missiles, ici depourvus de HOT, et ä la lunette de visee. En bas : un Chinook de la RAF et une Gazelle des Royal Marines sur le pont d'envol du tout nouveau HMS Ocean. Remarquez, ä I'avant du navire, le systeme antiaerien Phalanx.
Bien que modeste, la participation de ~" I'USAF suscita le plus grand interet, avec Cl quatre superbes B-1 d'un beau gris fonce. @ Venus en droite ligne de leur base d'Ellsworth (Dakota du Sud) , apres un vol de respectivement base es a Dallas (Texas) et a 14 heures et deux ravitaillements en vol , ces Washington DC . Ravitailles cinq fois au-desbombardiers , appartenant au 37th Bomb sus de l'Atlantique par un KC-10, les avions Squadron/28th Bomb Wing , avaient bien mirent sept heures pour rejoindre la base de Rota, en Espagne , d'ou ils repartirent pour le sOr pris part aux recents raids contre la Yougoslavie ainsi qu'a I'operation « Desert Moyen-Orient. Une fois sur place, les F/A-18 effectuerent deux missions par jour en interFox,. en Irak. Ils etaient mis en ceuvre par cinq equipages , dont deux de reserve, lors ception pure ou en appui sol, aux cotes des de « Bright Star ,. . Le B-1 reste le bombartres manceuvrables MiG-21 egyptiens. dier lourd d'attaque directe et de penetraPour ces pilotes de reserve, I'exercice tion a basse altitude ... larguant ses bombes constitua une occasion unique de se famiavec une grande precision grace au GPS. liariser avec un environnement nouveau, dans lequel ils n'ont pas I'habitude de naviC'est aussi une arme de saturation du guer. « Malgre tous nos moyens de navigachamp de bataille puisque , avec une charge de trente cluster bombs, un seul tion inertielle, les GPS et autres gadgets electroniques, le facteur humain a encore sa Lancer est a meme de « polluer ,. plusieurs hectares sur les arrieres et depots logisplace dans le pilotage car, dans le desert, tout est de la meme couleur, surtout tiques de I'ennemi. A Cairo West, les Marines arriverent ega15 000 pieds. 11 fautetre tres prudent dans /'identification des cibles ,., nous confia I'un lement en force avec douze Hornet issus des VMFA-112 « Cowboys ,. et VMFA-321 d'entre eux. Autres appareils , plus legers mais sympa« Hell's Angels ,. , deux unites de reserve thiques , les AMX italiens encore tout aureoles de leurs premieres missions de guerre 1. Surnom donne au Fiat G-91. Les anciens se rappelau Kosovo et qui, dans la grande tradition ~ leront que, pendant taute la guerre froide, on pouvait des Gina', conduisirent des missions d'ap- ~ voir sur toutes les bases d'Europe ces chasseursbombardiers legers italiens. pu i au sol. Detaches pour dix jours en terre @
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Ci-contre: gräce ä « Bright ~ Star », les reservistes am~ri- ~ ca in s ont eu la possibilite de ~ voir du pays ... lei, I'un des six F/A-18 Hornetdu detachement de la VMFA-112 « Cowboys» basee ä Dalla s (Texas). ./ Au milieu : cette Gazelle VIP egyptienne amena dans le desert le chef d'etat-major et le ministre de la Detense egyptiens. En dessous: equipe d'un missile HARM et de deux nacelles de guerre electronique, cet EA-6B Prowler de la VAQ-137 accroche le sabot de la catapulte sur le JFK.
egyptienne, six AMX du 13° Gruppo du ~ 32° Stormo realiserent plusieurs sorties quo- ~ @ tidiennes en appui de I'important contingent italien . Pour terminer en beaute celle revue des apparei ls allies, signaions la presence de quatre Mirage 20000 de Nancy, etincelants sous le soleil. Le detachement, sous les ordres du 2/3 " Champagne ", alignait egalement un avion du 3/3 " Ardennes ". Les pilotes franr;;ais executerent toutes sortes de missions durant leur sejour, y compris I'attaque de navires. Ils travaillerent en liaison avec des E-2C egyptiens , dont deux etaient en permanence en I'air, ou I'un des deux E-3C Sentryde I'USAF. Une des preoccupations des equipages fut d'eviter les pieges tendus par des F-1 6 egyptiens, dont une partie des ailes etait peinte en rouge , qui jouaient habilement le role des Aggressors. Comme au Kosovo quatre mois plus tot, les Mirage 20000 profiterent des ouvertures beantes creees dans la defense electronique adverse par des EA-6B Prowler de la VAO-137 , detaches du JFK a Cairo West.
Debarquement aEI-Alamein La creme des unites amphibies de l'Otan real isa, aux cotes de Marines egyptiens , une impressionnante demonstration devant un parterre de VIP incluant le secretaire americain a la Oefense Wil liam Cohen , invite du ministre egyptien de la Oefense Mohammed Hussein Tantawi. Meme si elle n'avait rien de tres tactique, cette demonstration eut le merite de concentrer sur une seule plage les principales phases d'une operation amphibie , dont celle d'heliportage qui nous concerne plus specialement. Le bai fut ouvert par les CH-46E du HMM-261 " Bulls " , une unite bien connue pour ses deploiements en Mediterranee et dont les Marines sont particulierement fiers . Le code EM , arbore par ces helicopteres, a en effet ete vu sur tous les th8ätres d'operations contemporains ou I'USMC s'est trouve engage. Bases sur I'USS Bataan, douze d'entre eux, epaules par quatre CH-53E 8 AIR FAN
Super Stallion et deux UH-1 N, le tout escorpait la a sa premiere croisiere operationte par quatre AH-1W Super Cobra, helipornelle. Oestine a renforcer les capacites amterent une compagnie de combat de la phibies de la Royal Navy, ce bätiment de 22nd MEU (Marine Expeditionary Unit). , guerre, qui deplace 21 578 tonnes , peut Presents dans toutes les operations accueillir douze HCA Sea King et six Lynx amphibies , les increvables Sea King des AH Mk.7 ou Gazelle. Ouinze Sea Harrier Squadrons 845 et 846 de la Fleet Air Arm , peuvent aussi y embarquer, mais sans pouainsi que les Gazelle et les Lynx AH Mk.7 du voir operer a pleine charge. Squadron 847, prirent egalement part au deploiement des Royal Marines. Ces appaA bord du lohn F.. Kennedy reils opererent a partir du vieux HMS Fearless, mais aussi depuis le tout nouveau Commandant le Battle Group de I'USS porte-helicopteres HMS Ocean qui particiJohn Kennedy (CV-67), le contre-amiral
Michael Johnson, 4 000 heures de vol au compteur, 1 300 appontages, 120 missions de guerre au-dessus du Nord-Vietnam sur A-7 Carsair, et une gueule d'enfer, est un marin comme on n'en fait plus. Un vrai personnage de Buck Danny ! Oale dans son
siege special, sur la passerelle aviation, il nous annont;:a, en front;:ant les sourcils, que I'un de ses avions radar avait un prob leme et al lait devoir apponter sur un moteur. Arrive en finale , helice en drapeau, le Hawkeye accrocha le troisieme brin , au
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grand soulagement de tout I'equipage . Aussitöt, la routine reprit et les " Deck monkeys " (singes de pont) , surnom des marins travaillant sur le pont d'envol, se preparerent lancer une nouvelle pontee. Chaque heure et demie, une vingtaine d'avions etaient catapultes. Sur les 150 missions quotidiennes, un tiers seu lement etait dedie " Bright Star ", le reste eta nt devolu a la securite du batiment ou a des missions d'entrainement elementai re. Selon le format type adopte par I'US Navy ces dernieres annees, savoir trois squadrons de Harnet (dont un des Marines), un de F-14B , un d'EA-6B, un de S-3B, un d'E-2C, plus les Pedro, le Carrier Air Wing 1 etait constitue des unites suivantes : - VFA- 82 " Marauders " : douze F/A-18C - VFA-86 " Sidewinders " : douze F/A-1 8C - VM FA-25 1 " Thunderbolts " : douze
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F/A-1 8C -
VF-1 02 " Diamondbacks " : dix F-14B VAQ- 137 " Rooks " : quatre EA-6B VS-32 " Maulers " : huit S-3B" VAW-123 " Screwtops " : quatre E-2C HS-11 " Dragonslayers " : trois SH-60B. Sur le batiment, appontages et catapultages se succederent 24 heures sur 24. Au large de l'Egypte, la VI" Flotte US avait remplace les escadres grecques, romaines, byzantines, arabes ou medievales. Les empires passent, mais les sites strategiques gardent toute leur importance. 11 y aura encore beaucoup de " Bright Star " .. 0 Yves DEBAY
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2. Un $-3 Viking el san equipage seronl Mfas perdus
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en mer Rouge. deux semaines apres f'exercice.
