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N° 285 - AOUT 2002 - 5,?
Sommaire Vingt-quatrieme annee
Le magazine de I'aeronautique militaire internationale
N° 285 ooOf 2002
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Evenements par Hugo Mambour Entre Tigres et Lions ...
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Recce Meet 2002 par H. Mambour et V. Pirard La reconnaissance aerienne pilotee aI'honneur aFlorennes. Hommage aux FAFt par Christi an Boisselon 1Is combattirent beaucoup parce qu 'ils etaient peu nombreux...
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Force aerienne saoudienne (tin) par Jean-Louis Prome La plus puissante du Golfe ou rien qu'un tigre de papier? HC-130P et HH~OG par Frederic Lert Le mariage fecond de la carpe et du lapin ....
La beaute du diable ... Adaptation d'Alain Crosnier Souvenirs de Jean Pangon, navigateur sur Vautour. Reggane, 13 fevrier 1960: des Vautour dans le nuage atomique.
Revue de presse par l'equipe de la red action Les nouveautes de /'edition. Analyse des nouveautes par I'equipe de la rectaction Les dernieres maquettes sorties.
En couverture : ce HH-60G est adeux doigts d'enquiller sa perehe de ravitaillement en vol dans le panier d'un HC-130P. Une manlIluvre qui demande une grande maitrise de la part du pilote de I'helicoptere, ca r le panier se trouve a plu s de quatre metres devant lui ! Comme la plupart de ses congeneres, ce Pave Hawk est mis en lIluvre par une unite de reservistes, et plu s precisement par le 304th Rescue Squadron (939th Rescue Wing) base a Portland, en Oregon
JG 74" Wemer Mölders» par Luigino Caliaro Toujours sur Phantom!
(Photo Frl3deric Lert).
Directrice commerciale : Martine CABIAC
Redacteur en chef: Olivier CABIAC
Gestion des abonnements: Ei nos bureaux
Correspondant de la red action aux Etats-Unis: Rene J. FRANCILLON
Publicite : Ei nos bureaux (tel. : 01 42936724) Photogravure : PRESTIGE GRAPHIQUE Impression: HERISSEY, ZI n° 2, rue Lavoisier, 27000 Evreux Depöt legal 3' trimestre 2002 All contents © AI R FAN 2002 Reproduction me me partielle interdite Commission paritaire : 0107 T 81068 Distribution par les NMPP Printed in France
AIR FAN est membre de I'Office de justification de la diffusion
Principaux collaborateurs Christian BOISSELON, Alain BOSSER, Jean-Loup CARDEY, Beno1t COLlN, Philippe COLlN, Alain CROSNIER, Eric DESPLACES, Jean-Luc FOUQUET, Michel FOURNIER, Jean-Bernard FRAPPE, Christ GARCIA, Henri-Pierre GROLLEAU, Jean-Pierre HOEHN, Christian JACQUET, Stephane MEUNIER, Jacques MOULIN, Stephane NICOLAOU, Alain PELLETIER, Jean-Jacques PETIT, Sam PRETAT, Marc ROSTAING, Jean-Pierre TEDESCO, Bernard THOUANEL, Patrick VINOT-PREFONTAINE Collaborateurs etrangers Denis J. CALVERT, Christophe DONNET, Jim DUNN, Giuseppe FASSARI, Paul JACKSON, Theo VAN GEFFEN, Robert E. KLING, Hans KONING , Peter B. LEWIS, Hugo MAMBOUR, Dave MENARD, Vincent PIRARD, Herman J. SiXMA, Peter STEINEMANN, Richard L. WARD
Evenements '0 •
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Entre Tigres et Lions ••• our sa quatrieme edition qui s'est deroulee le 18 juillet dernier, le Spotters Day de Kleine-Brogel a une nouvelle fois rencontre un
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franc succes grace un plateau etoffe et une organisation sans faille, Apres quelques modifications intervenues au fil des ans dans la
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disposition au sol des appareils participants ainsi que dans les zones reservees aux photographes, le cru 2002 a manifestement montre la voie suivre pour I'avenir, Baptise « Lion Meet " , ce Spotters Day aurait dO reunir
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les unites de l'Otan ayant un lion pour embleme, Mais force fut de constater que la plupart des felins presents etaient des tigres, En effet, hormis les chasseurs du 10· Wing tactique dont I'insigne est I'effigie du roi des animaux, seul
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Ci-contre: la Luftwaffe etait ~ presente en force avec pas moins J de cinq appareils decol'es, dont ce g Tornado ECR de la Staffel 322 E ~ basee aLechfeld, escadlille '" qui a ftte son vingt-cinquieme @ anniversaire en novembre 2001. Ci-dessous: ce f-16BM du 1rr Wing tactique de Kleine-Brogel a rer;u une belle decoration pour marquer les quinze ans d'existence de l'unite. En bas : encore une decoration speciale, appliquee cette fois sur un Tornado de la lBG 34 de Memmingen qui celebre cette annee son quarante-troisieme anniversaire.
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Au milieu: la surprise finale de cette journee memorable fut le passage d'une formation de C-130 du 15' Wing, appareils qui fttent cette annee leur trente ans de service en Belgique. Ci-dessus: ce Lion du 315 squadron de Twenthe, unite qui souffle ses cinquante bougies cette annee, a da se sentir un peu seul parmi tous les Tigres presents a Kleine-Brogel. 4 AIR FAN
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Ci-contre: ce F-16AM porte
~ haut les couleurs du 349 Squadron
le 315 Squad ron neerlandais de Twenthe avait repondu I'appel. Aussi ce rassembleme nt prit-il davantage I'allure d'un mini " Tiger Meet ", ou plutöt devrait-on dire d'un veritable carnaval tant le nombre d'avions decores eta it im pressionnant. Les nombreux invites, arrives pour la plupart au cours de la matinee, furent engages des I'apres -midi dans une COMAO (Combined Air Operation) afin de justifier - et de rentabi liser ? - une teile concentration d'appareils.
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Outre le passage impromptu de quelques machines aussi diverses qu'inattendues, comme un E-3 F d'Avord ou encore quatre A- 10 de " Spangdahlem , le c lou du spectacle eut lieu la fin de la journee lorsque deboula une formation de plu sieurs C-130 qui survolerent la base deux reprises, alors qu'ils venaient de participer aux repetitions du defile aerien du 21 jui ll et (la fete nationale beige). Un bilan plus que positif donc pour cette manifestation parfaitement rodee
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qui ferait palir de jalousie bien des organisateurs de meetings aeriens... ~ H. Mambour et R. SimoniAviaScribe
qui ftte ses 60 ans cette anntie. Bien qu'arme de missiles d'exercice, cet appareil est en configuration QRA (deux Sidewinder et deux AMRAAM). Ci-dessous: le Tornado de demonstration du MFG 2 d'Eggebek a re9u une livree kaute visibilite pour la saison 2002. Bien qu'arrive enfin d'apres-midi, son equipage etait toute/ais suffisamment en avance pour participer au barbecue organise dans la soiree en I'konneur des participants ...
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Dissolution du HFIgRgt 16
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Mis sur pied le 2 avn1 1979 sur la base de (elle-Wielzenbruch, sous la responsabffile du lieulenant-colonel Baumann, le Heereslliegerregimenl 16 resut ses premiers helicopleres anlichars Bo-I OSP - ou PAH-I (Panzerabwerhrhubschrauber) -Ie 4 decembre 1980, le dernier des cinquante-six exemplaires qu'n avail commandes lui etant Rvre en 1984. (' etait, ci I'epoque, le premier regimenl ci eIre dole de ce Iype d'heRcoptere. A portir de 1991, les machines commencerent ci eIre portees au slandard PAH-I A(nouvelles poles de rolor principa~ transmission renforcee, nouvelle electronique de bord), puis, en 1992, I'unile ful integree ci la Krisenreaktionskräfte (KRK). Apres avoir feIe en avril 1999 son vinglieme anniversaire elle cap des 77 000 heures de vol sans accident, le HFlgRgt 16 sera dissous le 31 decembre prochain. En attendant, el pour finir en beaute, la mecanique s' esl surpassee en decorant ce Bo-IOSP que vous pourrez admirer jusqu'ci la !in de I' annee dans les meetings d' outre-Rhin. Marcus Fülber
Le 28 juillel dernier, la flottnIe 3SF a fete ses SO 000 heures de vol, une etape importante qui co'incidail avec I'arrivee de son nouveau commandanl, le capitaine de corvette Luxembourger. (reee en 1979 sur la BAN de Saint-Mandrier el equipee d' Aloueffe 111, Ia 3SF constitua pendant treize ans le groupe aerien du porte-helicopleres Jeanne tI'Are. A partir de 1991 el jusqu'au I" oelobre 1998, dale de sa dissoullion, elle arma pas moins de douze delachemenls en France el oulre-mer, el connul Irois Iypes de machines supplemenlaires : Lynx, Dauphin el Panfher. Reaelivee ci Saint-Mandrier le I" oelobre 1999, lorsque Ia flottille 33F eIl' escadrille 23S fusionnerenl, elle aRgne aeluellemenl Irois SA 36SF Dauphin « Pedro », quaIre SA 36SN Dauphin si' (service publicl repartis sur les siles d'Hyeres, de (herbourg, de La Rochelle el du Touquel, el cinq Aloueffe 111 (missions de support). Pour feter I'evenemenl, le Dauphin SP n° 6024 avait ete revelu d'une decoration speciale ci I' effigie du sympathique mammifere marin. Philippe Ger AIR FAN 5
par Chr;st;an Bo;sselon Ci-dessous : deux grandes figures du groupe « Alsace » : le general Jacques Andrieux (ä gauche) et Pierre Clostermann (ä droite). En bas : allocution du general Gueguen, president de I'Amicale des anciens FAFL, en presence du general Douin (ancien CEMA), de Mme Alliot-Marie (ministre de la Detense) et du general Job (CEMAA).
Ils combattirent beaucoup parce qu'ils etaient peu nombreux ... e 20 juin dernier, sur la BA 112 de Reims , un hommage solennel a ete rendu aux Forces aeriennes fran<;:aises libres a I'issue de la dissolution de la prestigieuse Amicale des anciens FAFL, prononcee par la voix de son president le general Yves Gueguen. Marquee par une meteo pluvieuse et maussade, celte ceremonie s'est deroulee en presence de Mme Alliot-Marie, ministre de la Defense, et du general Job, chef d'etat-major de I'armee de l'Air, et s'est achevee par la presentation en vol d'un CAP 232 et du Rafale B01 , precedes d'un Blenheim IV et d'un Spitfire IX, deux types d'appareils comptant parmi ceux ayant equipe les unites navigantes des FAFL, la composante aerienne des FFL (Forces fran<;:aises libres).
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Les debuts Strict et limite dans le temps, le statut FAFL fut accorde aux volontaires ayant signe un engagement dans I'armee du gene8AIR FAN
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ral Oe Gaulle entre les premiers jours suivant I'appel du 18 juin 1940 et le 1"' juillet 1943, date du regroupement des FAFL avec les Forces aeriennes d'Afrique du nord. Les elements precurseurs furent surtout constitues grace aux nombreuses evasions de France ou encore d'AFN , du Levant, d'lndochine et d'autres territoires franc;;ais. Le ralliement de l'Afrique equatoriale franc;;aise (AEF), le 26 aoUt 1940, permit par ailleurs de donner une assise territoriale a la France libre de Oe Gaulle et egalement de recuperer les unites de I'aviation coloniale (personneis et materiels) stationnees au Congo, au Cameroun et au Tchad. Les effectifs des FAFL demeuraient toutefois bien modestes, s'elevant a environ cinq cents engages en juillet 1940 (ils atteindront le millier un an plus tard) ; il est certain que I'attaque de la flotte franc;;aise a Mers el-Kebir par la marine britannique, le 3 juillet 1940, Ci-contre : vol en formation de trois B-26 Marauder appartenant au « Bretagne ». La croix de Lorraine arboree sur le nez des appareils etait caracteristique du groupe. Ci-dessous: les appareils presents ä la ceremonie du 20 juin dernier portaient une decoration speciale sur leur derive, avec insigne des FAFL cote gauche et insigne d'escadron cote droit. lei, un Mirage 2000B du 2/5 « lIe de France ».
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Ci-dessus : le Yak-3 de Risso au cours d'un essai moteur. On remarque la casserole d'helice bleu-blanc-rouge, marque distinctive du groupe « Normandie ", rebaptise « Normandie-Niemen " apres franchissement du fleuve du meme nom. En haut, au milieu: remise en etat d'un Blenheim IV du groupe « Lorraine», apres un atterrissage sur le ventre 11 Damas en 1941 .
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ne fut pas de nature encourager les transfuges. Les relations entre la France libre et I'Angleterre furent d 'ailleurs parfois conflictuelies, cette derniere cherchant limiter le rayonnement des FFL, voire a evincer la souverainete franyaise de certains territoires comme ceux du Levant (Li ban et Syrie) apres leur reconquete en 1941.