En haut : pour leur croisiEne de six mois ä bord de I'USS Bataan, les AH-l W Super Cobra de I'USMC Ihaient rattac hes au HMM-261 « Bulis », un squadron d'helicopteres moyen, dont on apercoit I'insigne ä la tete de taureau sur le capotage de la turbine. Au milieu: soute beante, ce Mi-8 egyptien vient de deposer des commandos. On remarque I'ejecteur de leurres sou s la poutre arriere et les pylönes lance-roquettes. Ci -contre : les porte-avions americains embarquent generalement trois squadrons de F/A-18, appareils devenus le principal outil de strike de I'US Navy. lei, ce Hornetde la VFA-86 « Sidewinders » vient d'accrocher le troisieme brin en laissant un peu de gomme ~ sur le pont du JKF. .. Cl
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'J ~ !J~J ~ J~Bi iJjJ~J!JjJ~J!JB jJ~J Y~JJB BjJÜ B d~JjJ~ Bi B ~!J jJ Bi ~ iJjJJ ~J!J B u debut des annees soixante, alors qu'el le est encore tributaire des Ang lais et des Americains pour ses avions embarques, la France met a flot deux nouveaux porteavions d'attaque : le Clemenceau (R 98) et le Foch (R 99), batiments de 25 000 tonnes , respectivement admis au service actif en 1961 et en 1963. Oeux ans avant la mise en service du Foch, l'Aeronautique navale commence a entrevoir la fin du potentiel de son seul appareil de combat areaction, l'Aquilon (version fran<;aise du Oe Havilland Sea Venom) , operationnel a bord des PA depuis 1954. En effet, sa vitesse maximale de 500 nceuds (926 km/h) se revele insuffisante de moitie pour assumer sa fonction d'intercepteur. Le Clemenceau et le Foch etant trop petits pour recevoir les variantes navalisees
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de la plupart des jets fran<;ais, la Marine se tourne de nouveau vers les Etats-Unis, et plus particulierement vers McOonnell et Chance Vought. Une mission - composee du CC Hurel (Bureau des etudes techniques), de M. Faucheux (STM) et d'un ingenieur non aero - y est depechee dans le but de selectionner I'appareil qui, du Crusader ou du Phantom 11 , sera le plus apte a defendre nos porte-avions. Plus performant que le F-8, le F-4 est neanmoins rapidement ecarte en raison de sa taille et du cout plus eleve de la maintenance. Les Britanniques , bien qu 'interesses par le Twosader (la version biplace du Crusader) pour ses qualites et sa capacite de formation de pilotes et de navigateurs, opteront eux pour le Phantom 11, appareil biplace et polyvalent, qu'ils pourront equiper de moteurs Rolls-Royce de fabrication nationale. Suffisamment petit et leger pour etre mis
en ceuvre sur nos PA, le Crusader est a meme de combler le vide existant dans le parc de l'Aviation ernbarquee. Le seul probleme majeur reside dans sa vitesse minimale de vol, consideree comme trop elevee au vu des catapultes et des freins des brins d'arret. Avant de prendre une decision, une mini campagne d'essais sera donc realisee le 16 .mars 1962 sur le Clemenceau par deux F-8 de la VF-32 affectee sur I'USS Saratoga. Les deux appareils realiseront dix catapultages et appontages. Mais l'Aeronautique navale n'est qu'une composante de la Marine nationale et, a I'epoq ue, le choix se pose en termes financiers entre I'achat d'un nouvel intercep1eur et la construction d'une troisieme fregate antiaerienne du type Suffren (0 602). L'amiral Philippon, sous-chef de I'etat-major de la Marine en 1963, raconte dans ses memoires que, cette annee-Ia, au cours de
I'important debriefing d'un grand exercice interarmees su ivi par le general de Gaulle , il jeta un froid dans I'assistance en insistant sur le fait que le Clemenceau s'etait retrouve immobilise par manque de protection de chasse ! Oe Gaulle n'hesitera pas a bouscu ler les marins pour leur imposer un intercepteur qui, bien que d'origine americaine, n'en reste pas moins indispensable a la defense du groupe aeronaval . Et la fregate ne naviguera jamais ... Apres quelques negociations, la branche aeronautique de Ling-Temco-Voug ht (LTV) s'engage a produire un intercepteur tout temps base sur son modele F8U -2NE (F-8E), mais avec une hypersustentation amelioree et donc une vitesse minimale reduite. Les ingenieurs de la firme se mettent alors au travail et proposent des modifications sophistiquees de toute la voilure par la mise en place d'un double braquage des becs a 44°, I'exten sion du braquage des
volets et des ailerons a 40°, la diminution de a 5° de I'angle de braquage du systeme d'incidence variab le de la voilure et, enfin, I'adjonction d'un systeme de soufflage de la couche limite des ailerons et des volets par de I'air provenant du compresseur (Boundary Layer Control ou BLC). Le couple a piquer occasionne par la BLC est contre par un agrandissement de la gouverne de profondeur dont la surface passe de 5,26 m2 a 6,14 m2 . L'ensemble de ces modifications permet de reduire la vitesse de decrochage de 9 %. Oe plus, ce nouvel appareil, baptise F-8E(FN ), FN pour French Navy, doit pouvoir mettre en CBuvre le dernier-ne de la pro- duction fran<;:aise en matiere d 'armement le missile d'interception electromagnetique semi-actif Matra R530. La commande initiale porte sur quarante monopiaces et six biplaces (contrat AM114-1 04) pour un montant total de 65 mi llions de dollars incluant 50 % de moteurs
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supplementaires (3,5 millions de dollars) et un stock important de pieces de rechange. Lorsque le Congres americain decide d'annuler la production du biplace Twosader, la France transforme sa commande en 42 monoplaces (BuAer 151732 a 151773), plus un supplement de pieces detachees et un simulateur de vol (1,48 million de dollars) ~e cout a I'unite est alors de 1,14 million de dollars ; la modification concernant I'emport du Matra R530 revient, a elle seule, a 2,7 mi 1lions de dollars . Le dern ier Crusader constru it sera un F-8E(FN) , livre en 1965. En 1963, les Americains maintiennent la pression sur les marins fran <;:ais jusqu 'a c~ qu'ils soient certains d'avoir rem porte le marche. Au mois de mai , Bob Rostine, pilote d'essai chez LTV, effectue un grand nombre de vols de demonstration a Istres avec I'unique biplace, le TF-8A. II emmene des offi ciels et des pilotes pour quelques minutes de bonheur. En decembre de la meme annee, une trentaine de pilotes d'Aquilon sont convies a bord de I'USS Shangri-La , alors en escale a Cannes, pour decouvrir le Crusader qui arme la VF-62 « Boomerangs » . Oeux choses surprennent les aviateurs de l'Aero. La premiere est la presence en alerte constante d'un A-4 Skyhawk arme d'une bombe nucleaire ; une catapulte est regulierement rechauffee pour un lancement eventuel , meme en baie de Cannes. La seconde est I'ignorance la plus totale de la plupart des pilotes americains quant a I'existence de porte-avions fran<;:ais I Aucun appareil a
Ci-contre : taut appareil sortant de visite ne peut prendre I'a ir pour san val technique que lorsque tau s les equipements ont ete testes. 11 en va ainsi pour le RAT (Ram Air Turbine, ou energie de secours) dont le bon fon cti onnement est verifie a I'aide d'un conduit air sur lequel est connectee la manche d'un groupe air turbocompresse de demarrage (p alauste).
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A gauche: le porte -avions Clemenceau, vu du Pedro, entre deux pontees lors d'une croisiere en Mediterranee en 1976. Ci-contre : rencontre au-dessus de la Bretagne d'une patrouille de « Crouze » avec un McDonnell Douglas Phantom FG .1 du No 767 Squadron de la Royal Navy.
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Ci-dessus : lors de leur entree en service, les « Crouze » de l'Aeronautique navale portaient un
camouflage blanc et gris, avec marquages de servitude d'origine, en anglais. Ci-contre : il faut toute la longueur de I'ascenseur pour accueillir le Crusader dans le hangar du porteavions. lei, le F-8E(FN) n° 17 sur la plate-forme avant du Clemenceau, en 1976.
Le 20 juin, lors du retour du dernier vol qui reunit les pilotes franyais, diriges par un Americain et accompagnes par un Cougar pilote par Duke Hernandez, I'EV Robillard a la desagreable surprise de se retrouver sur le dos a 800 pieds pendant la sortie de la voilure au cours du break, une configuration dont la seule issue est I'ejection. 1I ne se passe que huit secondes entre le break et I'arrivee au sol! Le F-8A n° 143692, qui explose a I'impact, n'avait plus qu'un potentiel d'une centaine d'heures. Le pilote, indemne, a e18 victime d'une servocommande de vol qui est partie en butee lors de la sollicitation du change ur de gain de lacet la sortie voilure.
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cocarde tricolore n'est d'ailleurs represente sur les grands tableaux d'identification installes en salle d'alerte ! Parallelement , quatre pilotes franyais debutent en avril1963 une formation de trois mois sur Crusader au sein de la VF-174 " Hell's Razors ", sur la base aeronavale de Cecil Field , en Floride. 11 s'agit des lieutenants de vaisseau Goupil (affecte a I'epoque au CEV de Cazaux et futur pilote d'essai franyais au sein de I'eq uipe americaine Patuxent River) et Oe la Fourniere,
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de I'enseigne de vaisseau Robillard et de I'officier des equipages Phi lippe. Les lachers ont lieu le 6 mai suivant. L'entrainement est coordonne par le lieutenant Duke Hernandez qui terminera sa carriere comme vice-amiral commandant la Third Fleet a San Francisco, apres avoir ete pacha du CV-67 John F Kennedy. Un mois plus tard, les lieutenants de vaisseau Lefebvre (futur commandant de la 12F), Imbert (14F) et Le Pichon (CEPA) arrivent aux Etats-Unis.
Le deroulement des essais Le prototype du F-8E(FN) - BuNo 147036, ex-F-8D transforme - realise son premier vol le 27 fevrier 1964. Outre la nouvelle voilure, il est equipe d'une automanette d'approche , d'un avertisseur de decrochage, de provisions structurales pour recevoir les missiles Matra R530 , d'un reacteur J57-P-20A et d'instruments de telemesure. 11 s'ecrase le 11 avril suivant au cours de sa 21 e sortie.
Conduite du 3 au 13 aoOt 1964 par le Naval Air Test Center (NATC), le centre d'essais en vol de la Navy, I'evaluation preliminaire (Navy Preliminary Evaluation, ou NPE) des qualites de vol et des performances de I'appareil a lieu cl. I'usine de LW dans des conditions de temperature extremes . Cinq pilotes y participent : le Major Don A. Mickle
Ci-eontre : I'insigne du eorsaire borgne a orne les Crusaderde la 14F de mars 1965 ä avri11979, epoque ou la flottille passa sur Super Etendard. Ci-dessous: belle formation de F-8E(FN) photographiee dans le eiel breton en 1979. t:appareil au premier plan se ravitaille sur un Etendard IVM. En bas : le turboreaeteur Pratt &Whitney J57-P-20A du « Crouze » n° 30 ä nu lors d'une maintenanee sur le pont du Fach le 23 oetobre 1977. ~
Parti tester I'avion en configuration d'atterris- ~ '!.l sage cl. tres basse vitesse, Bob Rostine ~ debute ses evolutions cl. 6 500 pieds, cl. .~ peihe 1 500 pieds au-dessus d'une fine : couche de nuages. A I'issue d'un decro- g chage, I'appareil s'enfonce et penetre dans ~ la couche, incitant Rostine cl. s'ejecter. Deux autres pilotes de Vought participent egalement cl. ces premiers vols : Madison et Konrad. Le meme mois , les essais d'emport du Matra 530 ont lieu cl. China Lake, en Californie , sur un F-8E de I'US Navy. A son bord, John Omvig, pilote d'essai de LW, qui se tuera le 10 mai 1967 aux commandes du LW-Ryan XC-142A avec Stuart Madison. Les tests reprennent le 26 juin 1964 avec le premier F-8E(FN)' de serie (BuNo 151732), equipe d'un systeme complet de mesures et telemesures d'essais en vol. 11 est dote d'une perche de nez pour mesurer les angles d'attaque et de derapage, la vitesse et I'altitude.
(USMC), le Commander Tom Kastner, le Captain Jim Read (USMC) , le Lieutenant James H. Flatley 111 et le LV Goupil, ce dernier effectuant deux des vi ngt vols d'evaluation les 6 et 11 aoOt. 11 est ainsi le premier Fran<;:ais cl. voler sur F-8E(FN). L'equipe est assistee par un ingenieur civil d'essai , Julius F Owens. A I'issue de la NPE, les pilotes so nt plut6t optimistes. La reduction promise de la vitesse d'approche est acquise, de meme que I'amelioration des qualites de vol cl. cette vitesse. Les performances contractuelles mesurees so nt depassees. Le seul point marginal est I'acceleration en remise de gaz avec BLC . Le gain obtenu en basse vitesse par le soufflage est en partie perdu en acceleration, consequence de la reduction de I'excedent de poussee sur la trainee avion en pleins gaz sec ; en configuration apponAIR FAN 15
tage avec BLC, I'appareil n'est donc pas particulierement " nerveux ". Les modifications de voi lure entrainent une augmentation de la masse qui ne degrade que tres legerement les performances du F-8E(FN) par rapport a son homologue americain. La version franyaise plafonne a 52 000 pieds et atteint Mach 1,68 avec deux Sidewinder. Au niveau technique , un point reste delicat : la tenue mecanique du bord d'attaque des ailerons, constitue d'une töle d'acier inox au droit de laquelle arrive I'air de soufflage a haute temperature. Sous I'effet des dilatations , cette töle se boursoufle et finit par generer des criques. Le constructeur se declare conscient du probleme qui, d'apres lui , est moins le fait de la technologie du systeme que du procede d'usinage qu'il modifie en consequence. Les deuxieme, troisieme et quatrieme appareils de serie servent a la mise au point du
Ci-contre : F-8E n° 33 de la 12F sur le eiern en 1984, au cours de la mission « Olifant ». Ci-dessous: sur le parking de la BAN de Landivisiau, le F-8E(FN) n° 8 de la 12F est equipe du systeme de remorquage de cible Delmar DF-14 : un treuil sur la gauche du fuselage et, reliee par un cable pouvant mesurer jusqu'll 10000 m, une cible sous le demi-plan gauche.
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systeme d'armes. Pour y loger I'instrumentation d'essai, ils so nt demunis du systeme radar et de deux canons de 20 mm, et equilibres autour du centre de gravite nominal de serie. Les pompes a carburant peuvent etre selectionnees separement pour permettre la retention de kerosene en fonction des variations de centre de gravite requises . pour les tests. Du 25 aoOt au 24 septembre 1964 , des essais de circuits electriques et electroniques d'armement sont effectues avec le quatrieme avion (BuNo 151735) en vue de determiner si les performances du systeme d'armes AWG-4 correspondent a celles du F-8E. Apres treize vols 'et quatre semaines de tests en laboratoire, l'AWG-4 s'avere avoir un meilleur comportement sur le F-8E(FN). La detection de l'AN/APQ-104 est superieure de 20 % a celle de l'AN/APQ-94 du F-8E.
L'evaluation des qualites de vol , I'etude des performances et de I'aptitude au service embarque a bord des porte-avions sont menees avec le troisieme apparei l (BuNo 151734) au Naval Air Test Center de Patuxent River, du 15 septembre au 29 octobre 1964. Quatorze points doivent etre revus. En plus des diverses modifications deja citees, le n° 3 est pourvu d'un siege ejectable Martin-Baker Mk.F5A muni d'un nouveau harnais parachute a deverrouillage central . Au total , 78 vols seront realises pour I'ensemble du programme (y compris les vingt de la NPE) qui prend fin le 23 novembre de la meme annee. Les essais en mer se deroulent en novembre 1964 bord de I'USS Shangri-La (CV-38), au large de Mayport, en Floride, par un temps plus que moyen. IIs sont conduits par Goupil et deux pilotes americains , les Lieutenants Richard Gralow et
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Ci-contre : ä bord du Clern, de passage ä Port-Sa'ld au mois de mai 1985, lors d'un de ses transits par le canal de Suez. Une partie des « Crouze » de la 12F sont range s ä I'avant du porte-avions. Ci-dessous: elingueurs et servants catap ulte s'affa irent autour du Crusader n° 11. Dans quelques instants, le vide sera lait autour de I'appareil qui va etre pare au catapu ltage.
James H. Flatley 111, sur les Crusader nOS 2 et 3 dont les canons ont ete enleves pour menager de I'espace aux equipements de mesure. Un systeme de ballastage, par le biais des pompes a carburant, autorise des tests avec un centre de gravite representatif des masses maximales.
Sous le ciel breton Le 6 octobre 1964, ,a Norfolk, les treize premiers Crusader sous cocon sont charges a bord de l'Arramanches (R 95) d'oll ils sont debarques le 4 novembre suivant au port de Saint-Nazaire. Ils sont ensuite roules vers le terrain de Montoir, tout proche, et I'usine Sud-Aviation de Gron Oll les premiers points fixes ont lieu. Le 20, deux premiers g avions se posent sur la base aeronavale de ~ Lann-Bihoue , pres de Lorient. Le solde de la Jl commande (vingt-neuf exemplaires) sera ~ achemine par le Fach au debut de 1965. Le 16 fevrier, vei lle de son arrivee a SaintNazaire, le porte-avions mouillera d'ailleurs en rade de Brest pour saluer le general de Gaulle, president de la Republique, en visite a la cite.du Ponant et a l'Ecole navale. Reconstituee le 15 octobre 1964, la flottille 12F voit sa dotation de douze machines complete le 26 novembre. Au debut, I'absence de pieces de rechange, d'outillage et de materiel de test se fait sentir, notamment pour la remise en etat de vol des deux derniers appareils. Les techniciens de la flottille sont assistes par un specialiste de LTV particulierement competent, souriant et courtOis, M. Dreshler. Quant aux pilotes, ils sont instruits par deux lieutenants detaches de la VF-174,
Roger Brown et Jo Ruchala. Six mois avant I'arrivee des premiers avions, une autre mervei lle technique est deja parvenue a LannBihoue : un simulateur de vol, de pannes et de combat (radar). liest mis en ceuvre par des ingenieurs americains , mais les pilotes sont sous la coupe d'un moniteur franyais , I'enseigne de vaisseau Robillard. En novembre 1964 commencent a Rochefort les premiers cours Crusader auxquels prennent part le LV Benoist et un groupe de techniciens. L'instruction est menee efficacement grace a I'ensemble des documents techniques US qui ont ete integralement traduits en franyais par le personnel de la Marine, parti en stage aux Etats-Unis des 1963. Le 10 decembre, les F-8E(FN) decouvrent
le plaisir d 'un premier deroutement a Tours. Si la prestation des avions est parfaite, celle de la logistique I'est beaucoup moins puisqu'il lui faudra pas moins de 36 heures pour acheminer un palouste (groupe de demarrage) en Touraine ... Le 15 decembre, trois " Crouze " parte nt pour la BAN d'Hyeres. Finalement, le commandant se pose a Istres , en panne d'huile, alors que ses deux equipiers rebroussent chemin au vu des conditions meteorologiques. Le commandant parvient, apres d 'apres discussions, a se faire preter un Etendard IV par la CEPA pour regagner sa base le lendemain en fin de matinee. La nuit se passe, puis la trace de l'Etendard se perd dans les cieux. L'inquietude pointe. En AIR FAN 17
Ci-contre : le F-8E(FN) n° 8 en approche. Trouvaille unique de Chance Vought, le c'oncept de I'aile mobile s'est revele efficace et, finalement, extremement peu sujet aux pannes. Ci-dessous : derniers instants avant la mission et le catapultage. Les pilotes, concentres, revisent generalement leur procedure d'ejection en cas de tir manque ou de panne moteur.
Bechar entre le 18 mai et le 23 juin. Conduite dans des conditions c limatiques tres dures, la campagne se heurte de grosses difficultes, et faillit meme etre abandonnee. En effet, la suite de problemes lies aux installations d'essais et I'alimentation electrique, les autodirecteurs electromagnetiques ont tendance decrocher des le moment du tir. Tout finit par rentrer dans I'ordre et, le 3 juin, le tir simultane en passe arriere de deux Matra 530 sur le CT-20 fait mouche. Apres le retour Istres le 23 juin, la camfait terminee pagne, qui n'est pas tout pour la version infrarouge du missile (il reste un tir effectuer), se poursuit Cazaux. Apres plusieurs tentatives infructueuses, le tir d'un engin telemesure reussit. Les Lannavions sont ensuite convoyes Bihoue, le 25 septembre, et rendus aux flottilles. En cinq mois , le detachement a enregistre 230 heu res de vol, dont 180 en essais, et largue neuf missiles. Par la decision n° 20/EMM/Aero du 25 janvier 1965, la 14F est reconstituee le 1er mars suivant sur la base aeronavale de LannBihoue. La ceremonie de prise de commandement n'aura cependant lieu que le 22 mars, le lieutenant de vaisseau Goupil etant retenu Saint-Nazaire par la remi se en condition des appareils en provenance des Etats-Unis. Du 1er au 22 , la flottille est donc aux ordres du LV Imbert, officier en second. Elle est desormais armee de douze intercepteurs tout temps F-8E(FN). Entre le 28 avril et le 6 mai 1965, I'avion est teste en operations embarquees sur le Clemenceau par une equipe franco-americaine de cinq pilotes, composee des deux instructeurs americains, du lieutenant de vaisseau Doniol, directeur de l'Ecole d'aviation embarquee et officier d'appontage, et, bien entendu , des commandants des deux flottilles, le CC Lefebvre et le LV Goupil. IIs se rendent a bord avec quatre appareils,
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fin de compte, des nouvelles arrivent par la voie civile : tombe en panne de moyens de na,vigation au-dessus des nuages, il s'est retrouve la verticale du terrain d'Eindhoven ou il s'est alors pose. Les premiers bangs supersoniques commencent se faire entendre et exasperer la population locale, peu encline accepter leurs effets: vitrine qui se brise Lorient ou tombe qui s'ecroule sur un fossoyeur ! Un detachement de la CEPA, le DEM 530, est cree le 13 janvier 1965 sous la direction du lieutenant de vaisseau Herve Le Pichon (indicatif " Marin Unite ,,), assiste des LV Jean-Claude Benoist (" Marin 2 ,,) et Jean Ruellan (" Marin 3 ,,). Charge de mener bien le programme d'essais d'adaptation du Matra 530 au Crusader, il comprend egalement un ingenieur, le LV Levourch, ainsi qu'une vingtaine d'officiers ,mariniers dont certains avaient suivi le stage F-8 Cecil Field . A ce noyau permanent viennent s'ajouter une quarantaine de civils du CEV
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et des differentes societes qui fabriquent le missile (Matra, SAT, etc.). Le but est de qualifier les missiles autodirecteurs electromagnetique et infrarouge, dont les ouvertures de domaine (sans tir) ont ete realisees aux Etats-Unis par le constructeur, au cours d'une campagne de tir Colomb-Bechar, en Aigerie. La qualification I'appontage et au catapultage devant se derouler bord du Clemenceau en avril 1965 avec des appareils de la 12F. Les " Crouze " nOS 14 et 15 sont convoyes de Lann-Bihoue Istres le 26 janvier 1965. Et le premier vol d'emport de maquettes Matra 530 autodirecteur EM a lieu le 9 mars. Jusqu'au mois de mai , de nombreux vols portes sont effectues sous la direction du CEV, les cibles d'entra'inement etant soit I'un des Crusader de la patrouille soit un Meteor du CEV. Du 28 avril au 6 mai , le DEM 530 participe aux premiers appontages du Crusader sur le Clemenceau. Les tirs ont lieu Colomb-
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Ci-contre : Crusader de la 12F en formation au-dessus de la cote djiboutienne en 1988. Lappareilleader porte encore I'ancien camouflage gris pale integral.
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En bas : sortie de catapulte bord du Clemenceau. Le pilote enclenche la rechauffe des qu'il a repris la main. Le reacteur J57 surmotorise le « Crouze », notamment la postcombustion qui fournit un apport de 3 t de poussee supplementaires disponibles sans gradualite, des I'allumage caracterise par un bang bien connu des marins.