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Groupes
Alsace
Au debut du mois de juillet 1940, le viceamiral Emile Muselier fut nomme la tete des FNFL (Forces navales franyaises libres), mais aussi des FAFL dont les avions commencerent arborer la croix de Lorraine (Ie plus souvent bleu clair sur fond blanc), en plus des marques nationales. Certains personneis furent integres dans les unites de la RAF, alors en pleine bataille d'Angleterre, tandis que d'autres servirent au sein de petites unites FAFL en Afrique et au ProcheOrient. Formee outre-Manche en septembre 1940 et armee de huit Blenheim, I'escadrille « Topic » fut envoyee en AEF des le mois suivant. Tout comme le groupe mixte de combat n° 1 « Jam » (egalement connu sous le nom de « Menace ») cree lui aussi
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Lorraine
lIe-de-France
Bretagne
Boston 111, Boston IV, B-25 Mitchell
Spitfire IX, Spitfire XVI
Lysander, Blenheim, B-26 Marauder
Artois
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en Grande-Bretagne la meme epoque et dote de quatre escadrilles : une de chasse avec deux Dewoitine 0 520, deux de reconnaissance alignant chacune six Lysander et une de bombardement equipee de six Blenheim. Mais son existence fut ephemere puisqu'il fut dissous en decembre 1940. Son escadrille de bombardement fusionna alors avec I'escadrille « Topic » pour constituer le GRB 1 (graupe reserve de bombardement n° 1), lequel fut engage dans la bataille de Koufra et dans les deserts tchadiens et libyens. Trois Free French Flights furent egalement mis sur pied en Egypte en juillet 1940, les FFF nOS 1, 2 et 3 respectivement specialises dans la reconnaissance, la chasse et le transport. Le premier reyut deux Gien Martin Normandie
Picardie
LAM
Blenheim, A-24, Baltimore
338, Farman 221 et 231, Potez 620 et 650, Lodestar
eates du Levant (Liban, Syrie)
Afrique, Levant
i chasse n01 et Free French Flight n° 2 Equipements successifs jusqu'en 1945
Hurricane, Spitfire V, Spitfire IX
1, Yak-9, Yak-3
surveillance maritime
du desert, detense catiere
i transport
Nota Bene. Contrairement aux autres groupes FAFL dont la filiation demeure encore aujourd'hui, /,,, Artois )) et le " Picardie )) n'ont pas transmis leurs traditions aux escadrons 1/13" Artois )) de Colmar lactuellement dissous) et 2/12" Picardie )) de Cambrai, ces derniers etant composes d'escadrilles totalement differentes de celles de 1942 et 1943.
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En haut : le pilote de ce Hurricane s'apprete ä decoller d'un terrain non identifie, en Libye, On remarque le radiateur tropical monte sous le nez du chasseur qui appartient au groupe « Alsace », Ci-dessus: Dewoitine D 338 des Liaisons aeriennes militaires (LAM), vu sur la base de Damas en 1941. Ce trimoteur porte I'immatriculation FL-ARI, FL pour France Libre. Ci-contre: Mirage FICT du 2/30 « Normandie-Niemen », un escadron dont I'origine remo nte au 1" septembre 1942 lorsque fut cree le groupe « Normandie » pour aller combattre sur le front russe aux cötes des Sovietiques.
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167F et fut dirige vers Aden ; le deuxieme, arme de deux Potez 63-11 et de trois MS 406 , fut integre dans un Squadron britannique operant en Libye avant d'etre transforme sur Hurricane en fevrier 1941 ; le troisieme effectua de nombreuses missions entre l'Egypte et la Palestine avec deux Simoun et un Bloch 81, Tous trois furent dissous dans le courant de I'annee 1941 et leurs personneis reaffectes, L'escadrille de chasse n° 1 vit le jour au Caire en janvier 1941 en recuperant la partie chasse de I'ex-GMC n° 1 et ses deux o 520, Rapidement transformee sur Hurricane, elle fut envoyee sur Tobrouk, puis ferma ses portes en milieu d'annee, apres la campagne de Cyrena'ique, L'escadrille de bombardement n° 2 fut constituee en mars 1941 Ei Brazzaville (Congo) avec , elle aussi, des elements de En haut : Mirage F1 B du 3/33 « Lorraine », Historiq uement lie ä la mission de bombardement, I'escadron assure aujourd'hui la transformation operationnelle des pilotes sur Mirage F1, Au milieu: I'insigne des Forces aeriennes fran~aises libres, en bonne place sur les derives tricolores des appareils decores pour marquer la dissolution de la prestigieuse association, Ci-contre: ce KC-135R est I'un des derniers ravitailleurs en vol acquis par I'ERV 93 « Bretagne »,
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Ci-contre : du Spitfire au Mirage 2000. 1..'« lIe de France » a conserve en partie sa vocation chasse puisqu'il assure la transformation des pilotes de I'armee de l'Air sur Mirage 2000. Ci-dessous: Mirage F1CT de I'EC 1/30 « Alsace ». Le groupe « Alsace » fut la premiere unite FAFL ä etre mise sur pied le 1" septembre 1941. A partir de cette date et jusqu'ä la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle connut plusieurs theätres d'operations (Palestine, Libye, Angleterre, France, Belgique, Hollande et Allemagne).
I'ex-GMC n° 1. Elle fit route vers le Caire et la ~g ~----------------------------------------------------------------------~ Palestine avec des Martin 167. Ji
Parmi les autres unites de l'Aviation colo- ~
niale stationnees en Afrique noire, rappeIons I'existence du Detachement permanent des forces aeriennes du Tchad (equipe d'un Bloch 120, de deux Potez 25 et de trois Potez 29) installe a Fort-Lamy (aujourd'hui N'Djamena).
Des noms de provinces de France Succedant, le 1"' juillet 1941 , a I'amiral Muselier a la tete des FAFL, le colonel- puis general - Martial Valin se vit confier par le general Oe Gaulle la tache d'organiser des unites autonomes et stables, I'identite franyaise bien marquee. Formes sur le modele des Squadrons de la RAF, sept groupes virent ainsi successivement le jour et reyurent, sur I'initiative du general Val in, le nom de provinces franyaises occupees, dont ils adopterent le blason comme insigne : - le groupe de chasse « Alsace " (cree le 1"' septembre 1941 aRayak, au Levant) ; - le groupe de bombardement « Lorraine " (cree le 2 septembre 1941 a Damas, en Syrie) ; - le groupe de chasse « Ile de France " (cree le 20 octobre 1941 en Angleterre) ; -Ie groupe de bombardement « Bretagne" (cree le 1"' janvier 1942 en Afrique) ; - le groupe « Artois " (cree le 3 aoOt 1942 en Afrique) ; - Ie groupe de chasse « Normandie " (cree le 1"' septembre 1942 aRayak, au Levant, avant d'etre expedie sur le front russe) ; - Ie groupe « Picardie " (cree en juin 1943 a Damas). Sans oublier les Lignes aeriennes militaires (LAM) qui, des leur creation en sep-
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tembre 1941, jouerent un r61e important en Afrique dans le domaine des liaisons et du transport. Elles ne furent toutefois pas baptisees.
Reunilication de "armee de "Air Apres le debarquement allie en AFN en novembre 1942, I'armee de l'Air connut une reorganisation et, le 1"' juillet 1943, par decision du Comite de liberation nationale d'Alger, elle etait officiellement reconstituee apres que les groupes FAFL et les groupes de I'aviation d'Afrique du nord aient ete fusionnes et places sous le commandement unique du general Rene Bouscat, une fusion qui ne se fit pas sans difficultes compte tenu du parcours bien different de toutes ces unites et de I'etat d'esprit de leurs personneis. Les nouveaux groupes prirent egalement des noms de provinces franyaises (Savoie, Dauphine, Roussillon, Provence, etc .), les
sept de la France libre conservant leur appel lation originale FAFL. Aussi modeste fut-elle vis-a-vis de I'ensemble des forces alliees, la participation des aviateurs de la France libre en Afrique, en Europe occidentale et sur le front de l'Est eut neanmoins un impact profond. Les FAFL donnerent une certaine credibilite au gouvernement provisoire du general Oe Gaulle et constituerent une arme psychologique importante lors des retransmissions par la radio de Londres , en direction de la France occupee, des exploits de leurs groupes. Certes, il faut saluer le courage et le sacrifice de tou s ceux qui ont pris part a la defense et a la liberation de la France. Mais les FAFL meritent sans aucun doute une consideration particuliere, leurs aviateurs ayant, des le depart, deliberement choisi de poursuivre le combat et de courir vers I'inconnu. Beaucoup ne reviendront pas! 0 Christian BOISSELON
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.~ Parallelement a la saga du F-15S, la RSAF obtint un lot supe "- plementaire de Tornado. En effet, en avril 1992, Londres ~ annon<;a que Riyad souhaitait reduire massivement son pro.~ gramme de construction d'infrastructures militaires, la guerre du Golfe ayant montre que les bases existantes avaient large~ ment suffi a abriter I'enorme deploiement americain et allie. @ Cette decision engendrait danc une economie de 16 Ei 20 Mds de dollars qui devenaient disponibles pour des acquisitions d'avions de combat. " AI-Yamamah-2 " allait de la sorte pouvoir etre realise. Au moins partiellement. Ainsi, au debut de fevrier 1993, les deux pays signerent un contrat portant sur I'achat de quarante-huit Tornado GR.1 lOS supplementaires equipes de nacelles ECM Sky Shadow, mais aussi sur la construction de hangaretles adaptees, la maintenance, et la formation des personneis. Lorsque les prix du petrole repartirent a la hausse I'annee suivante, Riyad rajouta a la commande vingt BAe Hawk 65 (oubliant, par contre, I'acquisition prevue de Hawk 100/200), ainsi que vingt Pilatus PC-9. Les quarante-huit GR.1 furent livres en 1998. Dans la foulee, en aout 1996, les Saoudiens passerent commande a Eurocopter de douze Cougar Mk.2 en configuration CSAR (ravitaillables en vol et dotes de pods canon) et, en novembre 1997, de quarante-quatre Bell-Boeing 412 ; I'achat prevu de quatre-vingt-huit Westland WS-70 Black Hawk passant ainsi a la trappe.
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Par quoi remplacer les Tiger 11 ? Le defi que doit aujourd'hui relever la RSAF, c'est de trouver le financement necessaire au remplacement de ses F-5E/F,
Ci-contre : la RSAF va devoir assez rapidement trouver un successeur a ses Hawk Mk.65 DU bien les moderniser afin de les rendre aptes a assurer efficacement la formation operationnelle de ses pilotes de F-15S. A gauche, en bas : les Tornado IDS saoudiens sont encore au standard de serie GR.l. La RSAF pourraittrouver avantage ales porter a un standard plus DU moins proche du GR.4 de la RAF. Reste a trouver I'argent... Ci-dessous: faute de budget, la RSAF s'est vue contrainte de retirer du service la plupart de ses Tiger 11 sans avoir pu leur offrir un rempiacant. L:achat de F-16C/D Block 60 DU, plus vraisemblablement, d'un petit lot supplementaire de F-15S n'esttoutefois pas exclu a moyen terme.
dont quatre-vingt-sept exemplaires ont ete places en stockage de longue duree en 2001. Durant ces dernieres annees, Riyad a envisage, au fil de I'evolution du cours du brut, I'acquisition de F-16 ou de F/A-18 neufs. La presse fit etat, pendant le second semestre de 1996, d'un besoin compris entre soixantedix et cent deux F-16C/D' Block 60 dotes de missiles AMRAAM. Mais le coUt d'une teile operation (6 Mds de $ pour les seuls avions), notamment du fait de la constitution d'un parc additionnel generant de nouveaux besoins en matiere de formation de personneis, de structures de maintenance et de stocks de rechange , a jusqu'ici oblige l'Arabie saoudite (endeti8e aupres des USA a hauteur de 13 Mds) a reculer. Les qualites des appareils ne so nt pas en cause. C'est I'argent qui manque. D'ou I'interet porte depuis sur I'achat de lots supplementaires de F-15S ou de Tornado GR.1, voire de Hawk 100. Oe fait, au printemps 2000, la presse specialisee prevoyait, a breve echeance, un communique du prince Sultan (Ie ministre saoudien de la Defense) annonc;:ant I'acquisition de vingt-quatre F-15S. En contrepartie, Boeing aurait installe dans le royaume un atelier permettant la realisation des operations majeures d'entretien des Eagle de la RSAF ; un atelier fournissant du travail a 3 000 personnes. Mais, cetle annonce n'a pas ete officialisee et Riyad continue aujourd'hui a faire I'objet de pressions commerciales pour I'achat de F-16 Block 60 ou de Typhoon. Ce qui est sur, c'est que les Tiger II ont ete retires du service et ne beneficient meme plus d'un entretien minimal permetlant leur retour en operations en cas de necessite.
La RSAF peut mieux faire Par ailleurs, qu'en est-il du niveau qualitatif des equipages ? Car posseder des systemes d'armes tres performants ne sert arien si I'on se revele incapable d'en tirer le maximum. En fait, la RSAF a accumule, au cours des annees 1980 (conflit iranoirakien), puis dans les annees 1990 (guerre du Golfe et operations alliees de surveillance et de frappe du territoire irakien), une serieuse experience en matiere defensive, notamment dans un cadre bilateral avec I'USAF et I'US Navy. Pendant le conflit Iran-Irak, le franchissement de la ligne Fahd - au centre du golfe Arabo-Persique - par des intrus declenchait le decollage d'intercepteurs maintenus en alerte au sol. Aux premiers jours de la guerre du Golfe, le dispositif de defense aerienne fut reoriente au nord (vers la frontiere irakienne et kowe'itie), mais aussi au sud (par crainte d'atlaques arevers depuis le Yemen ou le Soudan). Puis, I'installation des forces de la Coalition alliee permit de developper un re se au de defense aerienne omnipotent. Le savoir-faire operationnel de la RSAF en matiere defensive est donc bien reel. S'agissant des equipages, leur niveau d'entrainement parait adequat. Pour preuve, le No 34 Squadron qui compte les pilotes les plus experimentes de la communaute mondiale des F-15, chacun totalisant 800 heures de vol en moyenne. II est vrai qu'ils en effectuent entre vingt-deux et trente-trois par mois, co nt re " seulement " dix-huit pour leurs confreres israeliens. Au cours de la guerre du Golfe, tous se revelerent competents et agressifs. 1. 11 ne lait aucun doute que ces avions, aisement integrables dans les dispositifs americains, auraient constitue. pour Washington autant que pour Riyad. une excellente solution de remplacement de la flolte de Tiger 11.