dont le n° 2 specialement instrumente pour les essais sur PA Deux representants de LTV so nt aussi presents , Richard Hueholt, directeur de la planification et des programmes a Paris , et Lou Markey, conseiller technique des deux flottilles. Apres seulement 27 h 20 mn de vol, le LV Doniol realise son premier appontage sur Crusader, un re cord dont il peut etre fier. Les pilotes executent 90 appontages consecutifs sans wave-off, avec un seul bolter effectue le premier jour par Goupil. Les accrochages s'averent plus" doux " qu'avec les versions americaines. Ces mouvements demontrent la bonne tenue des installations de Matra et I'excellent fonctionnement de la BLC. A I'issue de I'embarquement, le viceamiral d'escadre Vilbert, amiral commandant l'Aviation embarquee et le groupe des porte-avions, denomme ALPA, remet aux
deux Americains leurs ailes de pilotes de l'Aeronautique navale et leurs certificats d'appontage. Les Crusader franc;:ais ayant deja opere sur un PA de I'US Navy, la politesse est rendue en accueillant sur le Clemenceau leurs homologues de I'USS Saratoga. La compatibilite des equipements et des installations est ainsi testee pour anticiper sur d'eventuelies operations conjointes. CAG (commandant du groupe aerien) du Saratoga, le Commander Frederick Turner execute une vingtaine de mouvements aux commandes de son F-8, avec differentes configurations. Au cours de leur longue carriere, les " Crouze " franc;:ais se rendront plusieurs fois a bord des porte-avions de I'oncle Sam; mais les Americains ne se risqueront pas a la reciproque , considerant nos platesformes comme trop petites et la masse de
carburant maximale a I'appontage trop faible. Selon un aphorisme bien connu , la resistance des freins des brins d'arret est proportionnelle a la masse de I'avion et au carre de sa vitesse d'approche ; or, comme la version US est plus rapide que la version franc;:aise ... La formation continue et les deux pilotes US distillent leur savoir aux Frenchies, jusqu'au jour oU ... Brown part en vol de manoeuvre avec le jeune premier maHre Bouvet - qui avait " fait " l'lndochine. Apres avoir subi trois defaites d'affilee, l'Americain rassemble sa patrouille, rentre au terrain et, probablement pour la seule fois durant sa presence en France, ne transforme pas les combats effectues en figures de geometrie sur le tableau noir. Le 30 juin 1965, une importante formation s'envole pour Cuers, dont les cieux s'ouvrent pour un defile commemorant le retrait des Aquilon. Des le 25 octobre , quatre pilotes de la 12F (Lefebvre, Regnault , Glaize, Benisset) realisent les premieres qualifications franc;:aises a I'appontage de nuit. Au cours de ces sorties , ils tirent les premiers Sidewinder de la flottille . Quant a la 14F, elle procede aux siennes du 29 janvier au 17 fevrier 1966, peu avant de recevoir·la visite de M. Messmer, ministre de la Defense , le 4 avril. Un detachement base a Hyeres participe a I'exercice " Alligator 11 " entre le 17 et le 25 mai suivants ; il en profite pour effectuer les premiers essais de ravitaillement en vol sur
Etendard. La 14F franchit le cap des 5 000 heures en juin 1966, et celui des 10 000 en aoOt 1967. Du 11 au 15 mars 1968, la flottille passe une semaine a Landivisiau, un deplacement qui a pour but de resoudre les eventuels problemes lies a sa future installation sur cette plate-forme . Le meme mois, quelques AIR FAN 19
avions se livrent a des essais de prise de brin en excentration a la Defence Research Agency Bedford, en Angleterre. Le 30 juillet 1968, les " Crouze » de la 12F quittent leurs quartiers de Kerlaen pour venir s'etablir a Landivisiau , ou se trouvent deja les Etendard IVM des 11 F et 15F. Ils sont rejoints le 8 aoOt par les appareils de la flottille SCBur. La vie est alors ponctuee d'embarquements a bord du Clemenceau et du Foch, de campagnes de tir canon et missile, et de grandioses envolees mettant aux prises les " Negus » avec les " Lascars » ou les
Etendard. Au cours d'une visite d'information a Landi de la commission de Defense, le lieutenant de vaisseau Benoist se lance dans une comparaison entre le Crusader et le Mirage 111. Au moment de partir, un des commissaires, Alexandre Sanguinetti, s'ap-
proche du commandant de la flottille et lui dit : " Mon eher, regardez-Ie votre bel
oiseau americain, c'est le dernier que nous acMterons, vous m'entendez, c'est le dernier! » Le 4 mars 1969, a bord du n° 39, le maHre Desombre revient de mission avec 1 m2 de voilure en moins. Sans la legere variation requise de trim de gauchissement, il ne se serait aper<;u de rien ... En juillet suivant, les " Negus» entreprennent une campagne Sidewinder. Les dix tirs so nt tout d'abord effectues sur cible Delmar, puis , apres des problemes de flares, sur des bombes Ruggieri larguees par des
Etendard. Le 27 du meme mois, le premier maHre Peltre devient le premier thousander fran<;ais, autrement dit le premier pilote a franchir la barre des 1 000 heures de vol sur Crusader. Une plaque commemorative lui
sera remise officiellement par des representants de LTV le 10 octobre. Sept jours plus tard, le maHre " Red » Bourguignon le rejoint dans ce club tres ferme. En mai 1971, deux appareils participent aux essais top secret du systeme de brouillage ARBB 32 avec I'escorteur d'escadre ASM Ouperre (0 633), quelques jours avant que n'ait lieu, dans la nuit du 1"' au 2 juin, le premier tir nocturne de Sidewinder. Le 29 juillet, le lieutenant de vaisseau Argouse decolle de Bretagne a bord du n° 29 et boucle un tour de France a basse altitude, soit 1 600 milles nautiques (2 960 km) en 4 h 50 mn. 11 est ravitaille par trois Etendard IVM. Du 22 novembre au 17 decembre 1971, la 14F embarque sur le Clemenceau pour une croisiere " noire » qui va conduire la force navale devant les cates occidentales de l'Afrique. Le 23, le commandant de la flottille et le maltre Sedzinski sont catapultes au large du Portugal pour un vol de 1 600 NM sans escale jusqu'a Dakar. Les avions sont ravitailles en vol a une centaine de nautiques du PA. Entre le 10 mai et le 23 juin 1972, le Clem accueille la 14F en croisiere " blanche » jusqu'a 73° de latitude nord. Les " Crouze » interceptent de nombreux appareils sovietiques : Tu-16 Badger, Tu-95 Bear, Mi-4 Bison, Tu-22 Blinder. Le 11 juin, le groupe aerien demenage et s'installe sur le Foch qui navigue a proximite, a deux nautiques ; le personnel suit en H-34. En juin 1972, les " Lascars » se deplacent a Cazaux dans le cadre d'une campagne de tir. Le 5, I'enseigne de vaisseau Bassinet eclate a I'arrivee et oblige onze appareils a se derouter. Plus tard, le bougre eteint en finale, explose a nouveau ses pneus et deroute cette fois quinze avions dont un
Mirage IV. ..
Ci-dessus: ä bord du Foch en juin 1990. Verification du bon fonctionnement du circuit de remplissage du Crusader n° 35, lors d'une operation de ravitaillement au sol en carburant par I'intermediaire d'une manche et de la perche. Ci-contre : symphonie gestuelle. Guide au centimetre par un chien jaune, le pilote doit obeir sans retlechir ni hesiter pour venir se positionner sur le rail de la cata pulte. Ici, le F-8E n° 35 de la 12F en 1988.
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Ci-contre : crosse raclant le pont et moteur pleins gaz, ce ({ Crouze » va prendre le troisieme brin 100 nrnuds de vitesse relative. Pour tous les pilotes de l'Aero, I'appontage, c'est I'heure de verite.
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Au milieu: mission d'entrainement I'interception. Le pilote de ce Crusaderenregistre un Fox 2 killsur un Tomeatde I'US Navy.
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En bas : premier tir du missile air-air Matra R 550 Magie 2 par un Crusaderdetache au CEV. Pesant 90 kg, cet eng in autoguide est uniquement monte en emport simple de chaque cote du fuselage.
Le 9 fevrier 1973, le premier maHre Philippot se deroute avec une machine dont I'aileron et le spoiler droits sont bloques en butee haute! 11 reussit a se poser a LannBihoue, au prix d'un atterrissage sportif 170 nmuds en finale et 135 nmuds dans le brin ... de fin de bande. Eh oui , le Crusader n'a qu 'un systeme de frei nage sommaire !
La force navale realise une crolslere outre-Atlantique du 2 mai au 18 juin 1973, qui me ne le Fach et la 14F a Fort-de-France et a New York. Le groupe aerien est partiellement mis a terre a Cecil Field , pres de Jacksonville, en Floride, du 24 au 29 mai. Le 8 octobre 1974, a la sortie du goulet de Brest, la 14F rejoint le Clemenceau qui fait route vers Ojibouti au profit de la mission " Saphir ". Elle part avec huit appareils, mais seulement quinze sabots de pont dont le potentiel moyen est de dix catapultages chacun . Le trajet est ponctue d'incidents divers tels des problemes de catapultes, des pannes electriques, I'optique d'appontage qui prend feu, etc. Oe nombreuses escales agrementent cette sortie : La Reunion, Bombay, Karachi , Ojedda, IIle Maurice et Le Cap, sans oublier Ojibouti ou les avions sont deployes pour des vols de presence au-dessus du territoire et ou ils se livrent aussi ades confrontations amicales avec les F-100 de I'EC 4/11. Le porte-avions rentre a Brest le 25 mars 1975 a I'issue d'une mission de 168 jours.
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Pour la 12F, I'annee 1975 n'est pas seuleme nt marquee par le changement de port d'attache des PA, de Brest a Toulon. Elle est aussi celle de la premiere rencontre avec un F-14 Tamcat par le maHre Beauvais, et du passage du cap des 2 000 heures de vol par le lieutenant de vaisseau Gaucherand, commandant de la flottille, qui devient ainsi le premier twa-thausanderfranc;ais. Une premiere a lieu le 25 octobre 1976, lorsque deux F-8E(FN) de la 14F appontent sur le porte-avions americain USS Jahn F Kennedy (CV-67). Le 4 avril 1977, dix " Lascars " decollent de Landivisiau a destination du Clem en vue de la deuxieme mission " Saphir " dans le golfe d'Aden. Aucun vol n'est lance pendant le transit, le batiment ne disposant que de 700 coups de catapulte pour cinquante pilotes. Cette periode de trois mois est partagee entre les sorties d'entrainement a la mer et les desserrements sur le terrain d'Ambouli , a Ojibouti. Le 7 mai , deux " Crouze " partent en CAP separee contre d'hypoth8tiques F-100 du 4/11. Le leader croise alors deux chasseurs. Un cheese s'engage. Le second appareil est appele a la rescousse sans autre mesure ni information sur I'identite des assaillants . 11 aperc;oit alors les deux chasseurs en formation d'attaque en leger pique qui defilent rapidement de midi a trois heu res (code horaire). Tres vite, il constate que les F-100 attendus sont en realite des MiG-21 Fishbed yemenites, chacun arme de quatre missiles. Les deux " Lascars " passent alors I'armement sur " ON ". Finalement, chacun repartira de son cote sans avoir ouvert le feu. Le 3 juin 1977, c'est au tour du Fach d'embarquer la 14F dans I'ocean Indien pour la mission" Saphir 11 ", dont I'objet est de v~l~r a ce que I~ccess~n a I'indepenAIR FAN 21
dance du territoire fran r;::ais des Afars et des Issas (actuelle republique de Djibouti) se deroule dans les meilleures conditions. Le batiment est de retour a Toulon le 10 decembre. C'est au cours de cette croisiere que le Crusader n° 29 pulverise le record du monde de vol en radada. En navigation basse altitude au-dessus du territoire djiboutien , le pilote, trompe par la faible hauteur de la vegetation , heurte la route qu'il suivait ; les quilles so nt dechirees , le ventre rape, mais I'appareil vole toujours ! Reprenant de I'altitude, il se dirige alors sur Ambouli ou il se pose, et devient le pilote le plus « bas " du monde ... et est encore la pour le raconter. Au debut de 1978, les « Crouze " sont interdits de vol pendant un mois a la suite de deux crashes dus a des problemes de regulation moteur.
LES COMMANDANTS LV Lefebvre Oominique LV Le Pichon Herve LV Regnault Michel LV Argouse Pierre LV Birot Bernard t CC Sermier Louis t LV Gaucherand Claude LV Witrand Alain LV Fourreaux Henri t LV Oe Balmann Michel CC Oeniel Georges CC Arnault de Guenyveau Josselin CC Hebert Serge CC Bresson Jacques CF Faugeron Bruno CC Gerbier Jean-Marc CC Levieux Alain CC Alech Roland CF Guillot Antoine Flottille dissoute le 31 deeembre 1999
LES COMMANOANTS LV Goupil Yves LV Imbert Georges LV Benoist Jean-Claude LV Oebray Michel LV Robillard Jean-Pierre LV Blanvillain Jean-Claude LV Bourgeois Fran~ois LV Martin Christian Flottille dissoute le 18 avril1979 * Rearmement des flottilles
FLOTII LLE 12F 15 octobre 1964* 31 mai 1966 1" juillet 1968 1" avril1970 8 septembre 1971 28 mars 1973 12 septembre 1974 28 juin 1976 11 septembre 1977 17 aoOt1979 31 aoOt 1981 27 juin 1983 26 juin 1985 8 juin 1988 5 octobre 1990 18 fevrier 1992 14 decembre 1993 4 juin 1996 1998
FLOTIlLLE 14F 1" mars 1965* 15 septembre 1966 30 avril1968 10 mars 1970 13 septembre 1971 11 juillet 1973 29 avril1975 25 mars 1977
Le 19 juin, le lieutenant de vaisseau Cazenave fait mouche sur un CT-20 avec le premier missile Matra 550 Magie de la 14F Le 4 decembre, la 12F enregistre le meme succes. Le dernier vol de Crusader de la 14F a lieu le 17 avril 1979, realise par quatre des commandants de la flottille : Goupil , Robillard , Blanvillain et Martin. Au mois de mai suivant, I'unite perr;::oit ses premiers Super Etendard et retrouve sa vocation premiere de strike en assurant, de jour comme de nuit, les missions d'assaut contre des objectifs terrestres et maritimes, de sOrete autour des forces navales et d'interception a basse et moyenne altitude . En quatorzEi annees de service a la 14F, les soixante-dixsept pilotes de « Crouze " ont effectue 45536 heures de vol , dont 5 996 de nuit, et 6806 appontages dont 714 nocturnes.