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Ci-contre : enquiller le panier ~ de la nounou n'est pas chose .~ faci le quand on est un Cougar. wip~ Eurocopter a pourtant su, : pour satisfaire son client saoudien, developper cette @ capacite. Une premiere reussie et validee pour I'helicopteriste franco-allemand, et qui laisse augurer, pour les Cougar saoudiens, la possibilite de cond uire des operations CSAR ou d'infiltration/exfiltration de commandos loin dans la profondeur du dispositif adverse. Le cas fra ngais regarderait d'ailleurs avec les yeux de Chimene cette integration d'une perche de ravitaillement en vo l. Les Transall tankers pourraient jouer les nounous... En dessous: quelques Northrop RF-5 assurent enco re ponctuellement des missions de reconnaissance. Mais ce sont les Tornado ADV modifies qui ont repris ä leur compte la responsabilite de cette mission operationnelle.
Les exercices organises par la RSAF repondent aux standards de qualite de l'Otan. Ils mette nt en muvre des appareils « Agressors " ou bien opposent les Saoudiens ades chasseurs des autres forces aeriennes du Conseil de cooperation du Golfe ou acelies de l'Otan. Et les pilotes parviennent regulierement a tirer des munitions reelles . En janvier 1996 se ti nt meme un exercice de grande ampleur rassemblant cent cinquante avions de combat saoudiens dans un simulacre d'attaque venue du nord. Malgre tout, la situation semble aujourd'hui en cours de degradation. Deja, I'experience operationnelle de la guerre du Golfe avait montre que la RSAF ne possedait pas suffisamment de pilotes experimentes pour exploiter au mieux ses F-15 en accroissant le rythme des sorties. A I'epoque , il y avait moins de 1,5 equipage par avion alors qu'il en aurait fallu 1,8. Actuellement, le ratio ne depasse pas 0,9 pour les pilotes et 0,5 pour les mecaniciens !
La « saoudisation » abaisse le niveau Quant aux equipages de Tornado, la RSAF dut meme, faute de personneis saoudiens, en recruter aupres de la RAF durant la guerre du Golfe. Et si le taux de disponibilite des Tornado - mais aussi des F-15 ne chuta pas, ce fut uniquement grace au recours massif a de la main d'muvre etrangere. La situation s'est largement degradee depuis. Ainsi, quelque 4 000 techniciens « civils " britanniques contribuent aujourd'hui au soutien local des Tornado, et le nombre des Americains est sans doute plus important encore... Beaucoup de pilotes 16 AIR FAN
sont d'origines diverses, notamment pakistanaise. Ce qui ne manque pas de poser des problemes, ne serait-ce que de comprehension linguistique, voire de confiance et de securite. Quant a la « saoudisation " des cadres, elle provoque une baisse sensible du niveau des competences. Et le tau x d'attrition des F-1 5 de la RSAF est desormais nettement plus eleve que celu i de I'USAF Au moins neuf accidents mortels, dont cinq en 1999-2000, peuvent etre attribues a I'insuffisance d'entrainement ou ades defaillances techniques liees a un entretien degrade. Les pilotes ont perdu de leur aptitude a conduire des missions offensives et en interarmees, voire me me des combats aeriens. Les Tornado lOS souffrent moins de ces prob lemes, car ils n'ont pas ete modernises et leurs profils de mission se revelent moins exigeants. En revanche, point positif, la RSAF dis-
pose desormais d'equipages saoudiens complets pour ses cinq E-3A Awacs livres entre juin 1986 et septembre 1987, et n'a donc plus besoin d'embarquer des personneis americains. En outre, ces appareils ont beneficie de constantes remises a niveau permettant, notamment, de tripier les capacites de memoire des ordinateurs du systeme, d'ameliorer le traitement des donnees radar, de fournir des informations en temps reel sur les consoles et, a portee de detection egale, de reperer et suivre des cibles a la SER (surface equivalente radar) plus reduite. Des moyens ESM ont aussi ete integres pour, en mode passif, localiser et identifier des emetteurs electroniques. Cinq consoles ont meme ete rajoutees en cabine. D'ici a la fin de cette annee, I'ensemb le du parc aura profite de ces transformations realisees a Seattle. Enfin, les E-3A devraient, sous peu , etre dotes de la Liaison 16 (trans-
mission automatique de donnees) et du package Block 35 permeltant les echanges directs avec les Awacs et les avions de combat de I'USAF evoluant dans la region.
La RSAF aeero ä !'USAF... Ce la dit, les equipages d'Awacs presentent quelques deficiences en matiere de cooperation interarmees et de surveillance de I'espace aerien au-dessus des zones maritimes. Et, pour etablir un reseau de guet aerien et de contröle de la defense aerienne performant a I'egard de l'lrak et de l'lran , les
responsables saoudiens estiment necessaire la presence simultanee de quatre appareils en hippodrome. Ce qui implique d'en posseder dix a douze. Le projet d'acquisiti on de quatre Boeing 767 Awacs n'ayant pas abouti, la RSAF, avec son parc de cinq E-3A, ne peut assurer que deux postes en meme temps et depend donc de l'Air Force pour le solde. En outre, si les Saoudiens se montrerent efficaces sur le plan de la defense aerienne et du transport aerien durant le guerre du Golfe, ils se revelerent incapables de planifier et de diriger des operations offensives a
grande echelle, au-dela du niveau escadran. IIs etaient a celte epoque dans I'impossibilite d'elaborer leurs propres doctrines et concepts d'emploi, notamment en matiere de cooperation interarmees. 11 est a craindre que la situation n'ait pas beaucoup evolue depuis. Pire. 11 n'y a toujours pas de liaisons entre les forces aeriennes et la Garde nationale, peu ou pas d'exercices d'a'ppui aerien rapprache au profit des forces terrestres, sans pari er des conflits de responsabilite avec la defense sol-air, La RSAF a egalement ete lente a monter sur ses avions les equipements plus mo-
dernes disponibles sur le marche, tels les IFF Mk.4 et les radios securisees Have Quick, qui so nt aujourd'hui en cours de livraison. Et I'entretien et le soutien des systemes de communication et de defense aerienne, confies a des firmes americaines, lui coOtent cher : 2,5 Mds de dollars pour la periode comprise entre le 1" juin 1997 et le 31 mai 2002. Une somme que Riyad a du mal a debourser. En fait, la RSAF, de par I'interoperabilite de ses moyens avec ceux des Etats-Unis, apparaTt davantage comme un reservoir de forces (et de rechanges et de munitions) a la disposition de Washington que comme une armee de I'air a meme de conduire des operations complexes et efficaces en totale
autonomie. O'ailleurs, pour la planification des missions offensives, les Saoudiens s'appuient encore et toujours sur les Americains.
La revolution culturelle reste afaire Neanmoins, la RSAF a recemment cherche a booster ses capacites de reconnaissance et de ciblage (recherche et preparation de dossiers d'objectifs potentieis) en ameliorant les senseurs embarques sur ses avions reco et en recourant, via la firme americaine Orbital Sciences, a un service d'imagerie satellite de relativement haute resolution. En definitive, si elle constitue, pour I'heure, la force aerienne la plus moderne du golfe Arabo-Persique, elle le doit surtout au fait que ni l'lran ni l'lrak n'ont reussi , lors de ces dix dernieres annees, a moderniser leur aviation militaire. 11 n'empeche qu'elle doit encore faire face, en 2002 et pour le court! moyen terme, a plusieurs difficultes. O'une part, le manque d'argent. Les acquisitions de F-15S et de Tornado ont respectivement coOte 9 Mds et 7,5 Mds de dollars. Des sommes qui ont obere pour longtemps les capacites budgetaires du pays. A tel point que Riyad, malgre les accommodements et les delais accordes par Washington et Londres, se trouve bien en peine de financer des programmes d'expansion ou de modernisation de sa force aerienne. Cest la raison pour laquelle les Saoudiens, qui se disent vivement interesses par I'actuel chantier de mise au standard GR.4 des Tornado lOS de la RAF', n'ont encore annonce aul' cune decision quant aleurs propres lOS. ~ BAE Systems estime qu'ils devraient se pro~ noncer dans les six prochains mois afin j d'eviter une rupture de la chaTne des kits' @ GR.4, et donc un important surcoOt.
Ci-dessus: impressionnante une fois deployee, comme ici lors d'un vol d'essai dans la region de Marignane, la perche de ravitaillement, montee sur les dix CougarCSAR saoudiens, doit en effet reduire, de par sa longueur, les risques de voir le disque du rotor principal heurter et sectionner le tuyau ou le panier deploye par le KC-130. Ce genre de manreuvre exige tout de meme un serieux doigte de la part des equipages, notamment du fait des plages de vitesse peu compatibles entre tanker et helico. En bas: les pilotes de F-15 sont saoudiens. Du moins officiellement. En fait, nombre d'entre eux sont pakistanais ou d'autres nationalites. Quant aux mecaniciens, ils sont americains ...
O'autre part, la RSAF, encore prioritairement tournee vers la defense aerienne, doit se muer en une force polyvalente capable de mener des actions offensives de thMtre en complete autonomie et 24 h sur 24. Ce qui, outre des moyens C41 et de targeting performants, va necessiter une refondation dans les esprits et I'organisation. Enfin, elle reste inadaptee au soutien des forces terrestres (pour les aider a faire face a une offensive blindee massive issue du nord) et navales (pour s'opposer a une menace venue des rivages iraniens). La capacite de l'Arabie saoudite a contrer une attaque irakien ne reste ainsi encore largement tributaire de I'aide americaine ! 0 fin
Jean-wuis PROME
2. En janvier 2002, cent sept GR. 1 de la RAF avaient deja beneficie de ce chantier evalue a 1,7 Md de dollars et portant sur la modernisation de cent quarante-deux appareils, le dernier devant etre livre en mars 2003.
3. Le kit GR.4 comprend un Flir, un GPS, un radar altimetrique discret, un bus de donnees armement MILSTO 1760, un bus de donnees avionique MIL-STOI553, un viseur tete haute grand angle, un generateur frontal de carte numerique, la nacelle IR/laser TlALO de designation de cibles et la bombe a guidage laser Paveway 1/1, voire, ulterieurement, la nacelle de reconnaissance Raptor, un missile de croisil3re type Storm Shadow, la Liaison 16...
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npeu , beaucoup, passionnement, a la folie, pas du tout... L'emploi du SAR de combat par I'US Air Force a travers les conflits se chante sur I'air des lampions. Utilise a la folie au Vietnam, ille fut avec moderation dans la guerre du Golfe, tres peu en Bosnie et pas du tout en Afghanistan. Cet etat de fait est avant tout le reflet d'une domination grandissante des champs de bataille par I'Oncie Sam, et I'on aura le bon goOt de ne pas trop s'en plaindre. S'il n'est plus amene servir aussi souvent, I'outil CSAR americain n'en reste pas moins remarquablement affCJte. Fait notable, on compte beaucoup de personneis de la Garde nationale et de l'Air Force Reserve (AFRES) parmi les unites specialisees dans ce domaine. C'est d'ailleurs un escadron de
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reservistes, le 304th Rescue Squadron, appartenant au 939th Rescue Wing Ai r Force Reserve, que nous vous presentons dans les pages qui suivent.
La Reserve en premiere ligne Base sur I'aeroport international de Portland , en Oregon, le 304th ROS aligne huit Sikorsky HH-60G Pave Hawk. Les mythiques HH-3 et HH/MH-53 ont aujourd'hui completement deserte les Rescue Squadrons, et on ne retrouve plus les MH-53M Pave Low IV que dans les rangs des forces speciales de l'Air Force (AFSOC) . Pour ces dernieres, le CSAR n'est qu'une mission secondaire, I'infiltration de commandos derriere les lignes ennemies restant la tache prioritaire.
C'est donc sur une centaine de HH-60G , repartis au sein d'une quinzaine d'unites de Rescue aux USA memes , en Islande, au Kowe'it, en Coree et au Japon, que repose normalement le travail de CSAR. L'escadron de Portland est le seul mis en ceuvre par I'AFRES et I'idee de voir des " soldats du dimanche " s'atteler une mission aussi complexe peut sem bier paradoxale. " Mais le paradoxe n'est qu'apparent, expliquait lors de notre passage le lieutenant-colonel Randall Schultz-Rathbun, commandant I'escadron. Les forces d'active sont aujourd'hui tres demandees et eI/es enchaTnent sans discontinuer de nombreux deploiements a I'etranger. Leur tempo d'operations est tel qu'el/es ont moins de temps que nous a consacrer aux entraTnements et aux experimentations ... "
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Le Combat SAR (alias Resco en bon fran<;ais) est une discipline maltrisee de longue date par I'US Air Force, et plus precisement par l'Air Combat Command. S'il n'est pas exempt de defauts, le couple HC-130/HH-60G forme toutefois un outil particulierement performant, capable de tirer son epingle du jeu sur le champ de bataille.
Ci-dessus : ravita illement en vol au-dessus de l'Oregon. Le HC-130P devoile l'impressionnante batterie de volets lui permettant de tenir la formation ä guere plus de 200 km/h ! En haut, ä droite : deux HH-60G du 304th RQS en phase de rejointe sur le ravitailleur. Ci-contre : ambiance studieuse dans le cockpit du HC-130P. Air Force Reserve oblige, les equipages beneficient la plupart du temps d'une importante experience aeronautique.