La , 2F seule sur F-BE(FN} En novembre 1979, a I'occasion, de I'exercice « lies d'Or ", trois Crusader
appontent sur I'USS Independenee (CV-62) a partir duquel ils executent de nombreuses missions. Les Franr;::ais so nt heberges par la VF-33 « Tarsiers ", equipee de Phantom 11. Ce type de detachement aura lieu plus d'une dizaine de fois au cours de la carriere du F-8E(FN) , mais uniquement dans ce sens, les Americains trouvant completement erazy I'appontage sur des porte-avions aussi petits que les nötres ... En fevrier 1980, a la suite de I'explosion prematuree de trois Matra 530 ... a 300 m devant le nez des tireurs, ce type de missile est interdit d'emploi momentanement. Le 14 mai, la 12F perd le Crusader n° 41 lors de I'exercice interallie « Dawn Patrol " auquel participe I'USS Saratoga. Le pilote, qui s'est ejecte apres avoir ressenti une baisse de poussee au catapultage , est aussitöt repeche tandis que son avion ... reprend de I'altitude I Ce dernier commence par passer au ras d'un croiseur sovietique de type Kashin, qui piste la force franr;::aise, avant de poursuivre sa montee, suivi dans toutes ses evolutions - qui culmineront a
En haut: photographie en juillet 1985, le n° 37 avait ete decore de dents de requin. Ci-contre : photographie lors de la journee du 3 novembre 1999, ce tableau est eloquent. Premiere ligne : le nUmero des appareils (en jaune, les avions en panne; en vert, ceux OK). La silhouette de F-8 au-dessus du n° 10 indique qu'il est en vol. Oeuxieme ligne : silhouettes identifiant les Crusaderindisponibles. Troisieme ligne: position des avions. Les n" 7, 11 et 34 dans le hangar n° 4 (H4) et le n° 10 hors base (EXT). Quatrieme ligne : armement externe Magie 2 (MII) en points gauche et/ou droit. En bas : les causes des pannes. Les n" 7 et 11 avaient ete mis en route le matin en vue de se rendre ä Hyeres, mais n'ont pu quitter la base en raison des anomalies constatees (escarbille en PC pour I'un et fuite kero intrados gauche pour I'autre). 22AIR FAN
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Ci-contre: rencontre avec un F-16 de la KLu au mois de mars 1990.
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En bas : campagne de tir Solenzara en 1996. A peine le moteur coupe, afin d' assurer une remise en (Euvre rapide de I'appareil, les armuriers sont au travail sur les canons Browning de 20 mm du Crusader n° 4 de la 12F.
8 000 ft - par le leader de la patrouille . Les Franyais declinent I'offre des Americains qui se proposent de I'abattre : " 11 ne va pas rester langtemps en /'air " ... Celui-ci redescend en effet et passe alors travers arriere du Fach. Apres un passage au ras des flots, il remonte brievement avant de disparaitre definitivement dans la Mediterranee, au terme d'un vol de 45 minutes sans pilote! Le 27 mai 1980, la flottille participe au defile " d'enterrement " des Etendard IVM de la 17F. Quatre mois plus tard , elle arrose ses 50 000 heu res de vol sur F-8E(FN). En mai 1981 , I'officier en second de la 12F realise une premiere en atterrissant voilure basse a la suite d'un probleme technique. C'est un petit exploit car, a 160 nceuds (300 km/h) en entree de piste, il prend le brin de fin de bande (2 000 m plus loin) a plus de 100 nceuds (185 km/h) ! Le 7 septembre 1982, six « Crouze " appontent sur le Fach en route vers les eaux libanaises pour la mission « Olifant IV ", premiere d'une longue serie qui s'achevera le
31 mars 1984 avec le retrait des troupes franyaises. Les sorties sont marquees par de nombreuses heu res en alerte et des interceptions d'avions divers. Le 23 octobre 1983, « Drakkar " saute. Le soir, deux F-8E(FN) partent intercepter et escorter le Mystere 20 du ministre de la Defense et du chef d'etat-major des armees, en radada au-dessus de Beyrouth, de nuit et a 200 nceuds (370 km/h), sur fond de trayantes provenant des collines. Le 17 novembre, la flottille assure la protection de I'assaut de represailles contre la caserne du cheik Abdallah au sud de Baalbek. Le 17 septembre 1984, le groupe aeronaval appareille d'urgence pour le sud de la Mediterranee. Le 15 octobre suivant, alors qu'il effectue a partir du Fach un vol d'entrainement a I'interception d'un assaut, un Crusader non arme est envoye en reconnaissance de deux echos non identifies ayant decolle du terrain libyen de Tobrouk, qui s'averent etre des Mirage V. Apres un bref engagement a un contre deux, a court
de petrole et sans armement, le pilote rompt sans etre trop inquiete, tandis que les Libyens degagent cap au sud en mettant leur IFF sur emergency. Le 26 novembre, pour celebrer le 20' anniversaire de cet avion puissant et race, la flottille lache le 200" pilote sur F-8E(FN) , le lieutenant de vaisseau Alain Levieux. En 1987, la 12F joue le röle de l'Aggressor squadron. Elle accueille ainsi, au mois de mars, les Mirage 2000 dijonnais, puis se rend a Hyeres pour combattre les F-14 des " Black Aces " avant d'affronter - en fin d'annee - les F-18 de I'USS Caral Sea. Enfin, elle reyoit dans ses murs quatre F-16 neerlandais du 311 " escadron de la base de Välkel. Le 30 juillet 1987, en compagnie des fregates lance-missiles Suffren et Ouquesne et du petrolier ravitailleur Meuse, le Clem leve I'ancre adestination de la mer d'Arabie en vue d'une « mission de protection de nos interets ". Cette mise en place dure 43 jours sans escale avant de toucher terre a Djibouti. La croisiere, qui s'achevera en septembre 1988, donne aux pilotes de la 12F I'occasion de rencontrer quelques aeronefs exotiques (11-38 sovietique , C-130 iranien, Bear FIII indien, Jaguaromanais) et de croiser le fer avec les Mirage IIiC d'Ambou li . Le 24 octobre 1988, le lieutenant de vaisseau Degletagne franchit la barre des 700 appontages. Six mois plus tard, il s'octroie le titre de « Grand Duc " en passant le cap des 200 appontages de nuit. En fevrier 1989, la catastrophe est evitee de justesse. Un « Crouze ", en interception de nuit a partir du Clemenceau, heurte un Atlantic. Le chasseur se pose avec une tuyere dechiquetee (trous de 60 cm) et le patrouilleur avec une lampe « FEU " allumee et le bati du moteur gauche tordu de 10° a piquer, plus les pales tordues. En aoOt 1989, a la vei lle du debut des essais de compatibilite du F-18 Harnet qui n'auront jamais lieu , le Fach et son groupe aerien mettent le cap de toute urgence vers le Liban pour une mission « humanitaire " . La force rentre apres quelques ronds dans AIR FAN 23
I'eau - a plus de 200 nautiques des cates - et la signature du protocole d'accord de cessez-Ie-feu. « Par les temps qui courent, la Marine ne tient pas EI faire de remous autour de ses vieux "Crouze" » (Le Telegramme de Brest du 22 novembre 1989). C'est ainsi que la 12F adopte un profil bas pour souffler les 25 bougies de son fidele destrier. Acette occasion, le vice-amiral d'escadre Lefebvre reprend le manche du F-8E(FN) n° 5, le premier avoir vole sous les cieux franyais , aux mains du meme pilote. En decembre, le gouvernement opte finalement en faveur du Rafale de Dassault. D'avril juillet 1990, le Foch emmene son groupe aerien dans une grande viree, des Antilies au Maroc en
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Ci-dessous : cockpit du F-8E(FN) avec, au centre, I'ecran du radar Magnavox APQ-104, element essentiel du systeme d'armes de cet intercepteur americain. En bas : Cuers, en avril 1989. Les restes des n" 24 et 30, respectivement detruits le 24 novembre 1970 (sortie de piste) et le 9 mai 1985 sur le pont du Fach (heurte par I'epave du n° 14).
Les Chance Vought F-8
fran~ais
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147036 proto F-8E(FN) aux USA n° 0 ex-143719. Cellule d'instruction sol au CEAN de Rochefort. Cede aux Ailes anciennes de Vannes en 1995. n° 1 detruit le 12 juin 198710rs d'un appontage de nuit. Pilote sain et sauf. n° 2 detruit le 4 fevrier 1989, au large de la Corse, lors d'une interception sur des avions americains. Pilote tue. n° 3 modernise en decembre 1993. n° 4 modernise en janvier 1994. Reforme en juin 1997. n° 5 modernise en juin 1993. Declare irreparable apres une sortie de piste Landivisiau le 10 juin 1997. n° 6 detruit le 27 mars 1992 en Grece, pres de Kalamata (peloponnese). En deroutement du porte-avions, percute la montagne par mauvaise meteo. Pilote tue. modernise en juin 1994. n° 7 n° 8 modernise en septembre 1996. n° 9 detruit le 28 janvier 1977, en finale Landivisiau, la suite d'une panne de regulation d'approche. Pilote ejecte. n° 10 modernise en octobre 1993. n° 11 modernise en juin 1994. n° 12 detruit le 9 janvier 1986. Pilote sain et sauf. n° 13 detruit le 1" fevrier 1977, au large de Landivisiau, au cours d'un vol de nuit. Demi-plans non verrouilles. Pilote ejecte. n° 14 detruit le 9 mai 198510rs d'un appontage de nuit sur le Foch. Impact I'arrondi, le fuselage avant vient heurter le F-8E n° 30. Pilote ejecte. n° 15 detruit le 14 avril1967 au large de Belle-lie. Ejection en vrille moyenne altitude. Pilote de la 14F sain et sauf. n° 16 arrete de volle 18 avri11986. Instruction sol Rochefort. n° 17 declare irreparable le 8 fevrier 1989 apres une collision en vol avec l'Atlantic n° 5. Abordage au cours d'une interception de nuit, I'helice du Breguet ayant litteralement hache tout le dessous de I'avion. Pilote sain et sauf. n° 18 detruit le 6 octobre 1970. Probleme reacteur au catapultage du Clemenceau. Pilote de la 14F ejecte. n° 19 modernise en decembre 1994. Reforme en decembre 1997. n° 20 detruit le 13 juin 1983 au catapultage du Foch. Perte de poussee catapulte, I'avion tombe 11 I'eau et coule avec le pilote qui passe sous le PA pour finalement refaire surface, indemne. n° 21 detruit le 24 juillet 1968 Yffiniac. Percute le sol en interception basse altitude en compagnie de trois autres Crusader. Pilote tue. n° 22 detruit le 8 decembre 1977 en approche sur Landivisiau (panne regulation d'approche). Pilote ejecte. n° 23 modernise en janvier 1996. n° 24 detruit le 24 novembre 1970. Sortie de taxyway au roulage lors d'un decollage sur alerte. Pilote de la 14F sain et sauf. n° 25 detruit le 26 octobre 1981 au large de Toulon. S'abime en mer lors d'un rassemblement sur le leader aprils catapultage depuis le Clemenceau. Pilote tue. n° 26 detruit le 2 novembre 1971 au decollage de Cuers. Pilote tue apres ejection. n° 27 modernise en fevrier 1994. Detruit le 30 mars 1995 pres de Rochefort. « Ava le )) le dard postcombustion du leader et explose en vol. Pilote ejecte. n° 28 detruit le 29 septembre 1965. Vrille irrecuperable proximite de Lorient. Pilote de la 14F ejecte. n° 29 modernise en avri11994. n° 30 detruit le 9 mai 1985 sur le pont du Foch. Heurte par I'epave du n° 14. Pilote sain et sauf. n° 31 modernise en janvier 1993. Detruit le 20 juillet 1995 peu apres le decollage de Landivisiau (extinction moteur). Pilote ejecte. modernise en octobre 1996. n° 32 n° 33 detruit le 4 mai 1990 en mer. Pilote ejecte. n° 34 modernise en aoOt 1993. n° 35 modernise en proto F-8P en 1993. n° 36 detruit le 22 octobre 1970 lors d'un appontage de nuit sur le Clemenceau. Le nez traverse le pont pendant que la queue reste soudee sur I'arrondi. Pilote ejecte. n° 37 modernise en janvier 1994. Detruit le 20 aoOt 1997 I'AIA de Cuers. Feu au sollors d'un point fixe. n° 38 detruit le 3 janvier 1978 Landivisiau. Panne regulation d'approche I'atterrissage. Pilote ejecte. n° 39 modernise en levrier 1997. n° 40 detruit le 18 juin 1983 Saint-Vougay (22). Feu reacteur au cours d'une navigation. Pilote ejecte et blesse au dos. n° 41 detruit le 14 mai 1980 en mer. Baisse de poussee au catapultage depuis le Foch. Le pilote s'ejecte tandis que I'avion poursuit son vol seul pendant 45 minutes en pleins gaz sec. n° 42 detruit le 14 janvier 1988 au large d'Quessant. Mise en vrille lors d'une interception sur un Etendard. Le pilote s'ejecte, mais se blesse mortellement en heurtant la derive.