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En general plus ages , les navigants de la Reserve beneficient egalement d'une plus grande experience : nombreux sont ceux qui comptent deja une premiere carriere au sein de l'Active . Ainsi les pilotes d'helicoptere du 304th RQS totalisent-ils 2 000 heures de vol environ, soit trois fois plus que la moyenne de leurs collegues de I'USAF. En outre , ils disposent d'un cadre d'entra'lnement ideal a Portland , ville moyenne posee entre ocean et montagne. Chaque annee , I'unite procede aussi a une dizaine d'interventions SAR au profit de la communaute civile. Les pilotes effectuent une vingtaine d'heures par mois, les missions de trois heu res avec deux ravitaillements en vol n'etant pas exceptionnelles . La perche telescopique de ravitaillement en vol est d'ailleurs la marque de fabrique des HH-60G. Fixee sur le cote droit du fuselage, elle depasse de deux metres vers I'avant et sa longueur peut atteindre plus de quatre metres lorsqu'elle est completement deployee. Radar, Flir et autres capteurs qui bourgeonnent un peu partout sur la cellule so nt egalement caracteristiques de ces helicopteres . Ceu x des Rescue Squadrons re<;oivent progressivement le nec plus ultra en matiere de communication et de sys-
Ci-contre : Noel au balcon, Päques au tison ... A bord du HH-60, ce mitrailleur dis pose d'un point de vue imprenable sur la manceuvre de ravitaillement en cours. Ci-dessous: une centaine de HH-60G equipent la quinzaine d'unites de l'Air Force en charge des operations CSAR.
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temes d'autoprotection. Le SPS (Self Protection System), qui fait la synthese de tous les equipements d'autoprotection disponibles a bord (capteurs IR, detecteur d'alerte radar, ECM ... ), a ete mis au point par l'Air Force Reserve. II represente, selon ses utilisateurs, un formidable bond en avant en la matiere. Cote instruments de navigation, essentiels pour les infiltrations discretes en territoire ennemi, le HH-60G offre a ses pilotes un ensemble combinant GPS, centrale de navigation inertielle et Doppler de navigation. Le radar meteo et de suivi de terrain Bendix-King possede egalement une fonction de guidage vers les balises PLS declenchees par les personneis asecourir. « Nos
capacites de suivi de terrain de nuit sont toutefois tres inferieures a celles des Pave Low IV des forces speciales, regrettent les equipages du 304th RQS. Les gros MH-53 disposent d 'un veritable radar qui leur ouvre beaucoup de portes ... "
Petit, mais costaud ! Les equipages de HH-60G peuvent toutefois compter sur une large utilisation des moyens de vision nocturne: I'emploi de jumelles de vision nocturne (JVN) et du systeme de visualisation infrarouge (Flir) dont sont equipes tous les appareils est depuis longtemps systematise . « JVN et Flir sont deux equipements tres
Ci-contre : la facilite apparente de I'exercice de ravitaillement en vol cache, en fait, une tres grande dexterite de I'equipage. Le panier enquiller se trouve quatre bons metres des pilotes de I'helicoptere ...
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Ci-dessous: HH-60 et HC-130 cohabitent sur le parking militaire de I'aeroport international de Portland.
complementaires, car ils travaillent dans des longueurs d'onde differentes, expliquent les pilotes. Les premieres fonctionnent mal en /'absence de lumiere residuelle et offrent moins de contraste dans les images ainsi que de faibles performances grande distance. Mais elles sont irrempla9ables pour le travail courte portee et bon marcM comparees au Flir qui, en revanche, possede de bonnes qualites grande distance, avec la possibilite d'un suivi automatique des objectifs detectes. Le Flir est de-
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Historique du 939th RQW (AFRES) Mis sur pied en janvier 1963 sur I'aeroporl de Portland, le 9391h Troop Carrier Group esl alors une escadre de Iransport parmi lanl d'aulres. Aprils avoir eIe redesigne successivemenl Tadical Airrdt Group, puis Minlary Airlifil Group, iI demenage en 1969 sur la base voisine de McChord, Iroquanl au passage ses C-119 (qu'iI ulinse depuis sa crealion) conlre des C-141 flambanl neufs. Dissous en 1976, le 9391h MAG renail en avril 1985 sous Ja forme d' une unile de sauvelage appelee 9391h Aerospace Rescue and Recovery Group (ARRG), inilialemenl equipee de HC-130H el de UH-1 NHuey. Gnq de ces henCOplilres sonl remplaces en janvier 1987 par quaIre HH-3 Jolly Green Gian' ravilaillables en vol el mieux adaples aux missions de sauvelage. Rebaplisee 9391h Air Rescue Wing (puis 9391h Rescue Wing) en avrill990, I'escadre commencera CI echanger, moins d' un an plus lard, ses Hueyel HH-3 conlre des HH-60G Pore Howk.
grade par la pluie et la neige, tandis que /'utilisation des JVN est affectee par la fumee et les explosions ... " En resume, les deux systemes se completent idealement dans le scenario SAR de combat : le Flir a longue distance pour la detection des hommes et les JVN a courte distance pour la recuperation proprement dite. Par rapport au MH-53, I'autre ditference qui saute aux yeux tient a la taille du HH-60G, source de contrarietes (nombreuses) et de satisfactions (dans certains cas de figure). Un avantage immediatement souligne par les utilisateurs est I'aerotransportabilite de leurs Pave Hawk qui ont ete modifies afin de pouvoir etre rapidement embarques sur les navires de I'US Navy ou meme dans les avions-cargos de I'USAF. Empennage et pales du rotor sont repliables. Jusqu'a quatre appareils peuvent ainsi prendre place dans un C-5 Galaxy pour etre amenes a pied d'ceuvre en moins de 24 h en n'importe quel point du monde. Ideal pour un scenario afghan, sans doute. Mais n'oublions pas, toutefois, que les bati-
ments de I'US Navy peuvent egalement servir a transporter rapidement sur un thMtre d'operations les materiels volumineux. " Le HH-60 est une voiture de sport compare aux MH-53, precisent par ailleurs les pilotes du 304th RQS . Ce que /'on perd en capacite de transport, on le gagne en maniabilite et en disponibilite des machines, plus faeiles entretenir. " Le Pave Hawk est aussi une cible plus petite, capable de mieux encaisser les coups que des appareils plus complexes et plus anciens. " Les deux Mlicopteres ont chacun leur domaine d'excellence. Nous sommes globalement tres satisfaits du HH-60, meme s'il est vrai que, dans certains cas, nous souhaiterions disposer bord du volume du MH-53... ", resume le UCol Schultz-Rathbun.
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Puissance de {eu et grand bazar. .. La place est, en effet, tres comptee dans le HH-60G : a I'avant, pilote et copilote sont separes par une console d'instrumentation qui se prolonge vers I'arriere, empechant tout passage - en temps normal - vers le AIR FAN 23
-=--compartiment cargo. Derriere , le mecanicien navigant faisant offi ce de mitrailleur et un autre mitrailleur servent chacun une arme de sabord : mitrailleuse de 12,7 mm ou, plus couramment, Gatling multitube M-134 de 7,62 mm. IIs disposent de leur propre ouverture vers I'exterieur, ce qui leur permet de tirer ou d'observer le sol sans avoir a ouvrir les grandes portes de fuselage. Au milieu de la cabine , entre les deux hommes, se trouvent les paniers a munitions d'une capacite de 4 500 coups , soit quelques dizaines de secondes de tir pour chaque arme a la cadence rapide. A noter que ce sont les pilotes qui commandent, au moyen d'un contact electrique, la mise sous tension des armes et donnent I'autorisation d'ouvrir le feu . Le fond du compartiment cargo est, lui, occupe par un reservoir supplementaire amovible, mais installe pratiquement a demeure. A la vitesse de croisiere de 220 km/h, il offre a la machine une autonomie de 4 h 30 mn, soit un peu plus de 900 km (au lieu de 600 km) , sans ravitaillement en vol. 11 reste finalement peu de place pour les soldats transportes, qui doivent en plus compter avec le plafond tres bas, caracteristique de I'appareil, et la quantite assez impressionnante de materi els necessaires a leur mission : echelle soupie , cordes lisses pour la descente en rappel, civiere rigide helitreuillable, civiere classique , rade au de survie pour les survols maritimes, penetrateur de jung le (qui se fixe au treu il pour permettre au cable de traverser la canopee de la foret) et sacs de combat qui so nt tant bien que mal empiles pendant les operations . Les grands gabarits americains ne sont pas a la fete dans cet es pace exigu, et les hommes sont la plupart du temps equipes de genouilleres pour pouvoir se deplacer a genoux sur le plancher. Par ai lleurs, il est hors de question d'adopter une position assise sur le rebord de la cabine, les pieds dans le vide, comme ce la se pratiquait pendant la guerre du Vietnam: la mission Rescue est tout sauf un banal transport de troupes . Les pilotes utilisent leur machine comme un 4 x 4, collant au relief dans toutes les phases du vol pour echapper a d'eventuels radars et surprendre du mieux possible les observateurs places au sol. Dans un environnement vallonne, I'appareil ne reste jamais plus de deux secondes d'affilee a I'horizontale, et tous les occupants so nt solidement ancres ades anneaux disposes dans le plancher de la cabine, via leur harnais de hot extrac-
Ci -contre : le radöme, qui abrite aujourd'hui une antenne de communication satellite, offre au HC-130P une silhou ette caracteristique. En ba s : exe rcice de recuperation d'un blesse avec une civi€ne treuillable. Malgre sa taille redu ite (ä J'echelle am ericainel, le HH-60G peut remplir une tres large gamme de missions.
comp letant le 304th RQS au sei n du 939th Rescue Wing. Dotes de protections balistiques dans le poste de pilotage , ces Hercules ont egalement ete equipes d'un imposant reservoir supplementaire en soute qui leur permet de ravitailler les helicopteres en carburant sans entamer leur propre autonomie, laquelle s'eleve a douze heures avec une masse maxi de 70 t au decollage. Moyennant une dispense, cette derniere peut etre portee a 79 t, offrant du meme coup une autonomie de seize heu res ! Les quad ri moteurs ont aussi rec;:u (dans la rampe arriere) des ejecteurs de cartouches eclairantes ou fumig enes ai nsi qu'un en-
semble complet de detecteurs de menaces, de brouilleurs et autres lance-Ieurres. En operations, le HC-130 est servi par un equ ipage d'au moins sept hommes , soit deux pilotes, un mecanicien navigant, un navigateur et un operateur radio (ayant sa propre console de travai l dans le poste de pilotage, il gere les liaisons satellites, les radios cryptees , tout en disposant d'un deuxieme jeu de radios classiques) , plus un chef de soute et un observateu r en poste dans la partie avant de la soute. De grandes baies vitrees leur offrent un tres bon champ de vision vers le sol. Les appareils du 303rd RQS sont reconr-------------------------~ ~t
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tion.
Super Hereules Partageant le parking de Portland avec les HH-60G , trois HC-130P ravitai lleurs sont mis en CBuvre par le 303rd RQS, unite . AIR FAN 25
Ci-dessus: un PJ montre son equipement : le fusil M-4 est delicatement manipule par des mains gantees de nomex, US Air Force oblige ! La patte d'accrochage sur le casque sert ä recevoir les jumelles de vision nocturne. A gauche, en haut : le HC-130P traine le poids des ans et ses deux paniers de ravitaillement au-dessus de J'Oregon. Le remplacement de ces appareils va se poser avec acuite dans les annees ä venir. Ci-contre : specifiquement con~u pour un usage militaire, le Black Hawk est entre en service en 1979 et a ete construit ä ce jour ä plus de 1 000 exemplaires en plusieurs sous-versions, dont le Pave Hawk. .
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naissables au large carenage qu'ils portent sur le dessus du fuselage , qui abrita en son temps le systeme Cook Aeri al Tracker con<;u pour reperer les capsu les spatiales en phase de rentree atmospheriqu e et qui servit aussi a la localisation des balises de detresse de pilotes abattus . Cet equipement a aujourd'hui fait place a une antenne satellite. Les HC-130 sont egalement munis d'un Flir. « C'est une aide importante la maitrise de /'environnement, soulignent les pilotes (qui utilisent depuis plusieurs annees deja les JVN pour le pilotage tactique). "ne remplace den, il s'ajoute simplement aux systemes deja existants en elargissant la palette d'outils mis notre disposition. " Monte sous le nez, le Flir couvre un
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champ de 360 0 vers le bas et permet donc I'emploi de I'avion dans de nombreux roles secondaires tels que la detection des menaces, I'estimation de dommages eventuels , etc.
A gauche: vue interieu re de la soute du HC-130P, avec, au centre, le reservoir supplementaire qui lui permet de ravitailler les helicopteres sans entamer sa propre reserve de carburant. Ci-dessus : gros plan sur les ejecteurs de cartou ches eclairantes incrustes dans la rampe arriere.
La reflexion continue Travai llant en etroite collaboration, HH-60 et HC-1 30 constituent un binome coherent, meme si I'on commence a s' inquieter, du cote de l'Air Force, du vieillissement des Hercules. Autre sujet de preoccupation , mais sans doute moins facile aregier, celui touchant a la repartition des taches, les Forces speciales ayant plut6t tendance a venir marcher sur les plates-bandes des
unites de Rescue. Derni er exemple en date, celui de la recuperation du pilote de F-11 7 abattu en Bosnie, qui fut realisee par les Forces spec iales au grand dam des hommes de la Rescue. Dans ce domaine, comme sur les questions techniques, la reflexion continue au sein de I'US Air Force ... o Frederic LERT
Les Pararescuemen, la composante humaine de la CSAR Le 304th RQS travaille actuellement avec cinquante-deux Pararescuemen, egalement surnommes Parajumpers (PJ). Quarante d'entre eux sont de veritables reservistes (policiers, informaticiens ou serveurs de restaurant dans le civil ... ) qui jouissent d'une priorite absolue pour etablir leur emploi du temps en cas de deploiement et pour les nombreux stages de mise a niveau et de perfectionnement qui jalonnent la carriere des commandos americains. Les douze hommes restants, des « reservistes plein temps ", proviennent, en fait, des forces d'active et forment I'ossature de I'encadrement afin d'offrir I'unite une certaine permanence du savoir-faire. Comme nous I'avons evoque, la place manque un peu a bord du Pave Hawk, ce qui oblige I'USAF a operer avec des equipes reduites. Une mission typique
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met en oeuvre deux HH-60G embarquant chacun trois PJ. Les deux helicopteres s'apportent un soutien mutuel, I'ailier pouvant prendre le commandement en cas de defaillance du leader. Apres leur selection et six semaines d'entralnement militaire de base, les futurs PJ passent pres de dix-sept mois suivre differents stages et entralnements. L.:accent est notamment mis sur les connaissances medicales qui doivent leur permettre de stabiliser I'etat de sante des membres d'equipage serieusement blesses, avant d'organiser leur extraction . •:. FL
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Ci-dessus : ce qui manque le plus au Black Hawk es! la hauteur sous plafond. Heureusement que les casques et les genouilleres so nt la pour eviter les bleus ... Ci-contre : exercice de descente a la corde lisse. Taut I'art consiste a ne pas tomber sur le dos de celui qui vous precede.
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la recherche d'un successeur
Ei ses Starfighter, dont pas
moins de six cents (toutes versions confondues) lui avaient e18 livres , l'Allemagne de I'Ouest envisagea I'achat d'un vecteur apte Ei remplir tout Ei la fois des missions d'interception, de chasse-bombardement et de reconnaissance . Aussi s'engagea-t-elle Ei fond, Ei la fin des annees soixante, dans le programme commun europeen MRCA (Multi-Role Combat Aircraft) qui generera le
Ci-dessus : F-4F au decollage de la base de Neuburg, I'une des plus petites plates-formes de l'Otan, dont I'etroitesse de la piste ne permet pas aux Phantom de decoller ou d'atterrir en formation . A droite, en haut: dernieres verifications avant le depart en mission. Le personnel au sol communique avec I'equipage par radio. Ci-contre : deux Phantom evoluant ä haute altitude au-dessus de la Baviere, au cours d'un val d'entrainement ä I'interception. Lequipier part au break.
Tornado. Si le consortium Panavia vit bien le jour en 1969, la disponibilite du futur bireacteur fut jugee trop lointaine, et la Luftwaffe se tourna alors vers une autre solution pour remplacer ses F-104 de reco. Son choix se porta sur le RF-4E Phantom, le meilleur avion jamais con<;u pour ce r6le , dont elle commanda quatre-vingt-huit exemplaires qui commencerent Ei lui etre livres Ei partir de 1971. Par ailleurs, comme il etait apparu que le Tornado n'aurait pas la maniablilte necessaire pour lui ouvrir toutes grandes les portes de la suprematie aerienne, elle decida d'acquerir, cette meme annee , un lot supplementaire de Phantom destines Ei relever ses Starfighter d'interception. Apres de longues tractations et moult tests, commande fut passee pour cent soixante-quinze F-4F, une version edulcoree et allegee du F-4E en service dans I'US Air Force. Produits dans I'usine de Saint Louis, ils integraient de nombreux elements fabriques sous licence en RFA, notamment par MTU (reacteurs J7917A) et par MBB (sous-ensembles de struc30 AIR FAN
ture tels que le tron<;on arriere, la derive et les extremites de voilure). Outre quelques differences plus ou moins mineures, ils ne possedaient ni illuminateur de guidage des missiles AIM-7 Sparrow, ni systeme optronique d'identification d'objectifs (TISEO) monte sur le bord d'attaque de I'aile gauche. Le reservoir arriere de fuselage et le dispositif de ravitaillement en vol etaient egalement absents. Quant Ei I'armement principal , il etait limite au canon M61A-1 Vulcan de 20 mm et aux missiles air-air AIM-9B Sidewinder. Les livraisons debuterent Ei partir de septembre 1973.
Modernisafions inevifables La Luftwaffe ne fut pas longue Ei s'apercevoir que cette version minimaliste, certes moins coOteuse , avait de lourdes consequences sur les missions operationnelles. Aussi , au debut des annees 1980, les chasseurs re<;urent une serie de modifications,
dont un systeme de conduite de tir pour le missile air-sol AGM-65R Maverick, des lance-Ieurres Tracor AN/ALE-40 et un receptacle de ravitaillement en vol. Quelques annees plus tard , elle opta pour une nouvelle remise EI niveau de ses F-4F afin d'attendre plus sereinement I'arrivee de l'Eurofighter, prevue pour 2004. Baptise Kampfwertsteigerung (KWS), mais plus connu sous le nom d'ICE (Improved Combat Efficiency), ce programme transforma de fac;:on radicale la capacite operationnelle du chasseur allemand. Confie EI Dasa, il comportait I'integration d'un bus numerique multiplexe MIL-STD 1553B permettant d'installer les equipements suivants : un radar AN/APG-65 (celui du F/A-18) , une centrale inertielle EI gyrolaser Honeywell H-423, un calculateur de conduite de tir Litef, un detecteur de menaces Litton AN/ALR-68(V)2 et un nouveau calculateur de parametres air GEC En haut : le major Arne Zuhl, WSO la 2./JG 74 {( Zapata ", quitte la salle d'ops en compagnie de son pilote.
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Ci-contre : la mission principale de la JG 74 est la detense aerienne. Aussi les equipages se deploient-ils periodiquement a Decimomannu (Sardaignel, ou ils peuvent beneticier de tous les avantages de I'ACMI, et Goose Bay (Canada) pour s'entrainer au vol tres basse altitude.
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En bas : ce F-4F rejoint son abri durci. A Neuburg, une alerte (QRA) est assuree quotidiennement par deux Phantom armes de missiles AIM-9L Sidewinder.
Marconi CPU-143A. Ainsi rajeunis, les F-4F acquirent la capacite d'engager le combat transhorizon grace EI leur nouveau radar et EI I'emploi de missiles EI guidage actif AIM-120 AMRAAM. Trois avions (37+13, 37+15 et 38+43) furent transformes en bancs d'essai, EI Manching, le premier vol d'un appareil au standard ICE ayant lieu en 1989. Acette premiere phase d'experimentation succeda la campagne d'essais de validation et de simulation du nouveau systeme d'armes. En septembre 1991 , les trois avions rejoignirent la NAWC Weapons Division EI Point Mugu (Californie) pour des tirs reels d'AMRAAM 1. Le general Kammhuber fut /'ap6tre de la chasse de nuit allemande et san commandant au cours de la Seconde Guerre mondiale. Peu suspect de sympathie nazie, il fut nomme chef d'etat-major de la nouvelle Bundesluftwaffe.
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contre des cibles teleguidees BQM-34. Le cycle d'essais americains s'acheva I'annee suivante par un double tir qui fut couronne de succes. Au terme du programme, cent dix F-4F furent portes au standard ICE. Quarante autres, reconnaissables EI leur rad6me marron clair qui abrite toujours I'ancien radar AN/APQ-120, rec;:urent des modifications partielles. Aujourd'hui, les F-4F allemands font partie des Phantom les plus performants jamais construits EI Saint Louis. Un resultat inattendu pour un avion acqui dans les annees 1970 afin de servir de bouchetrou, et qui pechait par une infrastructure « EI I'economie " .
La JG 74 (( Werner Mölders
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L'origine de la JG 74 remonte EI 1960 lorsque les premiers groupes de F-86 Sabre de la Luftwaffe renaissante furent mis sur
~ Ci-contre: cet equipage ~ attend pour mettre en route. ~ A J'arriere-plan, run des nombreux shelters construits dans la zone operationnelle de la base et servant aabriter les Phantom de la JG 74. En dessous: cockpit d'un F-4F ICE (lmproved Combat Efficiency). Cette modernisation comporte, entre autres, un bus numerique multiplexe MIL-STD 1553B, une centrale inertie gyrolaser HoneyweIl H 423, un calculateur de parametres air GEC Avionics CPU-143A et un calculateur de tir Litef.
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Ci-dessous: un F-4F ICE en cours de revision I'interieur de I'un des grands hangars reserves la maintenance des chasseurs.
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Ci-dessus : gros plan sur le radar Hughes AN/APG-65 qui offre de nombreux modes d'operation au pilote et au navigateur, et se revele tres bien adapte au tir des missiles AIM-120 AMRAAM.
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pied Oldenburg. Sa creation resta cependant purement administrative puisqu'elle fut dissoute prematurement dans le courant de I'annee suivante. Profitant de la reouverture de la base de Neuburg an der Donau, en avril 1961, I'etat-major decida d'y transferer la JG 75 qui, le 5 mai, en presence du general Josef Kammhuber' , fut officiellement redesignee Jagdgeschwader 74 tout en recevant une dotation complete de chasseurs
F-86K. Trois ans plus tard , I'escadre entama sa conversion sur F-1 04G Starfighter, appareil avec lequel elle regna sur la Baviere jusqu'en septembre 1974, date de I'arrivee du F-4F Phantom 11. En avril 1992, elle sera la premiere Ellre equipee de la version ICE. Entre-temps, le 22 novembre 1973, la JG 74 prit le nom de Werner Mölders, devenant ainsi la quatrieme unite de la Luftwaffe honorer la memoire d'un as de la chasse
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al lemande (apres Richthofen, Boelcke et Immelmann) , et celte fois d'un as de la Seconde Guerre mondiale. Ce meme jour, la base fut elle aussi baptisee du nom d 'un valeureux pilote titulaire de dix-sept victoires, Wilhelm Frankl, tue en combat aerien le 18 avri11917. Aujourd'hui, la plate-forme compte environ 1 800 officiers, sous-officiers , hommes de troupe et personneis civils, mais ses efAIR FAN 33
Ci-contre : en vol au-dessus de sa base d'attache au mois de juillet 2001 , ce F-4F avait recu une decoration speciale en bleu et blanc (Ies deux couleurs du Land de Baviere) pour feter le quarantieme anniversaire de la Jagdgeschwader 74. Ci-dessous : tout ju ste sorti de son hangar betonne recouvert de terre et d'herbe, ce Phantom de la 2./JG 74 « Zapata )) attend son equipage. On rem arque I'importance des surfaces mobiles de la voilure.
.~ '" fectifs pourraient etre portes a 3 000 en cas ~ de conflit. Elle est dirigee par un Komma@ dore qui , via un etat-major, gere cinq secteurs distincts (personnei, renseignements , operations et entrainement, logistique, transmissions) . 11 a sous ses ordres trois commandants respecti vement responsables du groupe de la base, du groupe de maintenance et, bien entendu, du groupe aerien . Le premier de ces groupes est charge de taches diverses et variees, dont la surveillance du site, les transports et la protection sanitaire. Le deuxieme assure les visites periodiques (niveaux 1 et 2) des Phantom ainsi que la gestion des rechanges . Quant au troisieme, le groupe aerien , il se compose de deux escadrilles, les 1/JG 74 " Falken " et 2/JG 74 " Zapata ",
LA BASE DE NEUBURG La ville de Neuburg a, de tout temps, ete etroitement associee a la tradition militaire, des documents d'epoque y mentionnant deja des concentrations de troupes en 1077. Son histoire aeronautique commen9a en juillet 1912 lorsqu'un bi plan Euler atterrit dans un champ a la peripherie de la ville. Puis, au milieu des annees trente, un premier terrain fut construit en vue d'y implanter une ecole de combat. Vers la fin de la 2" GM, I'aerodrome bavarois accueillit des Messerchmitt Me 262 qui effectuerent leurs ultimes missions operationnelles. En raison de son importance strategique, le site fut bombarde a plusieurs reprises avant d'etre virtuellement raseo par deux raids de quadrimoteurs allh3s, d'abord le 21 mars 1945 lorsque 366 appareils larguerent 800 tonnes de bombes, puis trois jours plus tard 10rsqu'iI subit I'assaut de 271 bombardiers. Apres de longs travaux de reconstruction , entrepris de 1955 a 1957, les Americains rendirent la base a la Luftwaffe en 1958. .>
transfert a la legion Condor, en Espagne. Ses dons de pilote et de leader lont merveille. Sur le terrain, il elabore meme de nombreuses et efficaces tactiques touchant au combat aerien, lesquelles seront adoptees par la Luftwaffe et, plus tard, par ses adversaires' . A la lin de la guerre d'Espagne, il totalise quatorze victoires enregistrees sur BI 109D. Un pilote de cette classe ne pouvait que se distinguer lors de la Seconde Guerre mondiale. 11 affronte I'armee de l'Air et la RAF pendant la campagne de France et la bataille d'Angleterre. Le 15 juillet 1941, il decroche sa centieme victoire qui lait de lui le premier as de la Luftwaffe. Nomme Inspecteur general de la chasse, il se depense sans compter pour ameliorer I'efficience des unites. Paradoxe du sort, cet homme qui amis sa vie en jeu au cours d'innombrables duels aeriens, et qui n'a ete vaincu qu'une seule lois par un Dewoitine D 520', trouve la mort le 22 novembre 1941 a I'äge de vingt-huit ans, a bord d'un Heinkel 111 qui s'ecrase au decollage. 11 se rendait aux lunerailles d'Ernst Udet, un autre grand as de la chasse allemande. Novembre 2003 marquera le trentieme anniversaire de bapteme de la JG 74" Mölders ". .:.