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© Philippe Roman
Ci-contre : la superbe decoration appliquee ä I'un des cinq derniers {( Crouze » pour marquer le retrait detinitif des F-8P de l'Aeronautique navale et la mise en sommeil de la flottille 12F. En bas : une image qui fait desormais partie du passe. Une derniere patrouille de Crusader salue le littoral breton.
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passant par la Guyane, le Senegal et Brest, lui permettant de se frotter aux porte-avions americains USS John F Kennedy et USS Owight D. Eisenhower (CVN-69). En mars 1991 , une importante campagne de tir au centre d'essais des Landes clot la carriere operationnelle du R530 par manque de fiabilite. Les annees qui suivent voient la mise en service du F-8P (P pour prolonge). En 1993, des vols d'experimentation sont effectues concernant I'emport du GPS Trimble, de l'APQ-104 RG2 (RG pour revision generale) et de I'IFF Mode 4. En mars 1994, la flottille se deploie Nimes-Garons en vue de sa participation a « Datex ". L'entrainement aterre est a dominance tactique (DACT Mirage 2000, CEC Mont-de-Marsan). Dans le cadre du NATO
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Squadron Exchange, la 12F se deplace au mois d'aoOt Conningsby, en GrandeBretagne, puis reyoit les Tornado F.3 du No 29 Squadron en septembre. L'intercepteur anglais confirme sa superiorite en tant que systeme d'armes face au chasseur de Vought. La flottille deplore la perte de deux appareils en 1995 (pilotes sains et saufs) , ce qui fait chuter la disponibilite moyenne des avions et perturbe sensiblement I'entrainement. Le 25 octobre, un « Crouze " subit un feu moteur au niveau de la tuyere, apres utilisation de la postcombustion au decollage, et voit sa section arriere endommagee. Au mois de juin 1996, six Crusader et huit Grazzanise, pres de pilotes se rendent Naples, pour le traditionnel echange d'escadron (10" Gruppo du 9" Stormo). A la fin
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aoOt, c'est au tour de la 12F de rendre I'invitation. Au terme de cette meme annee, un petit bouleversement intervient : le transfert de l'Ecole de chasse embarquee (ex-59S) d'Hyeres Landivisiau. La section F-8P de I'ECE doit utiliser les appareils de la flottille pour effectuer les premiers vols des impetrants, ce qui n'est pas sans poser quelques problemes. Si les trois annees qui suivent so nt constantes au niveau des activites, elles voient une diminution du nombre des machines (echeance de viel ainsi que des pilotes, dont certains partent en affectation dans I'armee de l'Air sur des appareils performants (Mirage 2000) afin de les preparer et de les former sur des systemes d'armes modernes. Le 15 decembre 1999, le capitaine de fregate Antoine Guillot, dernier « Lascar " , remet officiellement le fan ion de la 12F au contre-amiral commandant l'Aviation navale. Quinze jours auparavant, une importante reunion organisee par la flottille avait rassemble, sous les cieux landivisiens, plus de huit cents personnes, dont pres de deux cents Americains, pour celebrer le dernier vol de cet avion mythique et 0 combien apprecie et ai me par ceux qui eurent le privi lege de le piloter. 0
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Jean-Marie GAU
AIR FAN 25
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par Chr;sf;an So;sselon
'avion precedent vien t d'etre lance et le deflecteur de jet de la catapulte avant du Fach s'abaisse pour permettre au « Crouze " . n° 11 de s'avanc'er. Aux commandes, le CF Guillot, pacha de la 12F, s'aligne sur le rail de la catapulte et positionne sa raue avant devant le sabot. Aussitöt, les Ponev se precipitent pour fixer
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le hold back sous la queue de I'appareil et accracher la grasse elingue d'acier au sabot de lancement. Sur ordre du chien jaune, le pilote avance de quelques dizaines de centimetres pour tensionner I'ensemble et, apres dernieres verifications par les Ponev, tout le monde se precipite dans les coursives ou derriere la ligne de securite delimitant le parking avant. Le deflecteur
ayant ete releve, le LV Jean-Pierre Ries, officier PEH agissant en tant qu'officier de catapultage, leve alors son sabre de marine (et non I'habituel petit drapeau vert) pour ordonner pleins gaz au pilote. Ce dernier salue pour confirmer qu'il est pare, pret encaisser les 4 5 G d'acceleration. Dans un bruit d'enfer, le sabre est abaisse et les 75 bars appliques au piston de la catapulte propulsent brutalement le Crusader dans I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ g les ~rs. ~elingue tombe devant I ~trave du
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~ porte-avions , tandis qu'un nuage de vapeur ~ chaude, aux odeurs d'huile et de kerasene, @
vient balayer le pont, vi te chasse par le vent relatif qui souffle sans discontinuer. ~appareil s'eloigne rapidement dans la brume du soir, postcombustion enclenchee. C'etait le 28 octobre 1999, aux alentours de 17 h 00 locales, par le travers ouest de la Corse. Le Fach venait de catapulter un Crusader pour la derniere fois, moment symbolique marquant la fin du fameux « croise " de Chance Vought au sein du Graupe aerien embarque (GAE). C'etait le plus lourd des appareils embarques mis en oeuvre par l'Aeronautiq ue navale.
Porticipotion symbolique Q « Peon 99 »
Le Graupe aerien embarque perd ses Crusader
C'est lors de I'exercice « Pean 99 ", qui s'est tenu du 4 au 29 octobre 1999 en Mediterranee occidentale, que les Crusader de la 12F ont oeuvre pour la derniere fois au sein du Groupe aerien embarque frangais. Tirant les legons de I'operation « Trident ",
Au-dessus : courte finale pour impact dans 2 s. La tenue d'incidence s'effectue aux gaz tout en restant dans le plan de descente donne par le miroir d'appontage. On peut voir la lampe verte du BIP, rapportee sur la trappe de train avant, confirmant la bonne incidence ä I'officier d'appontage. Ci-contre : jeux de lumiere sur le pont arriere alors que le Fach vire pour trouver le vent. A droite : dernier catapultage dans les grandes traditions de l'Aeronautique navale. C'est avec son sabre de marine que le LV Jean-Pierre Ries a ordonne I'ultime lancement au monde de Crusader. 34 AIR FAN
Ci -contre: petite particularite du « Crauze » ä I'appontage, la tendance ä la cabriole ... lei, I'appareil est pleins gaz et le brin d'arret est bien accroche. En dessous: 150 nceuds en sortie de pont. On peut distinguer I'elingue qui poursuit sa course avant de tomber dans la mer. La postcombustion n'est enc lenchee qu'ä la fin du catapu ltage, lorsque le pilote a repris la main, car le detlecteur de jet du PA ne supporterait pas le souffle de la PC.
au cours de laquelle plus du tiers des missions d'assaut franc;;aises ont ete effectuees a partir du Fach, cet exercice etait axe sur la projection de puissance et avait pour objectif de renforcer la cooperation interalliee et I'interoperabilite des moyens aeromaritimes, notamment entre le porte-avions franc;;ais et les porte-aeronefs anglais Illustrious, espagnol Prfncipe de Asturias et italien Garibaldi. C'est au cours de la derniere semaine de I'exercice que trois F-8P (Ies nOS 11, 34 et 39) ont rejoint le GAE constitue a celte date de cinq Alize de la 6F, quatre Etendard IVP de la 16F, d'une dizaine de Super Etendard de la 17F et d'un detachement de la 35F compose d'une Alouette 111 , d'un Dauphin et de deux Super Freion. La presence des " Crouze " a bord, qui © C. Baisseion
Ci-contre: une fraction de seconde avant d'accrocher le troisieme brin. Dix tonnes de metal se precipitent sur le pont. Le pilote est en legere correction ä droite pour contrer les turbulences de 1'I10t. On note la voilure en position levee ä 5°. En dessous : les Crusader sont des avions qu'il faut escalader, comme le font ici les patrons d'appareil, en maillot marron, sous l'(Eil du CST de la flottille .
participerent a quelques missions de couverture au profit des Super Etendard et du GAE, etait surtout symbolique et annonc;;ait le retrait definitif de la bete, qui a eu lieu le 15 decembre dernier, et la mise en sommeil de la flottille 12F.