WERNER MÖLDERS Sur la base de Neuburg, un petit musee a ete erige. Petit, mais interessant par les documents et photographies a caractere historique qu'il renferme. Ceux relatifs a Werner Mölders, I'as aux 115 victoires homologuees, sont particulierement dignes d'interet. Ne en 1913, Mölders est admis en 1934 a I'ecole de I'air de la renaissante Luftwaffe. D'abord affecte a un groupe de Stuka, iI rejoint en 1936 le II.IJG 134, base a Werl, dont il assume le commandement jusqu'a son
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1. Dont le fameux" Finger Four ", la formation adop((je.
a quatre appareils universellement
2. Le 5 juin 1940, un violent combat oppose huit Dewoitine 520 du GC 11/7
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quinze Bf 109 dans le secteur Compiegne-Estrees. Au cours de I'engagement, le sous-lieutenant Pomier-Layrargues abat le 109 pilote par le capitaine Mölders. Ce dernier saute en parachute et atterrit pres de Canly ou iI est capture. Pour les raisons que personne n'ignore, la captivite de I'Allemand sera breve...
Ci-contre : ä leur entree en service en 1974, les F-4F Phantom ne disposaient pas de la capacite de ravitaillement en val. Cette derniere a ete integree quelques annees plus tard et permet aujourd'hui aux appareils d'accomplir des vols et des missions langue distance, et de se rendre notamment aux Etats-Unis et au Canada . Ci-dessous: d'ici quelques annees, les F-4F seront remplaces par des Eurofighter Typhoon, la JG 74 devant iHre la deuxieme escadre de la Luftwaffe ä recevoir le nouveau chasseur, apres la JG 73 de Laage. o
plus une troisieme unite coiffant tout ce qui ~ a trait aux activites aeriennes : contr61e de ~ I'espace aerien, pompiers, communications, @ defense antiaerienne.
L'interception avant tout Dependante du commandement sud de la Luftwaffe (dont le quartier general es! implante Mestetten) et rattachee la 2. Luftwaffe Division, la JG 74 est doMe d'une !rentaine de Phantom repartis au sein de ses deux escadrilles en fonction de leur disponibilite. La configuration de defense aerienne ideale re pose sur trois AMRAAM en position ventrale et sur une nacelle de contremesures electroniques AN/ALO-119 montee a I'avant gauche sous le fuselage, sans oublier les inevitables AIM-9L Sidewinder installes sur les pylones d'aile. En realite , les appareils so nt plutot armes d'AIM-9L, de preference aux AIM-120 uniquement utilises en periode de crise, car leur mise en ceuvre est astreignante et engendre des problemes operationnels dus a I'absence d'un systeme IFF fiable. Pour les missions d'alerte ORA, les escadrilles fournissent alternativement deux equipages. Notons que la nacelle de brouillage AN/ALO-119 a ete modifiee par Dasa en fonction des systemes de contre-mesures electroniques des chasseurs de I'ex-pacte de Varsovie, une optimisation resultant des differentes experimentations menees sur les avions est-allemands recuperes au moment
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2. Les patrouilfes armees, mais aussi les interceptians, sant menees a mayenne altitude afin d'explaiter au mieux les capacites du radar APG-65.
de la Reunification. Toutefois, la nacelle est rarement installee en raison des perturbations qu'elle occasionne aux ensembles electroniques civils. L'activite aerienne se ressent de celte politique de menagement des populations qui, si elle contribue au maintien de relations etroites entre la ville de Neuburg et I'escadre, provoque I'etalement des vols en trois periodes durant la journee, avec un arret de deux heures aux alentours de midi. La JG 74 accomplit principalement des missions de defense aerienne. Outre leurs missions de patrouille armee', les pilotes s'entrainent regulierement aux interceptions sous controle d 'un GCI a terre (dans ce cas , c'est un F-4F qui joue le role de plastron au profit des autres), et aux manceuvres de combat aerien au-dessus de zones peu
peuplees et a une altitude jamais inferieure a 3 000 m. Cependant, les restrietions de I'administration allemande en matiere de vol a basse altitude sont tellement penalisantes pour I'entrainement que les equipages se deploient tous les ans a Goose Bay (Canada) pour deux a trois semaines. La-bas, la faible densite de population leur permet de voler a vingt ou trente metres du sol. Oe meme , ils se rendent periodiquement sur la base sarde de Decimomannu 00 ils peuvent se mesurer a d'autres chasseurs de l'Otan et utiliser les structures du polygone electronique ACMI, voire pratiquer le tir canon sur des cibles Oart tracMes par des F-1 00 civils de la societe Tracor Flight qui y so nt stationnes en permanence. 0 Luigino CAUARO Traduit et adapte de ['italien par Jean-Pierre Gil/et
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Souvenirs de Jean Pangon, navigateur sur Vautour
La beaute du diable... Reggane, 13 fevrier 1960, operation « Gerboise bleue». Lors du premier essai nucieaire franQais, la mission delicate des equipages de Vautour specialement modifies pour le prelevement des poussieres radioactives. u 3/30" Lorraine", a Tou rs, il y avait une vitrine Oll etaie nt pieusement conservees la casquette et I'echarpe tricolore du capitaine Pierre Mendes France. En 1943-1944, malgre I'interdi ction du general De Gaulle se plaignant de n'avoir pas assez de parlementaires avec lui (" N'allez pas vous faire tuer inutilement ", lui avait-il dit), I'ex-depute de la 111" Republique effectua trente-cinq missions de guerre comme navigateur au sein du No 342 Sq uadron de la RAF. Base a West Rynam et equipe de Boston, cet escadron fut engage contre la " forteresse Europe " et participa aux operations du debarquement du 6 juin ; ses pertes, entre le 12 juin 1943 et octobre 1944, s'eleverent a soixante-huit tues , trente-deux blesses et dix prisonniers. Fin 1954, revenant d'une seance de discussions aux Nations unies, Mendes France declara: " Maintenant, dans les conterences internationales, si on n'a pas la bombe, on n'est rien. " Des lors, les programmes d'etude visant a amener la France a la puissance nucleaire devinrent une priorite et, le 11 avril 1958, le gouvernement
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Felix Gaillard decida de preparer une premiere serie d'explosions experimentales. Le 22 juillet suivant, De Gaulle , revenu aux affaires , fixa la date de la premiere explosion au 1er trimestre 1960 et ordonna aux scientifiq ues et aux militaires de se depecher ! Celte decision provoqua le convoyage - le 25 mai 1959 - des Vautour IIN nOS 302,305, 307,308 et 309 de Tours a la SNCASO pour leur transformation en version pp permettant le prelevement de poussieres par penetrati on pilotee. Tres accessoirement, el le entralna aussi ma mutation au CEAM, sur la base de Mont-de-Marsan Oll fut organise I'exercice " Fennec " en juin 1959. C'etait une repetition des operations aeriennes devant accompagner le premier essai et les trois suivants qui recevront le nom de code " Gerboise " associe aux couleurs bleue, blanche, rouge et verte.
De Mont-de-Marsan
a Reggane
Creee pour I'occasion, I'escadrille Vautour du GUE 331 (G roupement d'unites d'experimentation) rassemble, au sein du GEAR (Groupement des essais air de Reggane) ,
cinq V2N et quatre V2B qui sont mis en place au Sahara pour d'ultimes seances de repetition. Alors que les equipages De Thorey/Cu ny, Gill et/Bonnamy et Rouaux/Allemang ont deja rejoint Reggane, je m'apprete a faire de meme a bord du V2N pp n° 309 pilote par le lieutenant Lang. Decollage de Montde-Marsan pour Oran le 13 janvier 1960 et, apres une traversee de l'Espagne sans histoire, atterrissage en fin de matinee a La Senia au bout d'une heure et vingt minutes de vol. La seconde partie du trajet s'annonce plus delicate. D'apres la MTO, il Y a une probabi lite de chasse sable a Reggane. Or, sur la version pp du V2N, la bolle a etincelles a disparu , car tout I'equipement radar a ete
~ Sefra. Timimoun est a moins de trente mib nutes. 11 ne fait pas beau. Le soleil est asth.. matique, la visi pas fameuse , et des turbu'0 ~ lences so nt le signe d'un vent fort. Ma ba~ lise a tendance a passer au 175°/170° et, ::;; dans la brumasse , je ne distingue pas A'in ~ ö: Sefra. Timimoun dans vingt-cinq minutes. Je @ demande a mon pilote de rajouter 5° au cap; nous naviguons maintenant au 18]0. Orientee nord-est/sud-ouest, I'oasis de Timimoun s'etend sur 80 km ; on ne peut pas la louper et, normalement, nous devons passer pile au milieu. Lang m'avertit : " Je
bien rond et facilement reperable dans ce relief chaotique. J'annonce le debut de la descente. Neuf a dix minutes plus tard, Lang me dit : " Jai la piste en visuel, on a du petroie en rab , al/ons voir la bombe. " Petit crochet par Hammoudia - la base avancee du CSEM 330 (Centre saharien d'experimentations militaires) pour les tirs avant de decouvrir, un peu plus loin, le pylöne en ferraille au sommet duquel sera instal lee la premiere bombe nucleaire fran<;:aise : 180 kg d'uranium et de plutonium, plus une tonne de TNT. Puis , cap sur Reggane Oll nous nous posons apres 1 h 35 mn de vol.
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(,Adaptation: Alain crosnier)
Ci-contre: le parking Vautourä Reggane en 1960. Les V2N pp n" 308 et 309 sont destines aux prelevements de poussieres nucleaires, le V2B n° 04 ä la photographie et le V2B n° 625 ä la radiametrie ambiante et ä la poursu ite du nuage atomique.
Reggane, une belle piste au milieu de nulle part Dans le prolongement de la vallee du Gu ir venu du Maroc, la vallee de la Saoura change de nom a Adrar pour devenir celle de I'oued Messaoud , domine par le re bord sud-ouest du plateau du Tidikelt qui s'eleve a 50 metres d'altitude . C'est sur ce plateau , absolument plat, que la base de Reggane a
Ci-dessous: toujours sur le parkin g Vautour de Reggane en fevrie r 1960, lors de « Gerboise bleue », mais du cöte des V2B. A droite : la navigation realisee le 13 janvier 1960 par I'equipage Lang/Pangon pour « descendre » d'Oran jusqu'ä Reggane, ä bord du V2N pp n° 309.
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--~~~--~~--------------------~----~~.-------------------~ @ demonte afin de permettre I'installation d'un conditionnement d'air de cabine autonome. Et la visibilite n'est pas fameuse, surtout en phase d'approche . Y ajouter les effets brouillants d'un vent de sable serait risque ; nous continuerons demain. Le lendemain, je reprend s le log que j'ai prepare pour cette etape. Depart a 9 h 03, cap magnetique 182°, 540 nautiques jusqu'a Reggane, soit 1 h 11 mn de vol. Nous y serons pour le repas de midi. Trois minutes apres le decollage, nous survolons Sidi Bel Abbes et j'affiche la frequence de la balise . ~a marche, nous l'avons rapidement derriere nous, au 000. Un peu plus tard , evoluant a 35 000 pieds depuis douze minutes, j'entr'aper<;:ois la voie ferree Mecheria-A'ln
erois que je la vois ! " En effet, nous ne tardons pas a survoler les palmiers. A l'arrivee, I'oued Sahoura sera a droite. Cinq minutes plus tard, il fait beau, nous ne sommes plus secoues et je rectifie un peu le cap : 185°, c'est plus facile a lire ... Le reg , le desert, defile sous nos ailes, presentant de multiples traces de vehicules qui sont peut-etre passes la avant-hier, ou il y a vingt ans ! Al lemang, qui avait deja fait le trajet en bimoteur Nord 2501 et en V2B, m'avait prevenu : " Quand tu apereevras le petit lae, il sera temps de deseendre. " Vers H + 60, mon pilote obtient le contact avec Antinea, le radar de Reggane. Je chouffe sur la gauche et j'aper<;:ois le petit lac, a sec depuis plusieurs millenaires, mais .AIR FAN 37
ete construite. Le sol caillouteux y est suffisamment dur pour permettre toutes sortes de vehicules de circuler librement. Ici, il ne pleut jamais, le seul agent d'erosion, c'est le vent. Les infrastructures comportent une belle piste en dur de 2 500 m x 30 m (26 0 43' N - 00 0 16' E), orientee au 260, un grand parking , un hangar et des baraques Filliod. Une mention speciale pour la tour de contröle dont les baies vitrees peuvent pivoter a I'horizontale pour laisser passer le souffle de I'explosion ! Plus au sud et en cours d'achevement, la base vie est constituee d 'un ensemble de batiments de deux etages, qui seront climatises et relies entre eux par des couloirs permettant de circuler I'abri du sable et de la chaleur. Ceux qui sont situes sur le haut de la falaise (en particulier le mess officiers) offrent une vue magnifique vers le sud, sur le desert. Certains matins, la visibilite depasse les 100 km et I'on peut imaginer, loin dans la brume de chaleur, la piste qui continue dans le Tanezrouft en direction de Bidon 5. Le foyer
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Ci-dessous: sur le parking de Reggane en 1960 pendant les tirs « Gerboise ", le V2N pp n° 307 du CEAM, ex-30-GC de l'ECn 2/30.