Les « Lascars » c/e la 12F Heritiere des traditions de I'escadrille AC2 et du fameux canard au tromblon, la 12F vit le jour a Hyeres le 1er aoOt 1948. Equ ipee de Seafire 111 , puis de Seafire XV, de F6F-5 Hel/eatet , enfin, de F4U-7 et d'AU-1 Corsair, elle fut de tous les combats en ExtremeOrient et en Afrique du nord. C'est a Karouba, pres de Bizerte, qu'elle fut dissoute une premiere fois le 8 aoQt 1963. Recreee le 5 octobre 1964 a LannBihoue, la flottille rec;;ut ses premiers Crusader a partir du 20 novembre suivant. Des lors, I'histoire des" Lascars » (indicatif de la 12F) deviendra indissociable de celle des" Crouze » franc;;ais, d'abord F-8E(FN), la version extrapolee du F-8E et dotee d'une hypersustentation amelioree, puis F-8P qui fut I'ultime evolution destinee a prolonger la vie de quelques exemplaires jusqu'en 1999, limite fixee a I'utilisation des appareils. Contrairement a la flottille 14F, qui mit egalement en ceuvre les " Crouze » de 1965 a 1979 avant de passer sur Super Etendard, la 12F aura exploite les siens pendant 35 ans, de sa creation a sa mise en sommeil, d 'abord depuis la BAN de LannBihoue, puis de celle de Landivisiau a partir du 30 juillet 1968. Pour le CF Antoine Guillot, dernier pacha de la 12F, force est de constater, avec le recul, que I'operation de prolongation des appareils n'aura pas ete negative. Si les reacteurs Pratt & Whitney J75P-20 et les radars APO · 104 ont ete conserves, un grand nombre d'equipements ont ete remis a niveau : refection complete de la pieuvre electrique, rEmovation des circuits hydrau36 AIR FAN
liques et des commandes de vol, installation d'un siege ejectable Martin Baker Mk.7, etc. Bien que le systeme d'armes soit reste identique a cel ui du F-8E(FN), avec capacite d'emport de missiles Magie 2, I'avionique du F-8P s'est enrichie par I'adoption de la centrale de cap et de verticale du Mirage F1, de I'horizon artificiel du Super Etendard, d'un VOR/ILS et d'un GPS. Un nouvel IFF et un detecteur Sherloe completent cet equipement. Une centrale a inertie et des dispositifs de lance-Ieurres auraient aussi ete les bienvenus, mais, soyons lucides, le systeme d'armes et le radar so nt d'une autre epoque et le " Crouze » reste une vieille machine ... Ce chantier de modernisation aura en tout
cas permis d'ameliorer la fiabilite et la maintenance , tout en contribuant a la securite des vols - les pilotes de Crusader effectuaient chacun entre 200 et 220 heures de vol par an - sur des avions accusant 35 ans d'age et mis en ceuvre dans des conditions d'exploitation tres dures compte tenu des accelerations et des chocs subis par les cellules lors des manceuvres aviation sur les porte-avions.
Les c/erniers canarc/s quittent la mare Les derniers " Crouze » se retirent, mais les Rafale seront bientot la. Le premier appareil de serie , le M1 , destine dans un
premier temps au CEVet a la CEPA, a ete officiellement livre a la Marine le 7 juillet 1999. Le second, le M2, est attendu a Landivisiau dans le courant de I'annee 2000 tandis que la 12F devrait etre reactivee en 2001. A la fin de cette annee-Ia, si le programme des livraisons est respecte, son parc devrait comprendre une dizaine de Rafale, soit le quota d'une demi-flottille. Entre temps , de gros travaux d'infrastructure vont etre entrepris dans les locaux de la 57S, qui doit bientot s'installer dans ceux de l'ex-12F, ainsi que dans tout ce secteur de la BAN de Landivisiau afin d'accueillir et de mettre en ceuvre le nouveau bireacteur de Dassault. En prevision de cette evolution technologique majeure, et du retrait programme des F-8P, les mouvements de personneis de la 12F ont aussi ete geres en consequence, sachant que certains anciens " Crouzemen " seront sans doute destines a voler
sur Rafale. Cinq pilotes avaient deja quitte la flottille depuis quelques mois, deux pour rejoindre le detachement CEPA Rafale a Istres, un pour integrer une flottille de combat de I'US Navy sur F/A-18 (dans le cadre d'un echange) et deux pour voler dans I'armee de l'Air sur Mirage 2000C RDI au sein d'un escadron de Cambrai. Outre le CF Guillot, nomme a I'etat-major parisien, six autres pilotes auront mene les Crusader jusqu'au bout. 11 s'agit du LV Berthou , chef du service operations de la flottille et futur jeu ne retraite , du LV Sido, officier en second de la 12F et destine a prendre la tete de la section marine de I'ETO (Ecole de transformation operationnelle sur Alpha Jet) de Cazaux, et du LV Papelard, chef des services techniques et futur CST de la nouvelle flottille 4F sur Hawkeye. Quant aux LV Denis (chef du service general), EV1 Merlin (officier des vols) et EV1 Aubry (officier informatique), ils
seront affectes a Cambrai et a Orange sur Mirage 2000C RDI pour les deux premiers , le troisieme rejoignant I'ETO de Cazaux comme moniteur. Equipee d'une ,douzaine de F-8P dans le courant des annees 1990, la 12F a vu sa dotation se reduire au fur et a mesure de I'approche du retrait de I'avion pour finalement se stabiliser a cinq appareils en novembre 1999 (Ies nOS 7, 10 11 , 34 et 39) . L'ultime appontage sur le Fach a ete realise par le LV Denis le 28 octobre vers 12 h 45 locales, aux commandes du n° 34, tandis que I'honneur du dernier catapultage revenait le meme jour, dans la soiree, au CF Guillot sur le n° 11 , devant une partie du personnel de la 12F et en presence du CV Bertrand Aubriot , pacha du porteavions, et du CA Alain Coldefy, patron de la Force d'action navale. 0 Christian BOISSELON
Ci-contre : le F-8P n° 39 s'immobilise, freim§ par les puissantes presses hydrauliques entrainees par le brin d'arret" encore engage dans la crosse d'appontage. Aprils avoir repris ses esprits, le pilote doit remonter la crosse, replier les ailes et rouler pour liberer I'aire d'appontage. En dessous: le « Crouze » n° 11 comptait parmi les cinq derniers appareils mis en (Euvre par la 12F. Les ailes ne sont depliees qu'au dernier moment avant le catapultage. Ci-dessous: un insigne tout empreint de nostalgie. t:epoque des intercepteurs purs dans l'Aeronautique navale est bien revolue !
AIR FAN 37
l'USAFE
Les premieres annees
1951-1959
1m partie
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Une mission, un appareil . le F--86D Sabre Dog par Jean-Pierre Hoehn
ux premiers temps de la guerre froide, lorsque I'USAF s'etablit en Europe, sa zone de responsabilite, ou mieux encore d'intervention, s'etendait de l'lslande jusqu 'en Afrique du nord, Concretement, sa presence se symbolisait
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essentiellement par une kyrielle d'installations aeriennes dispersees le long de cet axe nord-sud, atteignant son apogee dans la deuxieme moitie des annees cinquante, Des chasseurs-bombardiers, des avions de reconnaissance et de transport ainsi que des bombardiers strategiques parcouraient
ce vaste secteur sans pratiquement aucune restriction ni limite, L'USAFE apparaissait alors comme une force aerienne totalement independante, ou presque , n'ayant de rendre qu'au President des comptes Etats-Unis, Mais cette infrastructure gigantesque en termes d'hommes et de materiels demandait une solide protection, tout particulierement contre d'eventuelles attaques aeriennes, conventionnelles ou nucleaires, Au debut des annees cinquante, la vulnerabilite des bases etait bien reelle , bien plus que de nos jours, Leur destruction pouvait modifier le cours d'un affrontement. Celui des deux belligerants qui aurait eu la subir se serait en effet retrouve dans I'impossibilite d'organiser toutes frappes de represailles, Acette epoque , point d'alveoles protegees ni de hangarettes en beton arme, L'Otan avait appliqu'e la technique des « marguerites " sur les bases nouvellement amenagees, afin de disseminer les avions au sol en cas de raids aeriens sur les terrains, En Europe, les Americains avaient, en
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En haut: F-86D du 514th FIS/406th FIW de Manston, en Grande-Bretagne. Cette scime se deroule lors d'une campagne de tir aWheelus, en Libye, vers le milieu des annees 1950. On remarque la couleur bleue attribuee cl cet escadron.
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Ci-dessus : ce F-86D appartient au 513rd FIS, un escadron qui fut transfere au 86th FIW sur la base de Phalsbourg, en Moselle. l:appareil porte ici sur sa derive la decoration standard rouge et noir, en forme de rayons de solei I. Cette photo a ete prise en 1959 sur la base de Toul-Rosieres dont on aperyoit la tour de contröle cl I'arriere-plan. Ci-contre : tres belle photo d'un F-86D, realisee lors d'une campagne de tir air-air cl Wheelus. Ce Sabre Dog, affecte au 512ndFIS/406th FIW, arbore les marques de san Wing sur la derive. Quant cl la couleur de son escadron, le ja une, elle est materialisee dans I'espece de harpon au bas du fuselage et se retrouve egalement sur le cadre de la verriere. Notez la soute cl roquettes, sous le fuselage, en position ouverte. AIR FAN 39
outre, opte en faveur des plates-formes dites de dispersion, sur lesquelles un ou plusieurs escadrons pouvaient se replier et operer si leur base principale venait Ei Eltre detruite. Mais, pour parer a toute eventualite, I'une des meilleures solutions restait I'interception de I'intrus avant que celui-ci n'atteigne son objectif. Parallelement Ei la mise en place de ses escadres tactiques, I'USAFE organisera donc egalement un systeme de defense aerienne s'etendant de l'lslande jusqu'a l'Afrique du nord. Dans la presente retrospective, nous nous interesserons essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, Ei la mission et aux unites de defense aerienne deployees par I'USAFE au cours de la periode 1951-1959. Les premieres annees en quelque sorte, certes les plus actives mais, sans aucun
doute, aussi les plus confuses. Nous essaierons d'analyser pourquoi les Americains elaborerent ce re se au de defense antiaerienne sur le Vieux Continent, dans quel but et dans quel contexte strategique. Cette etude nous permettra par ailleurs de mieux comprendre pour quelles raisons la defense aerienne americaine en Europe prendra une nouvelle tournure dans la decennie soixante-dix, pour finalement se cristalliser autour d'une philosophie tout Ei fait differente jusque dans les annees quatre-vingt-dix. Des aspects qui feront I'objet d'une prochaine serie d'articles.
Les origines Les debuts furent parfois obscurs sinon deroutants. Meme les experts reconnus en
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Ci-contre : photo relativement rare d'un alignement de F-86F aux couleurs du 45th FIS, base cl I'epoque cl Sidi Slimane (Maroe). Ces avions sont surpris ici sur la base d'Orange en 1954, probablement en route vers Chilteauroux. Ci-dessous: le North American F-86D Sabre Dog, premier intercepteur monoplace tout temps semi-automatise, mis en service dans I'USAF, puis dans I'USAFE. On distingue les be es mobiles de bord d'attaque ainsi que le train d'atterrissage renforce par rapport aux F-86NElF Sabre. La version D affichait un rayon d'action de combat de 435 km.
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matiere d'histoire de I'USAFE, tel notre ami Dave Menard, s'accordent Ei dire que, dans ces annees-IEi, avec I'arrivee massive d'unites aeriennes en Europe, tout le monde faisait n'importe quoi et n'importe comment ! Comme les premiers F-80C ou F-84G affectes essentiellement a des Fighter Bomb Wings , apropos desquels certains documents revelent qu'ils assuraient tout aussi bien des missions tactiques que des missions d'interception le cas ecMant. La seule source officielle faisant etat de la presence d'une unite d8diee a la defense aerienne, fait reference au 81st Fighter Interceptor Wing base Ei Bentwaters, en Grande-Bretagne, forme de trois escadrons dont deux stationnes a Shepperd's Grove, dans le Suffolk. En place des 1951, cette escadre etait equipee de F-86A Sabre.
Est-il besoin de rappeier que le F-86A n'etait pas un avion tout temps, et encore moins un intercepteur au sens Oll nous I'entendons aujourd'hui . Cependant, il fut sans aucun doute le meilleur chasseur de superiorite aerienne de I'USAF, capable de tenir tete au chasseur standard sovietique de la decennie, le MiG-15, comme il le prouva durant la guerre de Coree. Oe 1951 a 1954, ces Sabre assurerent des missions de defense aerienne dans le cadre d'un concept dont la strategie reposait en grande partie sur les experiences vecues en Coree, privilegiant davantage les grands combats aeriens entre chasseurs , en vue d'obtenir la suprematie aerienne dans une zone geographique determinee, plutöt que de s'attaquer ades vagues de bombardiers strategiques croisant a haute altitude au-dessus de l'Europe. Cette derniere option ne pouvait cependant etre totalement ecartee, et devait certainement hanter les esprits des responsables militaires de I'epoque. , En outre, cette defense aerienne, devolue au 81st FIW, n'avait pas encore atteint la dimension atlantiste. Elle etait resolument centree sur la Grande-Bretagne et destinee, en premier lieu , a proteger les interets americains sur I7le de Sa Majeste, a savoir assurer la securite des bases de I'USAFE Oll commenyaient a s'accumuler des avions militaires de toute nature, y compris des bombardiers , alors que, sur le continent, et la France en est un bon exemple, les bases americaines - certains dirons meme les bases Otan - n'etaient encore que des projets sur papier ou de vastes chantiers. Par ailleurs, la Grande-Bretagne, grace a la RAF, n'avait nul besoin d'un gendarme pour garantir la defense de son es pace aerien. Avec ses propres chasseurs de nuit (Meteor, Vampire et' autres Venom) , elle avait
meme une certaine longueur d'avance sur les Americains en matiere de chasse tout temps.