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du soldat est un endroit assez remarquable meritant une visite: rocaille monumentale et decor de torrent bondissant sur trois niveaux tres aeriens ; le bar semble flotter a mi-hauteur. Je partage une chambre avec Gillet et Bonnamy, ainsi qu'avec I'equipe des Mistral teleguides, constituee d'un agent technique du CEV, de son adjoint et du serge nt Gourlaouene, pilote. Trois lascars au moral d'acier et dotes d'un humour feroce. Les veillees ne so nt pas tristes I Nous buvons beaucoup ... d'eau, en bolles de deux litres, car il faut faire le plein d'humidite pour le lendemain. Cuny, Allemang, Gillet, Bonnamy, Chatein, Gourlaouene et moi-meme, tous sous-officiers, plus les deux civils, mangeons au mess officiers, non pour des raisons humanitaires mais financieres. En effet, nos indemnites, dites de mess-reacteur, so nt du meme montant que celles des officiers. C'est aussi, dans cette ambiance un peu exceptionnelle, une gentillesse a notre egard. A table, les equipages se reconstituent, plus ou moins sans consideration de grades. Oe mille cinq cents deux mille militaires des trois armes sont affectes sur le site, dont
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des marins pour la mise en CBuvre d 'au moins un patrouilleur Neptune, mais egalement de la passerelle de contre-torpilleur classe Mogador installee sur le lieu de I'explosion ... Les civils sont tout aussi nombreux et proviennent d'horizons divers. Les effectifs du CEA et des entreprises annexes s'elevent un millier de personnes au moins. Acela, il faut rajouter les PLBT (Populations locales du Bas-TademaH) que certains appellent les " populations laborieuses » ; ils so nt deux cents ou trois cents, encadres par un officier des affaires indigenes. Chez les militaires, ce n'est pas I'union sacree, mais I'interarmes enthousiaste. Au sein du CEA et de la DAM (Division des applications militaires), on trouve beaucoup de scientifiques (civiis ou en uniforme) et, parmi eux, le fameux professeur qui, en 1958 ou 1959, avec des greffes de moelle osseuse, a sauve la vie de physiciens yougoslaves qui semblaient irradies mort. La base ne possede aucune clöture, tout le monde - y compris les gens du coin pouvant y circuler librement, sauf sur le parking et la piste, bien entendu; seules les zones sensibles du CEA so nt protegees par
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Ci-contre : beaucoup de monde sur le parking de Reggane ou I'on denombre, outre la lignee de Vautour, un Nord 2501 du « Touraine », le Nord 2502C (F-BGKG), typique avec ses deux reacteurs Marbore, un Mistral, un Broussard, des AAC ,1 Toucan et des Flamant. En bas : le V2N n° 305 vu au-dessus du douar et de I'oasis de Reggane pendant I'operation « Gerboise bleue» en fevrier 1960,
de hauts grillages, Ainsi, le marche traditionnel se tient toujours au meme endroit, sur le re bord du plateau , malgre la presence de batiments tout neufs; person ne n'a juge utile de le faire demenager et il est devenu un but de promenade le dimanche matin, On y trouve tout, artisanat local inclus (bracelets ou col liers constitues de minuseules perl es de couleur), On peut egalement y marchander des moutons, de ceux appartenant acette race particuliere du Sahara, tres hauts sur pattes et connus sous le nom de moutons-girafes, Mais il y a aussi une autre attraction qui se deroule quotidiennement sur I'esplanade, lieu de rencontre de la base vie, Autour d'un grand feu al lume avec du bois d'emballage, les PLBT, qui sont d'une simplicite biblique et d'une extreme gentillesse, donnent tous les soirs un concert en tapant sur des fOts de 200 I plus ou moins remplis de sab le, avec
danses a la eie, Un spectacle que Bonnamy a baptise le " Torro-club ", La Republique sert un petit salaire a ces gens simples , Mais pour eux , qui sont tres pauvres, c'est une fortune , Employes comme serveurs dans les mess (assez folklo puisqu'ils n'ont jamais vu une fourchette",) ou comme manceuvres, ils semblent un peu depasses par ce qui les entoure, mais reste nt toujours souriants, A quelqu'un qui leur trouvait un air stupide, je n'ai pu m'empecher de repliquer: " Mettez-/es au cu/ d'un chameau avec un peu de tM, deux au trais sacs de dattes et deux autres d'eau, et i/s vant jusqu'a Gaa en se fiant aux Mai/es, " Pour I'explosion, on leur a explique qu'ils devront se coucher a plat ventre, la tete sur I'avantbras, dans un endroit degage, Le matin du jour J, on les reunira sur I'esplanade, Immediatement apres le tir, ils se releveront et, trouvant le spectac le a leur goOt, enta-
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meront une danse frenetique, La violence de la secousse sismique en fe ra tomber certains sur les fe sses, Qu'importe , ils se remettront debout et continueront a danser. Tout juste seront-ils surpris par le " big boum " qui interviendra trois minutes plus tard I En attendant la fin des preparatifs et le jour propice, avec un vent d'ouest pas trop fort, nous nous employons a mettre au point le röle de chacun et a parfaire la synchronisation de I'ensemble de nos missions, Les briefings ont lieu dans la baraque Filliod reservee aux operations , situee au bord du parking , ou nous avons deja assiste a de nombreuses conferences sur la radioactivite et ses mefaits, La, deux civils - d'origine inconnue, peut-etre de la DAM ? - nous donnent des explications tres techniques sur le Vautaur PP, notre nouvel appareil quelque peu transforme en sous-marin, L'equipement normal de pressurisation a ete remplace par un systeme de bouteilles d'air comprime (installees en soute) destine a assurer la protection de I'equipage lors de la future traversee du nuage radioactif, L'avion etant en surpression , les fuites ne peuvent se produire que vers I'exterieur, ce qui nous met a I'abri de toute ingestion de particules radioactives, L'ensemble etant evidemment calibre et ta re afin que bouteilles et avion ne se degonflent pas trop rapidemenL Lors du passage dans le nuage, nous n'aurons a subir que les effets de la radioactivite du moment. Mais I'ennui, dans cet espace confine qu'est devenu I'habitacle, c'est que r;:a pue ! ; I'humidite relative augmente et le givre s'accumule sur le plexiglas, Certes, le pi lote garde une vue vers I'avant grace a la vitre frontale rechauffee par une resistance electrique, mais le navigateur, lui, est oblige de gratter le givre' avec ses ongles ou, 1. Heureusemen t, en plein Sahara, /'humidite relative ne depasse pas 60 % et le givre, presque absent, est beaucoup moins genant,
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Ci-contre : le Mistral n° 89, avion telepilote porteur de tuyeres de prelevement de poussieres. Les personneis du GEAR portaient une casquette distinctive jaune et blanc alors que celle des personneis du DAM etait rouge et blanc. En bas : le V28 n° 04, muni de ses housses de protection contre le vent de sable.
mieux, avec son computer de navigation en plastique. II est evident que nous sommes sous oxygene cent pour cent pendant tout le vol , y compris jusqu'a I'ouverture des verrieres , une fois au parking . Le V2N pp est equipe d'un bidon gauche dont I'avant a e18 tronque pour permettre I'adaptation d'une tuyere de prelevement de poussieres, laquelle comporte un filtre - un peu comme un filtre a cafe, mais en mieux et en plus sol ide - qui , en vol normal, est protege du vent relatif par un volet. Si, dans sa version PP, I'avion a perdu son radar DRAC 25, il a gagne un element essentiel en place arriere : un commutateur ! Ce vulgaire bouton a bascule est cependant d'une importance capitale, car il permet d'action-
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ner le volet. Ouvrir et fermer ce dernier est la tache principale du navigateur. Plusieurs taxis devant etre en I'air au moment de I'explosion , les equipages , pour ne pas etre aveugles par le flash , ont regu des lunettes fortement teintees et les hab itacles des avions ont ete equ ipes de rideaux a fermeture Eclair.
Les missions En premier lieu, le Neptune de la Royale devra assurer le suivi radar du nuage radioactif. Son equipage aura I'avantage d'etre mis en attente sur un hippodrome assez eloigne du point zero, Quant a I'armee de l'Air, son r61e sera double avec, au sol, la
conduite des essais d'exposition de materiels aux effets de I'explosion , et, en I'air, la mise en ceuvre des appareils devant effectuer de multiples missions: photographie du champignon atomique (V2B), exploration apres stabilisation (Mistral telepilote) , prelevement de poussieres radioactives (V2N PP) , relevage systematiqu e de la contamination au sol (MD 312 et leurs avions gigognes/relais radio MD 311), mesure dans la zone proche de I'explosion (Alouette 11 ) et, enfin , poursuite du nuage
(V2B). Tout d'abord, le V2B n° 04 (equipage DelarcheNernet) , equipe pour la reconnaissance , ainsi qu 'un MD 312 decolleront vingt ou trente minutes avant le tir. IIs seront mis
Ci-dessus : /'epave d'un MD 450 Ouragan apres I'explosion, victime de /'effet de souffle. A droite : le pylone metallique supportant la bombe MI , erige ä proximite du site de Hammoudia, la ba se avancee du CSEM 330.
reg a 37 km au sud-ouest de Reggane - et a moins de 30 km du point zero - , I'endroit a ete dote d'une piste en terre de 900 metres destinee servir de terrain de secours le jour du tir. Munis de combinaisons , de masques gaz et d'un poste radi o, les deux hommes s'installeront dans un bunker; ils pourront sortir de leur trou en cas de necessite, pour accueillir un appareil en difficulte.
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en attente au nord de la base , le Vautour vers 20 000/25 000 pieds, le Dassault beaucoup plus bas. Quelques minutes apres, depart des deux Mistral, le premier telepilote par les deux agents techniques du CEV partir d'une cabine installee sur le parking, le second pilote par le serg ent Gourlaouene qui devra - a I'aide d'un boitier ad hoc prendre le re lais du sol H moins cinq mi nutes pour fi gnoler la trajectoire du premier Mistral afin qu'il passe bien au milieu du nuage. Ce ne sera pas une mission de tout repos. Apres le tir, decollage des quatre' V2N pp charges des prelevements dans le nuage H + 30, H + 40, H + 50 et H + 60. Ensuite, entree en lice des V2B nOS 625 et 639 de la 92' escadre, qui devront suivre le nuage, de deux MD 312 et de deux Alouette 11 pour des mesures de radi ametrie, plus d'autres Dassault servant de relais radio. Puis, en dernie r, decollage du commandant Rouaux et de I'adjudant Al lemang sur le V2B n° 640. Toutes ces missions seront coordonnees par" Antinea " qui , le jour J, executera son travail sans bavure. Enfin , un petit mot au sujet du cas tres particulier de mon camarade d'Orleansville, le serge nt-chef contraleur Rozzo (natif de la Martinique), qui, la veille du tir, avec un autre sous-offi cier Contraleur, sera depose par helico Hammoudia. Autrefois puits perdu dans le
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2. Plus le n° 302 en spare, aux mains d'un equipage prete par la 30' escadre pour I'occasion.
3· 45 mn sur le n° 3081e 18 janvier, une heure sur le n° 3091e 20, el 1 h 05 mn sur le n° 3071e 21 . 4. Non sans avoir au prealable pense a fermer et a debrancher I'oxygene, et met/re un morceau de colon dans I'embout.
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Entrainement a la mission Avec Lang, nous realisons quelques vols sous la direction d '" Antinea ". D'abord, le 15 janvier pou r une reco secteur de 1 h 05 mn sur le Vautour n° 305. Puis, une serie d'entrainements " Gerboise " les 18, 20 et 21 janvier3 . Une ang ine me cloue ensuite au sol jusqu'au 4 fevrier, date laquelle je reprends mon activite en effectuant une heure su r le n° 309. Mais je ne suis pas le seu l mal en point. En effet, ces missions ne nous ont pas preserves d'une angine qui s'attaque aussi bien aux civils qu 'aux militaires. La secheresse de I'air, la deshydratation , I'oxygene en sont peut-etre les causes. Je fais partie des victimes, mais Jean Cuny aussi. Apres une semaine d'absence, dont trois jours au lit, il se voit octroyer 24 heures de vacances, avec en prime une 2 CV (son pilote I'a pistonne) , qu'il met a profit pour parcourir la " campagne " et I visiter les oasis. Pendant que je soigne ma gorge, Gillet et Bonnamy se deroutent Adrar ; un vent de sable s'est leve Reggane et le terrain est passe rouge MTO. Adrar est dix minutes de vol dans le 340°. Le lendemain, Gillet me raconte qu'i ls ont ete accueillis par des meharistes. Avant de quitter leur appareil , garde par une sentinelle pendant la nuit, on leur a demande s'il ne fallait pas fermer ces portes sous I'avion et sur les cates des reacteurs ; tres serieux, il a repondu que lesdites portes s'appelaient des trappes de train et qu 'elles ne pouvaient etre fermees 25 000 pieds et par qu'en vol. Un jour, 8/8' de visi, Lang" a fait du nuage ", mais
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la couche etait si peu epaisse que la queue de son Vautour depassait en ciel clair. 11 a quand meme note dix minutes de VSV sur son carnet de vol. Au-dessus du Sahara, il faut le faire ! Une autre fois, Oll j'etais toujours indisponible pour cause d'angine, il a carrement annu le son decollage, ayant la nette I'impression que son taxi n'allait pas quitter le sol. Les mecanos n'ont rien trouve d'anormal, si ce n'est I'absence de son navigateu r attitre ... Mais, toutes ces petites peripeties n'ont pas beau coup d'importance. Le vrai probleme est que nous partirons avec un appareil propre et que nous reviendrons avec un avion radioactif. Le commandant Ruyere , patron du GEAR, lui aussi fortement concerne puisqu'il pilotera le premier V2N PP, organise donc une reun ion sur le parking au sujet du retour de mission des Vautour qui entreront dans le nuage. Nous y retrouvons les offici ers mecaniciens. 11 est decide que gaz, nous ne porterons pas de masque juge trop encombrant, et retenons la solution d'i nhaler une bonne goulee d'oxygene avant d'ouvrir la verriere4 , de sortir du cockpit et de s'eloigner rapidement. Je suggere I'uti lisation d 'une passerelle mecano pour nous permettre de descendre de I'avion du cate droit, en longeant le fu selage, de maniere eviter de passer devant le re acteur et la tuyere de prelevement qui seront les points les plus " sales ". Suggestion retenue ; mais, le lieutenant mecanicien charge de real iser la transformation de la passerell e me regarde de travers ... Apres le 13 fevrier, les mecanos uti liseront largement cette derniere pour le travail qu 'ils auront faire sur les appareils. IIs seront toutefois equ ipes d 'une comb inaison et d'un masque gaz.