Les intercepteurs arrivent... Ce n'est qu'a partir de 1954 que les Americains mirent en place les structures d'un veritable dispositif de defense aerienne en Europe, ce grace a I'arrivee de leur dernier intercepteur tout temps qui venait d'entrer en service aux Etats-Unis : le F-860 Sabre Oog. La 3rd Air Force en GrandeBretagne fut une nouvelle fois prioritaire et en peryut un lot suffisant lui permettant de creer une escadre entiere sur la base de Manston, a savoir le 406th Fighter Interceptor Wing (FIW) constitue des 512nd, 513rd et 514th Fighter Interceptor Squadrons (FIS) . Quasi simultanement, avec I'achevement de la construction des bases aeriennes en France, et surtout en Allemagne, et I'arrivee des premieres escadres
tactiques, la 12th Air Force receptionna elle aussi ces intercepteurs. Toujours en 1954, la livraison supplementaire d'une centaine de F-860, achemines par voie maritime aLandstuhl (aujourd'hui Ramstein) , permit d'equiper sur place le 86th Fighter Bomb Wing qui reversera alors ses F-86F Sabre a d'autres forces aeriennes de l'Otan. L'escadre devint le 86th FIW, forte de quatre escadrons de F-860 : les 44Oth, 496th , 525th et 526th FIS. Cette epoque est peu connue. Neanmoins, certains vieu x documents, trouves au hasard dans les journaux de la base, montrent des F-860 par dizaines, alignes comme a la parade sur I'immense parking de Landstuhl. Les avions en alerte operationnelle stationnaient a I'ecart sous haute surveillance, generalement en bout de piste, sous des hangarettes en toile, en bois ou en töle. Quant aux equipages, ils effectuaient leur veille dans des caravanes au confort modeste. Les progres realises en matiere de de-
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Ci-dessus : Sabre Dog du 514th FIS, du temps ou celuici dependait du 406th FIW de Manston, en GrandeBretagne. La decoration qu'il porte est anterieure ä 1958. Ci-contre : autre F-86D du 514th FIS, mais cette fois-ci lorsque I'escadron etait sous le contröle du 86th FIW, d'ou le schema standard de couleur noir et blanc sur la derive.
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Ci-contre : alignement de F-86D du 513rd FIS sur un terrain non identifie. Ces avions arborent encore, sur la derive, les couleurs du 406th FIW de Manston, de meme que la couleur rouge du squadron sur le bas du fuselage . Le 513rd FIS sera transfere a Phalsbourg (France) en 1958. Ci-dessous: belle brochette de Sabre Dog du 496th FIS/ 86th FIW. Les appareils portent la decoration en vigueur dans les annees 1954-1957. Affecte sur la base de Hahn (Allemagnel. cet escadron y effectuera toute sa carriere.
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fense aerlenne par les Americains en Europe furent intimement lies I'adoption du nouvel intercepteur F-860 . Avant d'etudier les implications tactiques eVou strategiques de cette montee en puissance des unites de defense aerienne de I'USAFE, il est utile de rappeier brievement les caracteristiques de cet appareil. Oerive du Sabre, le F-860 Sabre Oog se distinguait au premier coup d'ooil par son gros nez noir abritant un radar de recherche et de poursuite. Autre innovation de taille , il etait equipe d'un reacteur avec postcombustion lui permettant d'atteindre, voire de depasser, les 1 000 kmjhl en vol horizontal (1 107 tres exactement), sans toutefois lui
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conferer des vitesses supersoniques, sauf en pique. C'etait le premier intercepteur tout temps monopiace mis en service par I'USAF - tous les concepts anterieurs reposaient sur un equipage biplace (pilote + operateur radar). Pour faciliter la tache du pilote, qui devait tout faire , le F-860 integrait de nombreuses innovations technologiques : gestion automatique de la consommation de carburant, ILS (Instrument Landing System), systeme de contröle de tir autorisant la mise feu automatique des roquettes, etc. L'avion etait tel point que ses pilotes tres complexe, pretendaient qu'il valait mieux avoir deux paires d'yeux et quatre bras ! IIs n'etaient
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Menard
d'ailleurs pas tres loin de la verite puisqu'ils utiliserent davantage le simulateur que leurs collegues volant sur bombardier strategique 8-47 ... Et malgre tous ces progres - ou peut-etre a cause d'eux -, le F-860 etait souvent cloue au sol pour ennuis mecaniques et electroniques, un veritable cauchemar pour les techniciens de maintenance qui s'efforc;aient d'obtenir un taux de disponibilite acceptable dans les unites operationnelles de premiere ligne. Le F-860 effectua son vol initial en mars 1951 et, apres de nombreux problemes de mise au point, entra en service en avril 1953. Au total , 2504 exemplaires furent construits.
Ci-contre : ce Sabre Dag, au roulage ä Erding en 1959, porte les couleurs du 440th FIS et arbore en plus trois bandes autour du fuselage identifiant I'appareil du patron de I'escadron. En dessous: F-86D du 440th FIS, photographie ä Fürstenfeldbruck en 1956. Cet avion est encore revetu de I'ancienne decoration sur la derive, alors que I'inscription US Air Force est placee au milieu du fuselage .
Insigne du 496th FIS @ I. Warner
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L'avion fut retire de l'Air Defense Command (USAF) en avril 1958 et, en juin 1961, il ne restait plus aucun D dans I'inventaire des unites regulieres de l'Air Force dans le monde. Revenons present a l'Europe. Le 406th FIW et le 86th FIW, forts de sept escadrons d'intercepteurs des 1954, n'avaient apparemment que peu de contacts entre eux et ne semblaient pas avoir adopte de strategie commune dont le but essentiel aurait ete d'eriger un barrage aerien contre toute agression visant un pays membre de I'Qtan . Etant don ne que, en Grande-Bretagne, comme nous I'evoquions deja, la RAF etait parfaitement en mesure de garantir la souverainete de I'espace national grace ses unites de chasse tout temps, tout laissait croire que les Americains avaient pour souci principal de proteger les bases et les avions cJe la 3rd Air Force, desormais tres implantes sur I7le britannique. Les F-86D la disposition de I'Qtan, furent cependant mis notamment pour couvrir la zone nord de l'Europe ainsi qu'une partie de la mer du Nord.
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En Allemagne, il en alla tout autrement pour les escadrons du 86th FIW. Ce pays , dont le rearmement debuta en 1955, ne jouissait pas encore de la souverainete de son espace aerien. Celle-ci etait I'affaire des Allies. En outre, ce n'est qu'en 1959 que la nouvelle Luftwaffe receptionna ses premiers intercepteurs, en I'occurrence des F-86K, version export du F-86D dont I'electronique avait ete quelque peu simplifiee et I'armement roquettes delaisse au profit de canons. Ainsi, entre 1954 et 1959, les Americains, de concert avec les Anglais, les Canadiens et ,Ies Franyais , assurerent la police du ci el au-dessus de l'Aliemagne de I'Quest, tout en y protegeant leurs propres installations. La technique d'interception utilisee par les F-86D etait la suivante. Des qu'un avion non identifie penetrait dans une zone de contr61e et de deteetion attribuee a un site radar, deux appareils decollaient sur alerte . Un contr61eur au solles guidait par voie orale (transmissions radio) vers la cible , tout en leur assurant le meillew angle d'approche en
Insigne du 513rd FIS @I. Warner
Insigne du 514th FIS @I. Warner
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Ci-contre : le Lt Abbott O. Greene (513rd FIS) grimpe dans le cockpit de son F-860. On remarque qu'une echelle d'acces n'etait pas indispensable pour monter ä bord de I'appareil, un marchepied escamotable plus deux ouvertures pratiquees dans le fuselage faisaient I'affaire. Avec une longueur de 12,27 m, une hauteur de 4,57 m et une surface alaire de 11,92 m', le Sabre Dog n' etait pas tres imposant par rapport aux intercepteurs que I'USAF mettra par la suite en service. On releve egalement la presence, sur le nez, d'un dessin de petit chien ainsi que les nombreux stencils sur les panneaux d'acces.
Insigne du 431st FIS @I. Warner
Insigne du 440th FIS @I. Warner
fonction du cap , de la vitesse et de I'altitude de I'objectif. Des que leur radar avait luimeme accroche I'intrus, les pilotes devenaient seuls maHres a bord et procedaient a I'interception, tout en scrutant un petit ecran radar sur leur tableau de bord qui leur indiquait la position de I'avion recherche. L'interception elle-meme se pratiquait selon la technique dite du « cap de collision » . En d'autres termes, et en simplifiant, si les deux avions, intercepteur et intrus, poursuivaient leurs trajectoires respectives, ils devaient entrer en collision a un moment donne, dans le temps et dans I'espace. Ces parametres etant etablis au plus juste par le calculateur de tir du F-86D. A un moment x affiche sur I'ecran radar de ce dernier, les roquettes pouvaient alors etre tirees, et ce sont elles qui, a un point defini dans le ciel, €Jevaient percuter I'objectif. Le F-86D etait muni d'un tiroir a roquettes escamotable , installe sous I'avant du fuse44 AIR FAN
lage, contenant vingt-quatre projectiles susceptibles d'etre tires soit par salves soit tous a la fois. Ces roquettes du type HVAR (High Veloc:ty Aircraft Rockets) etaient, bien entendu, non guidees et etaient dotees d'une tete a charge explosive. Une fois lancees, elles etaient aveugles et avaient une tendance a la dispersion. Une seule d'entre elles suffisait, en theorie, a detruire un bombardier de la taille d'un B-29 ! Mais encore fallait-iI qu'elle touche un point nevralgique, ce qui etait beaucoup moins evident. , Ces details techniques, qui peuvent paraltrent apriori hors de propos, nous renseignent ce pendant sur la credibilite du systeme de defense aerienne de I'USAFE ainsi que sur ses limites. Primo, nul ne savait avec certitude si une eventuelle attaque sovietique sur le territoire ouest-allemand, par exemple, s'effectuerait a I'aide ou non de bombardiers strategiques evoluant a haute altitude. Secundo, il fallait reconnaltre que,
dans un scenario inverse, face ades chasseurs-bombardiers agiles et rapides evoluant a basse altitude, le F-86D n'aurait pas ete d'une grande efficacite. Son radar ne lui permettait en effet pas de les reperer et, apres avoir tire sa bordee de roquettes, il se retrouvait sans defense. Conc;;u selon un cahier des charges purement adapte alJx besoins de la defense aerienne de l'Amerique du Nord, le F-86D, dans sa vocation premiere, n'etait pas tres a I'aise sur le th8ätre europeen. 11 etait cependant le seul intercepteur tout temps monoplace que I'USAFE pouvait aligner face a la menace sovietique, capable de monter la garde 24 h sur 24, 365 jours par an, quelle que soit la meteo. Son efficacite en Europe reposait largement sur son role dis~M~. 0 Jean-Pierre HOEHN
a suivre