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Les souterrains du CEA. .. la bombe On nous a fait visiter les souterrains du CEA. D'abord pour y subir un examen par le AIR FAN 41
Ci-contre : retour de mission Reggane pour ce V2N pp du GEAR, en fevrier 1960. Instaliee sous I'aile gauche, la tuyere volet mobile destinee au prelevement de poussieres dans le nuage atomiq ue.
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A droite : pour limiter les dangers de radiation, I'equi page sort de I'avion par la droite et se soumet aussitöt aux premiers contrö les.
professeur cite plus haut et dont je ne parviens toujours pas a retrouver le nom. Imaginez un assemblage de grosses barres metalliques , genre Meccano geant, des briques de plomb et une civiere , ou il fallait s'allonger et ne plus bouger. Un ensemble rapidement surnomme « le tombeau " ... Une assistante, jeune et jolie , mettait le systeme en branle et, aussitot, des compteurs commen<;aient a tourner. Lorsque ces derniers avaient fini de decompter, la demoiselle (qu'Aliemang avait immediatement baptisee « la mome additions ,, ) les re levait, additionnant et soustrayant les chiffres pendant qu'un pauvre PLBT entassait des briques de plomb sans trop savoir pourquoi. Apres cet episode rassurant, les gens du CEA nous ont montre la bombe, derriere une vitrine. Je me souviens vaguement de plusieurs enveloppes metalliques contenant les elements de fission qu'il convenait de reunir en une seule sphere juste avant I'experimentation. Souvenirs lointains, mais moments forts. Pour le tir, cette sphere sera placee au sommet d 'u n pylone, celui que nous sommes alles voir lors de notre arrivee, et entouree d'une tonne de TNT agrementee de multiples detonateurs qui, en principe, devront exploser simultanement, au micropoil de seconde pres. En un temps ultra-
5. Oe sa place, le pilote peut voir si le volet de tuyere est ouvert ou ferme, moi pas. 6. Le Mistral telepilote, mais sans contr6le, a continue tout drait et le contr61eur du CEV au sol /'a recupere a la sortie du nuage.
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court, la sphere sera compressee, son volume reduit, la masse critique depassee et <;a fe ra boum! Pour I'instant, deux trous dans la vitrine , chacun muni d'un gant en caoutchouc afin d'assurer I'etancheite, permette nt de poser une main sur une demibombe. A travers le gant, on ressent une legere sensation d'activite suspecte. Ca fait « bzzz " ...
La beaute du diable ! Reggane, 13 fevrier 1960, 7 h 04. Je suis allonge sur le parking , a dix metres du V2N pp n° 309, la tete reposant sur mon avant-bras droit replie. Le point zero est a 47 km. J'ecoute le haut-parleur egrener les secondes : « Cinq, quatre, trois, deux, un, zero. Flash! " A travers mes paupieres fermees , je per<;ois nettement la lueur de I'explosion. Je me releve alors que fusent les applaudissements, les bravos et les cris d'admiration, en arabe et en fran<;ais. « Et m. .. ! ", le hangar me cache tout Je pique un sprint vers la gauche et, la, une enorme boule en fusion qui tourne sur elle-meme. Ca turbule violemment et <;a monte. De la couleur or, on passe a I'orange, puis au rouge. Des zones plus sombres - d'un noir sinistre - apparaissent, tandis que d'autres reste nt encore tres lumineuses. C'est magnifique ! Ca y est, la France est desormais la quatrieme puissance nucleaire au monde. Trop absorbe par le spectacle, j'ai a peine ressenti la secousse sismique. Je regarde mon chrono, me bouche les oreilles, ouvre la
bouche... Le souffle vient arracher une fenetre d'une baraque Filliod . Le nuage est maintenant completement forme, avec une petite coiffe de cirrus qui indique qu'il pousse la tropopause. A 7 h 10, le soleil pointe et le spectacle est termine. La tete du champignon, vers 35 000 pieds, devient tres blanche, presque transparente. Plus bas, d'autres nuages se forment et s'allongent dans le lit du vent, a 20 nautiques au sud. L'explosion a aspire une quantite enorme de sable, laquelle reste en suspension entre 20 000 et 25 000 pieds tout en se fragmentant en une serie de paquets jaunatres. Avec Lang , j'effectue le tour avion du n° 309, puis nous nous instalIons dans le cockpit en attendant I'ordre de mise en route . Le premier PP, celui de Ruyere et d'un capitaine de la DAM , commence a rouler vers le bout de piste; il doit decoller a H + 30. A cote de nous, De Thorey et Cuny lancent les reacteurs; ils sont prevus a H + 40. Nous surveillons nos nuages. Bientot, la tour nous avertit : « Mise en route. " A H + 50, nous decolIons et rentrons le train et les volets. L'equipage Gillet/Bonnamy suivra a H + 60. Vers 25 000 pieds, Lang choisit un nuage sombre a souhait pour faire un trou dedans. J'ouvre le volet de la tuyere. Gling, gling, gling... et, en moins de 20 secondes, le dosimetre affiche deux röntgens et quelque chose. Je referme le volet pour ne rien perdre de cette premiere recolte. Lang commente : « Vingt secondes de VSVen nuage radioactif, faut le faire! " Et c'est reparti pour un deuxieme passage dans un autre
nuage, tout aussi dense que le premier. Mon pilote me crie : " La tuyare ! " J'allais I'oublier5 . Gling, gling, gling ; 4,98 R. .. N'ayant droit qu'a 5 R, pas plus, je ferme le volet et nous rentrons a la base. Au sol, direction la douche OU nous retrouvons Oe Thorey et Cuny. Apres controle au dosimetre, je suis condamne a une seconde douche, laquelle ne produit pas non plus les effets escomptes ; ma tignasse est un vrai piege a poussieres, surtout les radioactives ... On me conseille d'aller voir les gens d'a cote qui possederaient un savon surpuissant et des dosimetres plus pointus. Le capitaine Oe Thorey requ isitionne une jeep et nous voila repartis vers ma troisieme douche ; la, on me fournit un vrai decapant Cuny, qui commence a perdre ses tifs, me lance, jaloux : " Tu vas paumer tous tes cheveux. " Je me frotte energiquement et, fina-
lement, le verdict du superdosimetre m'absout Nous revenons aux Ops ou Rouaux et Allemang pietinent, leur decol lage n'etant pas prevu avant 50 ou 60 minutes. Tant pis pour eux ! Nous allons assister, de loin, au decrochage des filtres sur nos avions. Notre n° 309 refuse d'etre dessaisi de sa recolte. Oerriere son bouclier de plomb et de verre epais, equipe de roues, le " prepose " de la OAM s'escrime avec sa perche munie d 'un crochet ; cette intervention n'aurait pas dO depasser 20 secondes. Peut-etre un collier est-il trop serre ? Finalement, le fi ltre tombe dans I'espece de sac a roulettes ou il aurait dO etre depuis plusieurs minutes. Normalement, I'operateur ne devait prendre que 5 R, mais, avec ce retard, il en aurait emmagasine vingt, paralt-i l. Oe Thorey et Cuny sont passes dans les restes du vrai nuage, vers
35 000 pieds . Le traverser ne leur a demande que 5 secondes , au cours desquelles ils ont quand meme pris 5 R. Leur recolte a ete maigre , mais se revelera ce pendant tres precieuse. Partis les dern iers, Gil let et Bonnamy arrivent enfin , tout propres et tout contents, mission accomplie. Pendant le dejeuner, la sal le resonne de nos exploits divers . Gourlaouene a eu des emotions. Absorbe par la conduite du Mistral telepilote·, il s'est laisse surprendre par le souffle de I'explosion et son taxi s'est mis en vrille. Ne parvenant pas a la stopper, il s'appretait a larguer les bidons quand , au troisieme tour, il reussit a recuperer une trajectoire a 90° de la direction du nuage et a s'echapper en serrant les fesses , a une altitude qu 'il nous qualifie de " modeste " ... Oelarche et Vernet ont eu des ennuis avec la fermeture Eclair des rideaux qui ont laisse passer le flash
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abondamment. Apres le repas, nous retournons aux Ops ou nous retrouvons I'equipage Rouaux/Allemang qui vient de se poser a I'issue d'un vol aller et retour d'environ 1 000 nautiques entre Reggane et la frontiere libyenne, soit une duree de plus de 2 h 30 mn. Allemang nous confie • « On n'a
eu aucune difficulte a pister ce sacre nuage. 11 s'est allonge de Reggane jusqu'a la frontiere; pour revenir, il a suffi de le suivre dans /'autre sens. "
Rozzo et son camarade ont ete rapatries en fin de matinee, leur presence a Hammoudia etant devenue inutile. Rozzo rale, car il n'a rien vu. En revanche, le petit tremblement de terre engendre par I'explosion , su ivi du boum une minute plus tard, etaient plutot terrifiants, nous confie-t-il. Finalement, c'est lui le heros de la journee. Quant a I'equipage de la « 30 ", il repartira a Mont-de-Marsan avec le n° 302, degu de n'avoir pas vole ce 13 fevrier et de n'avoir pas pu vraiment participer a I'allegresse generale. Nous sommes re passes au « tom beau ", mais on ne nous a pas communique les resultats de cette deuxieme analyse. liest probable que nous avons emmagasine un peu de cesium 137, qui a une duree de vie de trente ans. J'en ai aujourd'hui soixantequinze, et il a du depuis se transformer en Ci-dessous: decontamination du V2B n° 640 apres le tir de la premiere bombe atomique fran~aise le 13 fevrier 1960.
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cesium 135 qui, lui, a une duree de vie de 2,3 millions d'annees ! Celui-Ia, je I'emporterai dans ma tombe ... L'apres-midi , je dois recuperer les dosimetres " stylo " qu'on m'avait charge de distribuer lors d'un des premiers briefings un peu « pagaille " du debut de la campagne. J'avais fait une vague liste que, bien sur, j'ai egaree . J'en retrouve quand meme quarante et un sur quarante-deux. Dans ces histoires-Ia, il y a toujours des « oublieux " ... Le lieutenant mecanicien, qui doit les restituer a la DAM, fe ra croire que le manquant a fini ecrase sous la chaussure d'un etourdi, apres etre tombe par terre. On me confie ensuite la tache de compter et de tri er les combinaisons cache-poussiere. Alors la, je suis moins chaud, car elles sont remplies de sable d'origine douteuse. Sans refuser, j'en demande une propre, ainsi que des gants et un masque. Dans I'immediat, I'affaire tourne court; craignant I'utilisation de ce lies qui n'ont pas servi pour une sorte de bai masque, le Commissariat les a toutes recuperees. Quant aux masques, il n'y en a pas des masses. En effet, les mecanos ont fait main basse dessus, car ils en ont un serieux besoin pour mettre nos avions a I'ecart sur I'aire de decontamination et les nettoyer. Le soir, le mess est dans un etat lamentable • champagne et victuailles diverses, ambiance interarmes chaude et joyeuse ; tout un groupe de medecins et de veterinaires fetent « Gerboise bleue" a la russe,
le verre vide par-dessus I'epaule. Resultat, un lieutenant toubib m'entreprend sur la vie sexuelle des rats... Nous nous esquivons assez tot pour eviter la gueule de bois. Le lendemain matin, je retourne au local ou ces satanees combinaisons sont entreposees et j'y trouve un sergent-chef mecano, equipe d'un masque et d'Unj combinaison immaculee, en train de les trier. Je lui conseille de mettre de cote les plus abimees (meme si toutes seront certainement brulees) et de prendre au moins trois douches quand il aura termine. L'apres-midi, alors que je sirote tranquillement ma dose d'eau d'Evian devant les Ops ou les etats-majors discutent, Cuny debarque et me lance • « Panpan, faut faire tes valises, on rentre demain a Marsan en Oassault 315. Je t'ai mis avec Bernard sur le n° 67. "
Le 15 fevrier, decollage en debut d'apresmidi et retour agreable a quatre appareils. Nous suivons I'avion leader du capitaine Milles qui se debrouille comme un chef. Le trajet se deroule sans histoire et nous arrivons a Oran vers 17 h 30, apres trois heures cinquante de vol. Direction la rue d'Arzew, ou nous choisissons un bon restaurant. Le lendemain, nous rejoignons Perpignan (3 h 05 mn de vol), terrain ou nos rem plissons de nouveau les reservoirs ... avant d'aller nous coucher. Le 17, nous atterrissons enfin a Mont-de-Marsan, un saut de puce representant 1 h 05 mn de vol. « Gerboise bleue " est derriere nous. Yahoo ... et vive Oe Gaulle ! 0
© Pierre Narbey/coll. A. Grosnier